Dans les pas de MC Shooz
Shooz est de ces MCs qui sont arrivés dans le mouvement lors de la première moitié des années 1980. Il en est sorti moins de dix ans plus tard, sur la pointe des pieds. Entretien avec un pionnier qui a pris le micro au moment où le hip-hop faisait ses premiers pas en France.
Un soir de 1987, un concours de emceeing a lieu aux mythiques soirées Chez Roger Boite Funk, à quelques centaines de mètres de la gare de l’Est à Paris. Il est remporté par deux rappeurs à peine majeurs : Iron2 et Shooz. Sur scène ce soir-là, il y a derrière-eux un DJ en devenir : Clyde. Du trio, c’est le seul dont l’histoire du hip-hop en France retiendra durablement le nom.
Iron2 et Shooz gravitent pourtant durant presque dix ans autour de tous les événements et lieux qui jalonnent l’émergence du hip-hop en France. Ils fréquentent des figures comme Lionel.D, les New Generation MC ou les Nec plus Ultra. Ils voient danser Michou ou Junior. Ils se rendent au Bataclan lorsqu’il était établi à la Grange aux Belles, font un détour à la MJC de Châtillon et vont rapper dans les studios de Radio 7 et Nova. Ils découvrent les sound systems ragga, côtoient le milieu du graffiti avec le crew CBA et s’immergent dans l’effervescence funk qui donnera naissance à la Malka Family.
Malgré tout cela, l’histoire ne cite que rarement le nom de Shooz. À peine plus celui de son mentor Richy, de son acolyte Iron et de tant d’autres. À l’exception de la chaîne YouTube animée par Doc Shadow, de quelques ouvrages spécialisés comme ceux de Karim Hammou, Vincent Piolet et Pierre-Jean Cléraux ou encore José-Louis Bocquet et le regretté Philippe Pierre-Adolphe, les germes du hip-hop en France sont encore trop souvent résumés à quelques noms de vétérans ayant occupé le devant de la scène depuis le début des années 1990. À croire que le triste décès de Lionel.D n’a été qu’une prise de conscience éphémère.
Cette absence du grand récit historique de l’émergence du hip-hop en France. Shooz l’explique de différentes façons, mais ne peut s’empêcher de s’en tenir responsable. Bien sûr, si Iron et lui avaient enregistré un disque, ça aurait été différent. Évidemment, dans la grande prise de conscience à désormais raconter l’histoire du hip-hop en France, aucun acteur du mouvement ne peut s’empêcher de tirer la couverture à lui et donc d’omettre les autres. Peut-être même que lui et Iron ont un temps été jugé indésirables, que ceux qui prenaient l’ascendant sur le mouvement n’ont pas voulu d’eux. Mais Shooz, qui a repris le micro depuis quelques années, ne peut s’empêcher de rappeler que c’est d’abord lui qui n’a pas su aller chercher son dû. Il sourit même en constatant que sa première apparition sur disque devra attendre 1992, et aura lieu en guest sur un album du légendaire groupe funk français La Malka Family.
À défaut de réparer quoi que ce soit, cet entretien réalisé un après-midi de mai 2023 espère donner un éclairage sur les balbutiements du hip-hop plutôt que d’en régler les comptes. Car après avoir quitté la scène avec amertume et dépit, Shooz est aujourd’hui un MC bien dans ses pompes, qui préfère cultiver un hip-hop positif plutôt que de donner un coup de pied dans la fourmilière.
Mon point d’entrée avec le hip-hop, c’est Richy des Nec Plus Ultra. Il est un peu plus âgé que moi et nos mères se connaissent. Du coup, on se retrouve pratiquement tous les dimanches à la maison. C’est la toute fin des années 1970 et surtout le début des années 1980. J’aimais déjà le funk que je pouvais entendre à la radio, celui de Kool & the Gang par exemple. J’avais aussi déjà entendu « Rapper’s Delight » de Sugarhill Gang et j’avais pris une vraie claque. Mais Richy, lui, me ramène des trucs plus pointus.
Ça commence avec Cameo, les sorties du label Casablanca et ses sous-labels [Casablanca produisait également de nombreux groupes et artistes à succès, NDLR]. Puis les premières chansons de rap arrivant en France, il me les ramène. Par exemple, c’est lui qui me fait écouter « The Message” en 1982. Avant ça, je ne qualifiais pas de hip-hop un certain type de musique. Quand j’avais entendu la version longue de “Rapper’s Delight”, je n’avais même pas compris. J’avais l’impression que les mecs allaient rapper jusqu’à l’infini ! Au départ, je perçois le rap comme un truc qui se joue sur des morceaux de funk, à la Sugarhill Gang, avec des musiciens, un batteur, un bassiste. Tu as du funk et leurs zikos et ça rappe, tout ça va ensemble. Si j’extrapole, derrière des mecs comme Whodini ou UTFO, tu as par exemple les choristes de Full Force qui sont hyper forts et viennent du R&B. Ce n’est pas encore que du rap en fait, tout est encore en fusion. C’est d’ailleurs pour ça que durant les années 1980, le mouvement hip-hop a attiré des gens de tant de milieux artistiques différents, du punk à la mode : car ça fusionnait plein de trucs.
