Lalcko
Il est le quatrième mousquetaire d’une trilogie d’interviews en O débutée en 2008 avec Gueko, Despo et Esco. Le fil rouge ? « La cage aux lions », poétisation chorale aux confins des analyses de Mongo Beti, de Pie Tshibanda et de 25G. Rencontre à coups de mots-clés avec l’hôte de ce rugissement fondateur, mi-Keyzer Söze, mi-saigneur à l’âme aiguisée : Lalcko.
Diamants
« Tu peux pas manger avec nous si t’as jamais vu des hommes se manger. » (« Sang pour sang diamant », 2008)
« Les diamants symbolisent autant la dureté que le trajet du capitalisme, c’est ce que je décris dans mon morceau « Sang pour sang diamant ». En amont, tu as les Africains qui se tuent à les déterrer. En aval, tu as les diamantaires suisses qui, eux, en tirent des dividendes. Toi, où est-ce que tu te situes sur ce trajet ? Fais-tu partie de ceux qui creusent mais n’en profitent pas ? De ceux qui rendent la richesse socialement acceptable ? Ou es-tu de ces vieilles crapules qui assassinent pour en posséder ?… Mon premier projet s’appelait Les diamants sont éternels. Tout est parti de là… L’album ne sort pas, ce qui génère au début chez moi de la frustration. Mais tout de suite je repars sur d’autres défis… C’est là que sort la mixtape Diamant noir, avec une volonté de revenir à la beauté brute. C’est comme Blow, ça sort tel quel. C’est marrant d’ailleurs cette histoire de calendrier des sorties. Pour ça comme pour le reste, j’ai ma propre lecture des temps. J’ai été influencé par des mecs comme GZA ou Ghostface. Mon temps à moi c’est le contretemps. Je vais même aller plus loin : j’ai commencé la musique sans le vouloir. Et comme tout bon compétiteur, j’ai juste voulu combattre bien.… Et c’est ainsi que ma « carrière » a commencé. »
Lalcko
« Donne-leur le L de Lexus, le A d’une Autre Lexus, le L de L’eau lave, le C de Courage, fuck le K de Klein vu que c’était pas le C de Calvin, donne-leur le K de Cameroun, le O de Origine… » (« La cavale (remix) », 2011)
« Quand j’étais plus jeune, j’aimais bien le sky. J’avais mes habitudes. J’étais solitaire, j’aimais bien rester dans mon coin à observer. Du coup les mecs m’ont appelé Col-al… Et puis quand j’ai fait mon maxi Blow, deux jours avant le pressage, je n’avais pas de blase. Colal, Lalco, ça s’est fait comme ça… Le « ck » final, ça vient de Massock, mon nom de famille… En bref, Lalcko c’est un nom pour la street, en hommage au nom que m’a donné la street. »
Géographie
« On fait peur aux Français comme un ghetto allemand, aux Allemands comme un ghetto turc, aux Turcs comme un ghetto kurde… » (« Immobiliare », 2010)
« Je suis né à Rennes. De Rennes, premier Cameroun à 7 ans. En 6ème je me fais virer de mon collège au Cameroun. Retour en France à 12 ans, direction Créteil. A 14 ans, je me fais à nouveau virer, donc retour au Cameroun. Puis retour à Créteil à 15 ans et demi, puis Rouen à 17, où je reste jusqu’à 20 ans. Puis je repars à Créteil à 20 ans… J’ai longtemps habité à Créteil et maintenant je suis dans le cœur de Paris… Et depuis je ne suis jamais reparti. »
Afrique
« On traversait la forêt avec des bassines pour aller puiser de l’eau, en faisant des prières pour pas qu’on nous assassine ; on habitait dans une maison sans fenêtre, sans porte, l’ordre venait de la France de mettre des gens comme nous sur la corde. » (« Legacy », 2008)
« Je suis africain. Un Camerounais, comme un Ivoirien ou un Sénégalais, se sent africain avant tout. Le pays, c’est ma case, mon village, mais je reste avant tout un Africain. Parmi les pays africains, le Cameroun est un pays qui m’intéresse doublement. D’abord parce que j’y ai mes racines, mais aussi en raison de la situation générale du pays. Le Cameroun, c’est la clé du Golfe de Guinée. Il y a énormément de pays et d’enjeux autour – d’ailleurs et ce n’est pas anodin, c’est la première fois que les Américains s’impliquent autant en Afrique centrale. C’est un laboratoire. C’est pour ça qu’en plus d’être mon pays d’origine, je m’y intéresse beaucoup. La question de la nationalité, au fond, c’est secondaire. »
Mépris
« On a un mauvais profil mais on est la France vue de face. » (« UMP3 », 2010)
