Nas commente les premiers extraits de Life Is Good
Nous avons pu passer cinq petites minutes avec Nas lors de son dernier séjour parisien. Une rencontre éclair mais éclairée avec une légende vivante, à la veille de sortir son dixième album : Life is good.
Nous sommes le 3 juillet 2012, il est 20h45. Nous retrouvons Nas dans sa loge – check – quelques minutes avant qu’il ne monte sur la scène du Bataclan accompagné d’un groupe de musiciens assoiffés de sang. La rencontre est chronométrée : cinq minutes. À peine le temps de respirer et de profiter pleinement du moment. Face à un tel mythe et avec aussi peu de temps, la mission était impossible. Il nous a donc fallu faire un choix, trouvé un bon angle. Nous avons décidé de nous concentrer sur les quatre premiers extraits de son nouvel album Life is good. Rencontre avec une légende vivante passée de « Life’s a bitch » à Life is good.
« The Don » produit par Salaam Remi, Heavy D et Da Internz
Premier extrait de Life is good, « The Don » fait cracher les décibels. Avec ses références récurrentes à New York et ses boucles courtes et étouffantes, il fait écho à un historique tout en partant dans une approche musicale plus actuelle.
Nas : « La prod’ de « The Don », à la base, c’est un morceau que Heavy D avait donné à Salaam Remi pour que je pose dessus. Quand Salaam me l’a donné, j’ai commencé à rapper dessus et je me suis dit que ce morceau allait être un single. Ensuite, j’ai entendu la version de Heavy D, et j’ai été soufflé. Da Internz étaient aussi là, et au final, on a tous bossé dessus pour que le morceau ait un maximum d’énergie. C’était l’approche de « The Don » mais aussi de l’ensemble de l’album : partager autant d’énergie que possible. »
« Daughters » produit par No I.D. et Salaam Remi
Deuxième extrait, « Daughters » s’inscrit dans un tout autre registre. Centré autour de sa première fille Destiny, il y a deux façons de percevoir ce morceau : une première assez légère sur l’amour paternel. Et une seconde, beaucoup plus amère, sur les erreurs et angoisses de Nasir Jones, père d’une fille de dix-sept ans.
Nas : « Ce morceau c’est ma vie, tout simplement. Ce titre, et le fait de parler ma vie, ça a été une forme de thérapie. Il y a des choses qui viennent directement du cœur. « Daughters » c’était vraiment ça. Pour ce qui est du clip, c’est le directeur artistique qui a eu cette idée de se mettre à la place de ma fille. Du coup, certains plans sont assez bas, plus proches du sol. Le clip commence par sa naissance et avance dans le temps. »
« Accident Murderers » (ft. Rick Ross) produit par No I.D. et Salaam Remi
En début d’année Nas faisait équipe avec le gros Rozay le temps de « Triple Beam Dreams ». Un morceau rassemblant deux générations autour d’un concentré de visions criminelles : entre réussite sociale éclatante, grand banditisme et code 187. « Accident Murderers » s’inscrit dans cette droite lignée, déversant au passage une giclée de Vodka sur le bitume.
Nas : « »Accident Murderers », c’est un titre vraiment pour la rue. Et personne ne fait des albums pour la rue comme Rick Ross aujourd’hui. Il est vraiment au sommet maintenant. Tu l’entends partout : dans les clubs, les bagnoles, les radios et les maisons de disques. Il parle de la rue comme j’ai envie de l’entendre. Rick Ross, c’est vraiment l’artiste que j’apprécie le plus aujourd’hui. Pour un morceau comme ça, c’était le mec parfait. La production a été faite par No I.D. et Salaam Remi. Ce sont deux producteurs que j’aime particulièrement. Ils défonçaient dans les années quatre-vingt-dix, et ils sont toujours aussi forts aujourd’hui. Ils ne sont pas nombreux à pouvoir revendiquer une telle continuité. Je voulais absolument bosser avec eux pour cet album, je savais qu’ils me donneraient le son que je veux avoir. »
« Loco-Motive » (ft. Large Professor) produit par No I.D.
Dernier extrait dévoilé au moment de cette interview, « Loco-Motive » ressuscite avec nostalgie la tension des années quatre-vingt-dix. Et l’ascension, l’exposition, les embrouilles. Un œil sur le passé, un autre sur le quotidien, le terminus est encore loin.
Nas : « J’estime que beaucoup de rappeurs aujourd’hui ne savent plus où ils vont. Ils ont beau avoir du succès, gagné plein d’argent, ils ont perdu de vue le véritable objectif. Tu peux être d’Atlanta, de Miami, de Los Angeles, peu importe. À quel moment, tu vas prendre un peu de recul et te rendre compte que tout ça, c’est notre musique, notre culture. Ça va beaucoup plus loin que faire de ton prochain single LE morceau pop du moment. C’était très important pour moi de rappeler qui je suis et d’où je viens. Je suis plus âgé, plus empreint de sagesse, je dois donner l’exemple. »
Bonus : « Book of Rhymes » (2002) produit par The Alchemist
Il nous restait quelques instants, juste assez pour revenir sur un morceau dans la discographie pharaonique de Nasty Nas. Si l’encre a coulé, ce sont des cahiers entiers qui ont été noircis par ses rimes. Alors forcément on a choisi ce « Book of Rhymes » : vieux de dix ans mais dont le thème reste plus que jamais intemporel.
Nas : « À cette époque, je bossais sur l’album God’s son. J’étais avec Alchemist dans un studio. Il avait pas mal de beats mais ce jour-là je ne réussissais pas à écrire quoi que ce soit. Ça m’a rendu dingue, du coup j’ai demandé à l’ingénieur du son de couper mon micro. J’avais tous ces livres avec moi, des notes de morceaux jamais terminés. Du coup, je me suis plongé là-dedans et j’ai relu chacun de ces textes. Tous ces bouts de textes jamais utilisés. Et je me suis dit que c’est en faisant ça que je pouvais repartir de zéro : mettre dans un morceau tout ce que j’avais mis de côté. « Book of Rhymes », c’est vraiment du vécu, j’étais vraiment dans cette pièce avec toutes ces notes, ces livres de rimes. »
Good album.