De son côté, Richy se met à rapper. D’abord en anglais. Il connaissait par cœur les paroles de morceaux de rap qu’il écoutait et il les reposait. Il le faisait avec des morceaux de Newcleus par exemple. Quand je le voyais poser devant moi, je trouvais que ça tuait. Je voulais faire comme lui. Comme je n’étais pas assez bon pour retranscrire de moi-même des paroles de morceaux en anglais, je lui ai demandé de m’en retranscrire un. Il a choisi “Request Line” de Rock Master Scott, où il y a notamment Charlie Prince qui rappe. [Le titre est sorti en 1984, NDLR] Ce morceau a été samplé par Missy Elliot plus tard. [Sur le titre “Work It” produit par Timbaland, NDLR] J’ai commencé à le poser par-dessus la bande, puis une fois que je l’ai maîtrisé, j’ai appris à le rapper sur des bouts instrumentaux que j’avais enregistrés. Et à côté, j’écoutais tout ce que je pouvais, ce qui sortait de Sugarhill Gang Records, mais aussi Spoonie G, Kurtis Blow, Treacherous Tree, bref, tout ce que je trouvais ou que Richy me ramenait.
Au début des années 1980, la plupart des gamins sont dans le rock, le hard rock surtout, des groupes comme Trust ou AC/DC. Tu sais, il y avait ces sacs US [il fait références aux sacs de type besace militaire, NDLR] qu’on avait tous. Au marqueur, on écrivait dessus les noms des groupes qu’on aimait. Moi j’étais le seul à mettre Frankie Smith, Kool & the Gang ou plus tard au lycée Run D.M.C. J’étais un peu l’OVNI. À part Richy, son frère, et un pote de judo qui s’appelait Éric et qui composait déjà au synthé à l’époque, personne au collège n’était dans notre délire. On allait dans le parking d’Éric, on mettait une plaque de lino par terre et on s’entraînait à danser. La culture dominante avait beau être le rock, on était persuadés de notre truc. Pour nous, le hip-hop allait prendre sa place. On sentait que le rock devenait has been et des gens comme les Rita Mitsouko le sentiront eux-aussi par exemple. Ils ont perçu l’attitude, l’énergie.
« Voir les premiers pas du hip-hop en France en vrai, c’est une claque bien plus puissante encore que celle reçue avec l’émission de Sidney. »
1984, c’est le début du lycée et je suis désormais vraiment dans le truc. Il y a les premières soirées de DJ Chabin à La Grange aux Belles. Enfin, on ne pouvait même pas parler de soirées, puisque c’était le dimanche après-midi. Il y a La Main Jaune aussi, et j’y vais. On est un petit groupe. Il y a évidemment Richy, avec son frère Georges ; il y a Michou [danseur du crew TMS, NDR], Moze (ph), et des potes de potes. C’est là-bas que je prends mes plus grosses claques. Chabin passe du funk, du jazz-rock et jazz-funk, du hip-hop, de l’électro, c’était vraiment mortel. Et voir les mecs danser, c’était fou. Nous on parlait de smurf, parce qu’on y englobait l’électro-funk sur lequel ça se dansait. On avait tort en fait, c’était essentiellement du popping et du breakdance. Mais c’était notre mot. Un mec comme Alberto était là [il s’agit d’Alberto Almeida, danseur français mieux connu sous le nom de Junior, NDLR], et lui en popping, c’était vraiment un tueur. Je dirais même que c’était du niveau d’un spectacle d’illusionnisme.
Voir tout ça en vrai, c’est une claque bien plus puissante encore que celle reçue à travers un écran télé avec l’émission de Sidney. Richy passe d’ailleurs dans son émission. Il connaît du monde et traîne beaucoup avec Lionel.D. Du coup je suis encore plus immergé dans le truc et c’est à ce moment que je rencontre Iron avec qui je vais tout de suite former un duo. On devient membre du collectif CBA qui est d’abord un crew de graffiti. On l’intègre via Christian. [MAES, de son nom de tagueur, NDLR] Je ne suis pas un graffeur acharné mais j’en pose quelques-uns, sous le nom de Shooz en adaptant une esquisse que Xenon [lui aussi graffeur et tagueur des CBA, NDLR] m’avait fait. J’utilise les deux « o » de mon pseudo pour faire une tête de robot. J’en pose d’autres sous le nom de Sco. [de son prénom Francisco, dont la graphie varie avec « SKO », alias qu’il utilisera également en tant que DJ pour Soul King Operator, NDLR] Tu as souvent entendu des anciens dire que le graffiti a porté le mouvement quand le hip-hop s’est essoufflé en France dans la deuxième partie des années 1980 ? [Pensif] En tous cas, c’est là qu’était l’effervescence, c’est certain. Le graffiti c’est ce qui démarque, mais amène aussi un message. C’est une griffe au niveau urbain, qui se voit mais où toi on ne te voit pas. Le tag, les codes vestimentaires, les gros lacets extra-larges qu’on achetait dans les merceries avant que ça arrive chez Ticaret et qui nous permettaient de nous reconnaître, c’était effectivement d’abord ça à ce moment précis, plus que le rap.