« Il ne faut pas que des gens avec qui nous avons évolué ici se disent que nous nous passionnons pour des choses qui ne nous concernent pas. Cela fait partie de notre être et de notre culture. Et c’est cette réponse-là que la France , qui nous a vus grandir, n’arrive pas à nous donner. Pourquoi ? Parce que comme le dit quelqu’un qui m’est très cher, il y a un pêché originel. Les jeunes de banlieue ont fait ci, les jeunes de banlieue ont fait ça… Mais il y a des questions auxquelles il faut répondre ! »
Noirs
« Aucun CDI dans la famille, à croire que les ignames rendent ignares… » (« UMP3 », 2010)
[A propos de la phrase de Rocé : « La France connaît les Blacks mais pas les Noirs. »] « J’aime beaucoup Rocé et il a complètement raison sur cette phrase. Si on commence à partir sur ces sujets, les mecs ils vont mourir ! Même dans notre histoire urbaine récente, même en France, il y a des mecs qui sont passés, qui ont dit des choses… Mais tu penses bien que ça arrangeait tout le monde la culture black… Personne n’avait à se prendre la tête. « C’est vous mais c’est pas vous parce qu’ils sont loin », tu vois. On ne joue pas comme ça avec la mémoire collective. Pendant la crise ivoirienne l’an passé, il y avait une façon de présenter les choses en France. Mais il faut savoir que de l’autre côté de l‘eau, il y avait beaucoup de pro-Gbagbo… C’est pour ça que je ne suis pas parti dans les références Clockers, etc. Pourtant je les ai aussi ! Dans Diamant noir, les interludes font référence à des classiques : New Jack City, Boyz N the Hood, Shaka Zulu, Rue Cases-Nègres… Pour moi c’était obligé. »
Pouvoir
« Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. » (« Don et malédiction », 2007)
« Le pouvoir est un piège, une épreuve. Une épreuve pour ceux qui le subissent, une épreuve pour ceux qui l’exercent. Beaucoup de gens voient le pouvoir comme une victoire. Moi je plains parfois ceux qui ont le pouvoir. C’est une épreuve énorme. Tu te retrouves avec un bâton de commandement, c’est toi qui contrôles le pouce de Jules César… Après, comment veux-tu que ces personnes acceptent de se mélanger à nouveau à la plèbe ? C’est humain. C’est là que tu reconnais les grands hommes, ceux qui savent abandonner leur fonction et la laisser continuer sans eux. C’est Nelson Mandela, bien sûr, mais à côté de lui tu as des hommes comme Patrice Emery Lumumba, qui se servent du pouvoir pour combattre un pouvoir plus grand qu’eux. Ou Thomas Sankara, qui a tenu tête à Mitterrand devant la terre entière. »
Engagement
« Les comme nous peuplent le sous-sol du Zaïre, mais bien sûr qu’il est plus difficile de nous combattre que de nous haïr. » (‘L’argent du Vatican’, 2011)
« Je côtoie des gens proches du pouvoir. A côté de ça, mon père était un opposant au système, il a été incarcéré pour ses idées. Des amis à lui et des membres de ma famille ont été tués pour leurs idées… Quand Thomas Sankara est mort, je venais d’arriver en Afrique, j’étais petit. Et même si le Burkina c’est super loin du Cameroun, mec, j’ai pleuré dans la rue avec les gosses du quartier. La radio venait d’annoncer son assassinat, tout le quartier pleurait… »
Chef
« Président de la République est un très beau titre, [mais] n’oublie pas [que] t’es comme moi : t’es de la viande non cuite. » (« De toute façon… », 2008)
« Dans toute société, il faut un chef. Il en faut pour emmener, mais aussi des chefs qui se plantent et marchent à côté de leurs pompes. Dans « Napoléon », je dis que Sarkozy est un bon président. C’est une façon de parler, hein. C’est juste qu’il a été démocratiquement élu, les gens l’ont voté, il est président, point… Mais à un moment, si le Président ne marche pas droit, nous, le peuple, devons pouvoir le renverser. Nous ne devons pas subir. Dans l’intro de Diamants de conflits je dis que le roi est aussi un esclave : c’est l’esclave de son peuple. C’est cela le piège de la démocratie, et c’est cela qui a été fatal a beaucoup d’hommes d’Etat. Les décisionnaires pensent avoir le pouvoir sur les gens ? Mais ce sont les gens qui ont toujours eu le pouvoir sur les décisionnaires ! Ces hommes oublient parfois cela. Ils ne sont que des délégués, et si le peuple décide que ça s’arrête, ça s’arrêtera. »