Avec Lionel D, Richy ouvre la voie du rap en français. Il y a aussi Jhony Go et Destroy Man. D’ailleurs, comme eux, Lionel.D et Richy sont à ce moment-là un duo. Pour moi, ils se mettent à rapper en français en même temps. Ça ne m’intéresse pas de savoir lequel des deux l’a fait en premier, c’est un même mouvement. Ce qui les distingue, c’est quand Richy est dans le « je rap » [allusion au titre des Nec Plus Ultra, NDLR] alors que Lionel est plus dans le message. Quand il rappe à la radio son texte sur l’an 2000 [Shooz fait ici référence au texte “L’an 2000”, rappé par Lionel.D sur Radio 7 et raconté dans le livre Rap Ta France, également relaté par un internaute ici NDLR] c’est une claque du même niveau que lorsque j’ai vu Richy rapper en anglais devant moi la première fois : je l’ai appris par cœur.
Sidney, Lionel D & Richy - Freestyle Radio 7 (« l’an 2000 »)
Avec Iron, on suit cette voie. Quand arrivent les Beastie Boys et Run D.M.C, on s’inspire de leur pass-pass. Mais tout ça est très artisanal, balbutiant. Par exemple, on s’enregistrait sur K7 en branchant un casque sur la prise micro du ghettoblaster. [Technique d’enregistrement « artisanale » très connue à l’époque, où brancher un casque sur la prise micro produisait un effet d’inversion de la membrane permettant d’en faire un micro, pour un résultat souvent saturé et bas de gamme, NDLR] On plaçait nos textes sur les K7 de rap américain qu’on diffusait en traînant avec les CBA. On faisait aussi des remixes avec le bouton pause du lecteur K7. On se débrouillait avec les moyens du bord, on n’avait vraiment rien. Contrairement au reggae et au ragga qui étaient aussi hyper importants à l’époque, dans le rap on était à poil. Les gars du reggae avaient vraiment une longueur d’avance. Déjà on en écoutait tous « Pass the Dutchie » des Mighty Diamonds, c’était hyper important. Quand Musical Youth en a fait une reprise célèbre quelques années plus tard, c’était du toss remis à neuf par des gamins. Et à Paris, il y avait une vraie scène reggae et ragga. Les sound systems étaient forts. On y entendait Pablo Master, puis les Saï Saï. Ils se confrontaient à du public quand nous on n’avait même pas accès à un micro. Eux sont déjà dans la place, avec le public, leur style est beaucoup plus travaillé que nous les rappeurs.
Ça n’empêche qu’on est tous à fond. Avec Iron on fait notre première radio en 1986, sur Radio 7 dans l’émission que Sidney anime avec DJ Jo. Plus tard on fera le Deenastyle. Mais le principal événement, c’est l’arrivée d’un DJ avec nous, et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit de Clyde. C’est Iron qui le rencontre à la fac de Nanterre pendant que moi je redouble ma terminale. Il nous rejoint et ça change tout. On devient un groupe ! On s’appelait les Mic Rockin’ Kidz [parfois orthographié Mike Rockin’ Kidz, NDLR], on est devenu les UZI une fois que Clyde nous rejoint. UZI c’était pour Unité Zulu Indépendante. [Sourire] On n’était pas des Zulus, je crois même que Clyde était plus inspiré par Ice-T que par Bambaataa à ce moment-là. Il y a des trucs que j’aime bien chez les Zulu, transformer le négatif en positif, le côté proche de la nature, s’écouter soi-même. Mais ils me font un peu flipper aussi. Des fois c’est un peu space, à mi-chemin entre la franc-maçonnerie et les Raëliens. [Rires]
Freestyle sur les ondes de Radio Nova (1988) - Lionel D., Iron 2, EJM, Shooz, Joel, Dee nasty
Avoir un DJ avec nous ça changeait tout. On n’enregistre rien mais on est chauds. On commence à avoir deux ou trois ans de rap dans les pattes avec Iron, derrière nous il y a Clyde qui est déjà très en avance sur son époque. T’imagines ? Et un concours s’organise au Globo. On est fin 1987 et on y participe, c’est un peu une évidence de le faire. Le soir du concours, on est les premiers à monter sur scène. Niveau instru, on le fait à la Public Enemy lors de leur premier passage en France, où Terminator X mixait en live des breaks de funk. Clyde fait pareil et on rappe là-dessus. Il n’y a pas de fioritures. C’est, juste moi, Iron, et Clyde avec ses vinyles. Et là, il se passe vraiment un truc, je crois que c’est le souvenir le plus fort que j’ai de toute cette époque, sans aucun doute même. La salle est remplie de b-boys, il y a même des gars venus de Suisse. Je suis porté par la foule, c’est le feu, et on gagne le concours. Le premier prix était l’enregistrement d’un 45 tours. Ça devait se faire dans les studios de Nova, qui avait son label Nova Scratch. Honnêtement, quand on a gagné, je me voyais arrivé. Pour moi, ma carrière était lancée.
En réalité, cet enregistrement n’aura jamais lieu. En tous cas, on ne nous a jamais rappelés. Clyde finit par partir du groupe et rejoint Assassin. Ça se fait un peu en loucedé et des rumeurs nous ont colporté que c’est eux qui ont fini par accéder aux studios de Nova. [Rien n’est pourtant sorti sur le label Nova Scratch venant d’Assassin, ni même un disque d’Assassin avant 1991, NDLR] On s’est fait couillonner en fait, et j’ai compris que ce milieu était aussi un milieu de requins. Mais quelque part, c’est également de notre faute. On a attendu qu’on nous appelle au lieu d’appeler, on n’a pas montré qu’on avait faim. On n’a pas eu le mordant, on n’a pas montré qu’on avait les crocs, on ne les a même pas sortis.
Avec Iron, on redevient un duo au lieu d’être un groupe, ce qui ne nous empêche pas de continuer à rapper, bien sûr. Mais surtout, on continue nos études. Je crois qu’on était un peu conditionnés pour ça, comme des gosses des HLM dont la mère est infirmière pour Iron, femme de ménage pour la mienne, et qui au fond d’eux avaient en tête ce discours « fais des études ». On ne s’est pas sacrifiés pour le rap, on n’avait pas les codes qui nous permettaient de montrer qu’on était ceux qui devaient faire un disque. C’est un peu le déterminisme social à la Durkheim. On était des enfants de prolo dont l’éducation était d’avoir le bac et de trouver un métier. J’ai perdu mon père à six ans. Ma mère ne m’a jamais reproché ma passion pour le rap, mais son message et celui de ma sœur c’était de s’en sortir dans la vie. J’avais beau écrire sincèrement dans un texte « le rap c’est ma vie, je ne resterai pas dans l’ombre, j’enfoncerai les barrières quel que soit leur nombre », la réalité c’est qu’inconsciemment je me suis d’abord dit « je vais à la fac » avant de me dire « je fais du rap et je vais tout défoncer et en vivre ».
Une anecdote résume bien ça. En 1988, on est en vacances en Espagne avec Iron et un autre pote, malheureusement décédé trois ans plus tard. On finit un peu limite en thunes, et notre ami a une idée toute con : « Les gars, vous savez rapper et ici, il y a des boites partout. Pourquoi on irait pas leur proposer que vous fassiez un petit set contre du cash ? » Il s’improvise manager, va voir les clubs et aucun n’a refusé. Le DJ de la boite nous mettait deux ou trois sons, des breaks, on rappait, on faisait crier les gens façon maitres de cérémonie, et on passait une soirée gratos voire on ressortait avec un billet. Pour nous c’était inédit, on n’aurait jamais pensé à faire ça. C’est l’une des rares fois où on a gagné de l’argent avec le rap, pour ne pas dire la seule. [Sourire]
Un an plus tard, je retourne en Espagne, cette fois seul. Mais comme je suis d’origine espagnole, je connais des gens là-bas. À Malaga, je me retrouve en boîte avec un pote, et on voit un mec qui rappe. Ce mec me fait penser à Lionel.D et en fait, je me rends compte que c’est MC Miker G, le Hollandais qui, avec DJ Sven, a fait le tube « Holiday Rap » qui reprenait la mélodie du titre « Holiday » de Madonna. J’ai passé la fin de mes vacances avec eux et leur producteur de Carrere. En discutant, on se met en tête de faire un morceau ensemble, à la fois en français, néerlandais et espagnol puisque c’est une langue que je parle. Quelques mois plus tard, je monte aux Pays-Bas à l’invitation de Miker G et ça se passe très bien, mais il me dit clairement : « toi t’es d’abord un étudiant avant d’être un musicien ». La réalité c’est qu’il avait raison. Il a un regard extérieur, il est plus lucide que moi, il ressent ce que je dégage. Alors que quand tu croisais Richy, tu sentais que même s’il bossait comme salarié, même s’il s’était pris des claques avec Nec Plus Ultra, il visait la musique, le statut d’intermittent. Quand tu croisais EJM, tu sentais qu’il était dans une démarche de professionnalisation. Moi, je n’étais pas là-dedans. À un moment, quand tu veux faire de la musique, il faut le faire complètement.
C’est pour ça qu’on a pas été plus loin et qu’avec Iron on n’a pas laissé de trace discographique. On traînait pourtant beaucoup avec les New Generations MCs et le Mouvement Authentique, que Roger des New Generation MC avaient transformé en association. Eux s’étaient structurés très tôt, une autre chose qu’on n’a pas su faire. On était avec eux au Chat, on traînait à Bagneux où je vis aujourd’hui. Le posse de la Pierre Plate [La Pierre Plate est un quartier de Bagneux, NDLR] était là aussi. Mais eux étaient organisés, pas nous.
On rate même Rapattitude en 1990 alors que pourtant, on est aux premières réunions puisqu’on faisait partie du Mouvement Authentique. Mais ceux qui ont trouvé une place sur Rapattitude, c’est ceux qui se bougeaient pour avoir des plans pour enregistrer, qui avaient un DJ, qui avaient du matos, bref qui avaient faim. Les EJM, Timide et Sans Complexe avec un mec incroyable comme Joël qui a ramené un style que personne n’avait et qui nous a tous marqués, ce sont des gens qui se sont battus pour faire des sons. Quand Solo dit à Clyde qu’il a un projet, c’est palpable. Quand DJ S est avec Kool Shen et Joeystarr, c’est lui qui fait le ciment du groupe parce que sans DJ, tu n’étais rien. Iron et moi, on est restés dans l’attitude et notre concours à la fois gagné et volé. Résultat, la première fois que nos voix sont pressées sur un disque, c’est en 1992 avec la Malka Family dont on était proches. [Sur le titre “Taudi Groove” sur l’album Tous des Ouf !, NDLR] Et encore, on fait une apparition, ce n’est pas un morceau de hip-hop pur et dur. On est d’ailleurs crédités en tant que « apparition spatiale ». [Sourire]
Malka Family - « Taudi Groove »
La Malka, c’est des gens qui étaient en partie là dès l’époque de Chez Roger au Globo. Quand leur groupe n’existait pas encore, Joseph et Laurent organisaient déjà les soirées Chez Roger avec Massadian. Ils formaient le duo Body & Soul. Ils avaient un groupe qui s’appelait Human Spirit. Leur chanteur s’appelait Jam et c’était une espèce de James Brown français, avec un tonus incroyable. Leur musique était funk mais mélangeait plein de choses, du reggae, du rock, et surtout des textes qui nous parlaient. Ils avaient un morceau sur le RMI qui était mortel. [Il chantonne] « Donne-moi le R, le M, le I, pour ne pas être un bandit, pour ne pas que je mendie ». En concert, c’était de la dynamite. Joseph et Laurent faisaient partie du groupe puis de la Malka et ça nous a introduit à tout ce milieu, la Saint Paul Force puisque tout se passait dans le Marais. Le QG c’était chez quelqu’un qui a été très important pour moi : Woody. [Woody deviendra saxophoniste de la Malka Family un peu plus tard et en est aujourd’hui un des piliers. Il est également devenu DJ, NDLR] Avec Richy, c’est l’autre personne qui m’a formé musicalement. En funk il m’a fait découvrir des dizaines de trucs. Il avait une culture énorme. Sa base c’était le punk, mais il s’était énormément tourné vers le funk, la soul et le reggae. Et chez lui et dans tout cet univers, on s’est retrouvé dans ce milieu branché parisien qui sortait du Globo et qui rencontre toutes les musiques bouillantes à l’époque. Là-bas on croise Marco Prince de FFF, les Saï Saï, même Bob Sinclar à l’époque où il bossait avec DJ Yellow. [Bob Sinclar et DJ Yellow exerçait ensemble sous l’alias de The Mighty Bop, NDLR] Tous ces gens sont encore en devenir, et on les croise. Laurent Garnier qui s’appelait encore DJ Pedro et qui était à la fac de Nanterre comme Iron et Woody, Aldo et Lord Funk chez qui j’achetais des disques chez USA Music aux Halles et où il arrivait justement de croiser Bob Sincar quand il s’appelait encore Chris The French Kiss, tous ces gens sont là…
« Au début des années 1990 j’étais dégoûté. Alors j’ai posé le micro. »
À ce moment-là, au début des années 1990, à part cette apparition sur le disque de la Malka, j’ai arrêté de rapper. J’étais dégoûté en fait, et je n’avais plus d’inspiration, plus rien à dire. Entre ce que je disais dans mon rap et ce que je vivais dans mes études puis dans mon emploi en conception industrielle, ce n’était pas en adéquation. Je vivais une vie de mec qui essaie de rentrer dans une vie active, c’était un peu compliqué, et je n’arrivais pas du tout à lier cette réalité à ma musique. Il y avait quelque chose qui ne collait pas, qui était dissonant presque. Quand tu rappes, c’est que tu as un truc à dire, sinon, ça ne sert à rien de prendre un micro. Le premier qui m’a fait comprendre ça, c’est Style J des Maître Incontesté du Crime [le groupe est aussi connu sous le nom de M.I.C ou Made In Créteil, NDLR] qui m’a dit qu’un bon MC, c’était pas seulement bien rapper mais avoir un bon message. Moi j’avais fait le tour. On avait gagné le concours au Globo, on ne sortait pas de disques, ce qui était normalement la prochaine étape. Alors j’ai posé le micro et avec l’argent que je gagnais, je me suis acheté des platines.
J’y ai passé des nuits à m’entrainer, j’étais fasciné par Clyde, quand je le voyais ça me donnait envie d’être aussi fort. Je n’avais pas son niveau, mais j’ai aimé faire ça et ça correspondait au fait que je n’avais plus rien à dire et que j’étais un peu dégouté. C’était ma manière de passer à autre chose tout en continuant à fréquenter la musique que j’aime. C’était une issue de secours d’une certaine manière. Être DJ, ça m’a aussi permis de m’ouvrir encore plus musicalement, surtout à la scène funk française. J’ai ajouté un sampler à ma configuration et j’ai produit un peu pour la Malka et TaudiSymphonie. Côté rap, j’étais producteur pour les TSB, des tagueurs qui se sont un peu mis au rap un temps. Leur rappeur Delta venait chez moi. C’était l’époque où on était très influencés par Cypress Hill, Public Enemy, les sirènes, tout ça, on s’amusait. Lui était un peu hardcore au micro et moi j’étais derrière. J’aimais bien faire ça, mais là encore, je ne bascule pas. Je ne me dis pas : “ça va être ma vie, je ne vais faire que ça.”
Avec Iron, il n’y a pas de séparation. C’est juste qu’à ce moment-là, on a chacun nos vies. Il y a la vie active, l’armée, les études, et tous les deux arrêtons de rapper, moi d’abord, lui un peu plus tard. C’est comme ça que les années 2000 passent : la vie active, la vie de famille. Je n’écoute même plus beaucoup de hip-hop à cette époque, à part du Wu-Tang, Busta Rhymes, quelques grands noms. Je ne cherche pas à rapper, les seuls moments où je le fais, c’est tout seul au volant de ma voiture. Franchement je suis loin de tout ça. C’est avec l’arrivée de Myspace que je vois un peu où en sont des gens du milieu que je fréquentais 10/15 ans plus tôt.
Au début des années 2010, je m’implique dans le mouvement des Indignés. Le mouvement naît en Espagne, pays de mes racines. La façon dont il est réprimé là-bas me choque et ici, en France, j’ai une aversion pour Sarkozy qui est à cette époque président. Je pétais un peu un plomb derrière mon écran télé et ce mouvement m’a poussé à sortir de ça, à aller dehors et sortir du train-train quotidien. J’y ai appris beaucoup de choses politiquement, sur ce qu’est la démocratie réelle, la démocratie participative. C’était hyper intéressant de passer des forums internet à la réalité, d’assister à ses assemblées collectives à même le bitume. Mais c’est aussi un endroit où il y avait de la culture. Souvent, en marge des rassemblements, il y avait des bœufs, des micro ouverts. Ça me pousse à y prendre le micro pour rapper. Deux ans plus tard, j’écris un morceau inspiré de toute cette expérience : « La Voie démocratique ». Je l’ai publié il y a peu.
MC Shooz - « La Voie démocratique »
Mais le truc qui me remet pleinement dans le rap, c’est la méditation. Il y a quelque chose dans la méditation qui te permet de renouer avec l’art en général. Pas seulement l’art d’ailleurs, il y a la spiritualité ou même les arts martiaux que j’ai également repris en méditant. Je fais des séminaires, des retraites, c’est un vrai travail personnel, entre soi et soi. Quand tu pars deux semaines en retraite solitaire, le temps passe différemment. Quand tu médites huit heures par jour, tu perçois les choses autrement. Je vois beaucoup de choses communes entre ce que tu peux toucher quand tu t’immerges dans quelque chose d’artistique et ce que tu peux atteindre avec la méditation. Moi j’avais pas mal de problèmes personnels à gérer et à évacuer à ce moment-là, une séparation complexe avec tout ce que ça implique, et méditer m’a permis de faire un pas de côté, c’est-à-dire admettre que tout ça était acté, définitif et que j’avais des choses à faire dans ma vie. À partir de là, une brèche s’est ouverte et j’ai recommencé à écrire. Sur la méditation d’abord, puisque je me suis lancé dans un cursus d’instructeur en méditation. Puis ça s’est transformé en rap. L’un influence l’autre.
Ce que la méditation m’a apporté s’est forcément senti dans ma musique. Le titre « La Ceinture d’Orion » est vraiment inspiré de ça, ce retour à la simplicité, l’essentiel. Les sons que j’ai recommencés à faire, je les ai d’abord mis sur SoundCloud, sans vraiment réfléchir plus loin. Puis Iron m’a présenté toute l’équipe de La Rime Métisse. Là je rencontre des gens carrés avec un esprit positif et indépendant. Ils pressent leurs disques, organisent des open mic et sont soudés. Ils ont tenu à nous inviter. On y est allés avec Iron et ça a donné le morceau « Notre Art ». J’ai aimé renouer avec ça. Pourtant je ne suis pas content de ma prestation. [Rires] Le rap ça s’entretient, et moi je ne peux pas dire que je me suis entretenu. [Sourire] Iron lui l’a fait.
MC Shooz - « La Ceinture d’Orion »
Je me mets à fréquenter un peu plus le collectif. Je vais régulièrement chez Siroko. [L’un des deux rappeurs de La Rime Métisse, NDLR] De son côté, Iron me donne des conseils et j’ai également rencontré grâce à eux un beatmaker, The Deepr. Il habite près de chez moi, je suis à Bagneux depuis le milieu des années 2010 et bosser avec lui est super. Ça me permet de ne pas me disperser, parce que quand je produis j’y passe beaucoup de temps. Avec lui je m’enregistre a capela sur un break ou avec un son de The Meters [groupe américain de funk composé des frères Neville, emblématique et iconique à La Nouvelle Orléans dont ils sont originaires, NDLR], et en retour, il me renvoie systématiquement plusieurs propositions d’instrus. Il fait le travail que je n’ai pas le temps de faire, et il le fait bien car il trouve la bonne accroche, m’écoute. C’est mortel.
« La méditation m’a ramené pleinement vers le rap. »
Je n’ai pas spécialement renoué avec mes pairs, et je n’ai pas particulièrement de retour de leur part. J’ai recroisé pas mal de monde aux 50 ans du hip-hop, et je vois qu’ils savent que je m’y suis remis, mais comme toujours dans le rap en France, il n’y a pas d’encouragements. Je le dis sans amertume, car je suis un peu comme ça aussi. Ça a toujours été dur de dire à d’autres rappeurs : “j’aime bien ce que tu fais”. La Rime Métisse le fait, mais c’est un peu une exception dans le paysage. Même un mec comme Odger des New Generation MC ne me le dit pas. Ou plutôt, il me le dit sans me le dire puisqu’il m’invite à participer au plateau du second Hip-Hop Orchestra avec l’orchestre symphonique de Châtillon. D’une certaine façon, en faisant ça, il me valide sans me le dire. [Sourire] Sinon chacun tire la couverture à soi. Regarde ce que j’ai fait dans cet entretien ! Je t’ai raconté mon vécu, mon rôle à une époque.
Le rap en France, c’est une somme d’histoires de toute façon, qui parfois ne se ressemblent pas du tout. À Paris, il y a une histoire commune au moment de l’éclosion du mouvement. Mais aujourd’hui, qui parle de moi et Iron, ou de Richy ? Plus personne ne nous connaît, parce qu’avec Iron on a jamais rien sorti et la carrière discographique de Nec Plus Ultra aura été très courte et s’est mal passée. Aujourd’hui à l’échelle du mouvement, on est personne. Quand tu regardes la série Le Monde de demain qui revient quand même beaucoup sur l’histoire de Globo, on ne parle jamais de nous par exemple. Au-delà de la scène d’Assassin au Globo qui nous pose un problème avec Iron [cf encadré, NDLR], nous faire apparaître dans la série, c’était devoir intégrer deux personnages en plus et expliquer au public qui ils sont. Le spectateur va se dire quoi ? « Mais qui sont ces mecs dont on a jamais entendu parler et qui n’ont jamais rien sorti ? » Dans un format comme Le Monde de demain, c’est invendable, il faudrait un truc structuré comme Game of Throne pour nous mettre dedans en rendant ça intelligible. Alors oui, ils ont mis B.Love, qui n’est pas beaucoup plus connu que nous aujourd’hui mais qui a marqué avec son rap. Par contre les Joël MC, les Richy, Iron2, New Generation MC ils ne les ont pas mis car ils ne peuvent pas mettre tout le monde. Et ça je le comprends.
Pour répondre à ta question, voilà comment j’explique que l’histoire de ces années soit réduite à quelques noms, quelques mythes. Ce sont les disques qui sont sortis qui ont jalonné l’histoire, il n’y a pas de secret ! Rapattitude, IAM et leur cassette Concept, MC Solaar pour qui contractuellement ça a été dur d’ailleurs, NTM… À partir de là, ils peuvent dérouler leur parcours, leur narratif. Un disque, ça ouvre la porte des concerts. Tout ce qui est production au sens business, au sens production exécutive, c’est ça qui te met sur la carte. Nec Plus Ultra par exemple, c’est un exemple de ceux qui sont restés sur la touche. Il y a une trace discographique mais ça se passe mal, ils ne font pas ce qu’ils veulent. Comme ils n’adhèrent pas au business, ça s’arrête là. Du coup “personne” – entre guillemets – ne s’en rappelle. Moi je ne sors pas de disque, Iron non plus. On n’a pas passé ce cap, on n’a pas suivi les gens qui pourtant pensaient comme nous, c’est-à-dire qui étaient convaincus que le hip-hop ne serait pas qu’un phénomène de mode. On fait partie de ces gens du mouvement qui ont été visionnaires sur l’impact de la culture hip-hop, mais pas du tout capables d’en faire un business. On peut parfois aussi penser qu’on n’a pas voulu de nous. Iron l’a souvent dit. Mais moi je pense que c’est avant tout de notre faute. Comme je l’ai dit, on n’a pas cherché à forcer les portes, à s’imposer, on n’a jamais dit : “je veux”. Chacun a son destin, c’est dur de dire pourquoi, pourquoi pas, à cause de qui. C’est pour ça que je pense que la première cause est nous-mêmes.
Et peut-être qu’après tout, c’est bien qu’on n’ait rien sorti. On n’est pas resté dans un truc où tu dois produire de la musique à tout prix. Les New Generation MC, je sais qu’ils ont été déçus de leur expérience sur Rapattitude. Peut-être aussi que grâce à ça, on n’est pas rentrés dans un truc où tu dois produire de la musique à tout prix. Mais c’est dur de parler de quelque chose que je n’ai pas vécu. Les contrats qu’ont eus Solaar, NTM, je ne les ai pas expérimentés. Quant à Lionel.D, il a galéré le pauvre. Même à Nova, à un moment on lui a reproché d’être trop là. Il y a le succès qui abîme, mais la course au succès abîme sûrement encore plus, surtout quand comme nous à l’époque, tu n’as pas de structure. Le hip-hop n’a jamais eu de structure pour porter ses artistes. L’Animalxxx l’avait très bien dit en interview en parlant de son expérience avec NTM. Tout s’effrite tout le temps, tu dois tout le temps te battre. On n’a jamais eu une structure solide avec nos producteurs, nos studios d’enregistrement. La Place est un lieu hip-hop mais qu’est-ce qu’ils font ? C’est récupéré ! On a toujours eu besoin d’une structure, et on ne l’a jamais eue. Ceux qui ont réussi sont ceux qui se sont structurés seuls. Avec Iron, on ne l’a pas fait, on ne s’est pas entouré d’un manager, on n’a même pas repris un DJ. Autour de Lionel.D il y avait principalement Dee Nasty, quelques personnes, mais pas une machine porteuse, une assurance on va dire, financière notamment. En France, ceux qui tiennent sont ceux qui sont en collectif. IAM c’est un collectif. Secteur Ä s’est tenu ensemble, avec une structure, une vision, des businessmen qui venaient de chez eux. Les New Generation MC sont restés en place grâce au Mouvement Authentique. Le long terme c’est difficile. Moi j’ai fait le choix d’une carrière professionnelle dans un autre secteur et, du coup, je ne me suis jamais penché sur un business plan ou un plan de carrière. Je n’ai jamais pris ce temps, et je crois que je ne l’ai pas voulu. J’en reviens à ce déterminisme social : socialement, j’étais déterminé à penser autrement.
Quarante ans plus tard, je peux rapper comme j’en ai envie. Peut-être parce que j’étais là il y a plus de trente ans, parce que j’ai une histoire. Je n’aurais sûrement jamais commencé à rapper à mon âge si je n’avais pas ce passé, cette culture. Je fais du son comme je l’aime, avec une facilité de diffusion grâce à des rencontres, et grâce à internet qui n’existait pas il y a quarante ans. Aujourd’hui, faire un clip, c’est possible. Internet permet de faire circuler sa musique, je trouve ça cool de pouvoir parler à des gens. Encore plus qu’hier, le rap est un business. Si tu n’es pas business à la base, tu fais quoi ? T’as vu ce que je fais moi ? Ce que je fais ne compte pas à l’échelle de la scène hip-hop d’aujourd’hui. Ce qui m’a aidé, c’est que mon rap a intéressé le milieu de la méditation. C’est une vraie communauté, dans laquelle il y a des artistes. Eux m’ont fait plein de retours, j’ai finalement plus été soutenu par cette communauté là que celle du hip-hop. « C’est super ce que tu fais, continue », c’est le milieu de la méditation qui m’a dit ça, pas le milieu hip-hop. Quand une communauté te dit que c’est cool, ça fait plaisir, au-delà de l’intérêt d’augmenter un peu tes vues. On te ramène à des références cool, Solaar, Les Sages Po, c’est agréable même si ça parait banal. Parce que ce qui est dur en réalité, c’est quand on ne te dit rien. Si je veux aller plus loin, il faudra que je passe en mode répét’, faire des concerts, et là ça commencera à devenir un projet.
Aujourd’hui je n’en suis pas là mais je ne veux pas avoir de regrets. Le temps avance, je n’ai pas d’amertume, on a fait ce à quoi on était destiné, je n’en veux à personne. Mes choix de vie, ce sont les miens. Même si on n’a pas sorti de disques, on a pu s’exprimer, on a été là, on a marqué les esprits en passant à la radio, en montant sur scène. On venait des milieux populaires, des HLM, et le rap nous a permis de tenir debout, de faire face, dans une décennie un peu dégueulasse. C’était l’époque du sida, de l’héroïne, socialement c’était dur et le rap nous donnait un message qui nous permettait d’être en alerte mais de façon assez saine. « Sois toi-même », « touche pas à la drogue », « sois Zulu », « sois proche de la Terre », ça nous parlait. Le message de Grandmaster Flash, les trucs d’Afrika Bambaataa sur le fait d’être proche de la nature, c’était utile. On n’était pas dans le paraître mais dans l’être, et je ne veux pas parler de ça d’un point de vue psychologique, « The Message » est une description, pas un morceau qui fait de la psychologie. On existait juste, et grâce à ce mouvement, on a eu des codes culturels. J’ai eu cette chance de pouvoir écrire des textes et les rapper, et quarante ans plus tard, je le refais en revenant à ce truc premier du hip-hop, c’est-à-dire marquer les gens avec un geste, une intention. Une danse, ça marque. Un graff, ça marque. Je reviens à cette intention première, parce que c’est cool de laisser une trace, et que c’est aussi important pour l’histoire. Il y en a qui disent que ce sont les vainqueurs qui l’écrivent, mais moi je ne m’estime pas vaincu.
Depuis la réalisation de cet entretien en mai 2023, MC Shooz a participé au concert Hip-Hop Orchestra Generation et continue de collaborer avec The Deepr et La Rime Métisse. Il poste sa musique sur sa chaine Youtube et son Bandcamp.
Son acolyte Iron 2.0 est très actif et publie de nombreux sons sur sa page SoundCloud, où des textes d’époque réenregistrés sont également disponibles.
AU MIEN* (pas « au mieux »)
Je ne px pas répondre à ton com, donc je réponds au mieux relol
Ds l’itw que tu cites, je ne parle que de problèmes avec Jo… après dans les faits Deenasty et Lionel ont préféré faire leur truc, mais il n’y a pas eu de couac avec eux… a ce moment-là triple lol
En fait cet encadré utilise deux sources :
Ton interview mise en lien, qui relaie les « problèmes » avec Jo que tu confirmes ici.
Le propos de Shooz que j’ai recueillis, qui lui évoque une fâcherie temporaire entre Dee Nasty et Richy sans trop savoir exactement les racines de cette embrouille.
Effectivement, le « certains » et le « d’autres » qui précèdent chaque info n’est pas propre, car ça laisse penser que ce sont des propos tombés du ciel. J’ai précisé et signalé dans l’encadré que tu apportais cette précision.
je ne sais pas qui a pondu la story de « réalité » mais elle est bof lol… pour commencer, Noël est breaker au sein de Réalité (« beatmaker et beatboxer » !???)… « incompréhension entre Richy et Deenasty » ?!!! » mais de quoi parle t-on ? lol… et Réalité a existé, et on a fait qqs concerts sous cette formation… bref
Salut, déjà très content de voir que Sheek lit toujours l’Abcdr !
L’encadré est de moi. Le statut de Noël est effectivement mal décrit relativement à Réalité.
Pour le reste ce court texte est construit autour des propos de Shooz agrémentés des tiens ici : http://diyhiphop.over-blog.com/2016/02/sheek-interview.html
Je suis à ta dispo si tu veux apporter des précisions en plus de celles que tu viens déjà d’apporter (merci !) : zo@abcdrduson.com