Kadhafi
« Retour en 86 quand mon père était encore incarcéré, quand les barreaux de la prison se refermaient, me faisaient criser, vous n’étiez pas nombreux à vouloir nous fréquenter, Kadhafi… » (« Strong », 2011)
« Dans L’eau lave mais l’argent rend propre, il y a beaucoup de références à des pays comme la Côte d’Ivoire, la Libye ou l’Afrique du Sud. Ces morceaux datent d’avant les évènements. Je cite par exemple plusieurs fois Kadhafi dans le morceau « Strong ». Lors d’un déplacement en Afrique, j’ai pu mesurer le poids qu’il pesait sur sa population. Je ne suis pas allé en Libye, mais la lecture médiatique est forcément différente quand tu es dans les pays africains. Les réflexions de l’homme de la rue ne sont pas les mêmes, les références ne sont pas les mêmes. Attention, je n’élude pas tout le reste mais, sur le fond, ça reste l’un des despotes les plus patriotes et les plus panafricanistes – chose qui le démarque d’autres despotes contemporains. A côté de ça c’est une population très instruite, le niveau scolaire et la qualité de vie n’ont rien à voir avec les pays limitrophes. Il était en train de lancer un satellite pour que l’Afrique puisse gérer ses propres chaînes depuis le continent, sans passer par les satellites français – quand tu sais l’importance que revêt le contrôle de l’information sur la conscientisation des gens… A côté de ça il mettait en place un système opposé au FMI qu’il appelait le FMA, le Fonds monétaire africain… Tout ça, c’est une partie méconnue du personnage. Je me suis beaucoup intéressé à lui au moment où j’écrivais l’album. Pareil pour Laurent Gbagbo. Oui il y a eu des morts avant qu’il ne daigne laisser le pouvoir. Mais il était apprécié et il s’est fait piéger… Maintenant je souhaite à ADO [Alassane Dramane Ouattara, le successeur de Laurent Gbagbo à la tête de la Côte d’Ivoire, NDLR] de ramener la paix… Il y a donc eu tous ces évènements, et puis l’album est sorti. »
Football
« De retour sur le terrain, balle au pied je mets le rap français dans une position Savicevic-Guérin. » (« Le cœur », 2011)
« Je suis un dingue de foot. J’ai suivi les tensions entre Samuel Eto’o et Alexandre Song autour du capitanat des Lions indomptables, tout ça… En même temps Samuel Eto’o représente tellement pour l’Afrique… C’est un peu comme Drogba. Ces mecs ont énormément d’argent, à la fin les gens pensent plus à leur argent qu’à leur talent, alors qu’au même titre que les artistes ils ont un vrai rôle de soldats de la paix. J’en veux pour preuve le scandale actuel avec l’histoire de la LG Cup … Comme tu le sais sans doute, depuis l’épopée de 1990 les joueurs de l’équipe nationale du Cameroun ont toujours des difficultés pour percevoir leurs primes de matches. L’autre jour, les Lions ont remporté à Marrakech la LG Cup. La semaine suivante, ils devaient jouer à Alger en amical contre l’équipe d’Algérie. Comme il y avait cet éternel problème de primes en suspens avec la Fédé camerounaise – en l’occurrence une prime de présence –, le capitaine Samuel Eto’o a annoncé la veille du match que son équipe ne viendrait pas, en signe de protestation. Le problème, c’est qu’à Alger, le match était sold-out ! Du coup, le Fédé algérienne demande à la Fécafoot [la Fédération camerounaise, NDLR] de lui verser un million d’euros à titre de dédommagement. Et la Fécafoot refuse de payer ! Résultat, nous sommes au bord de l’incident diplomatique et c’est la honte pour les dirigeants camerounais… Le divertissement, le sport, tout est un combat… »
Argent (1)
« Regarde les gens qui travaillent, à quoi leurs salaires leur servent ? Ils construisent rien, bons à payer mais souvent dans la merde, c’est souvent eux les esclaves modernes. » (« A Dolla is a Dolla », 2011)
« Ça se tasse à nouveau. D’où le thème de mon album. La question de l’argent a permis de recentrer les gens sur leurs problèmes de l’instant. Les problèmes des gens semblent se solder s’ils ont de l’argent, ou empirent s’ils n’en ont pas. Or les questions existentielles ne sont pas réglées par des sommes. Dans tous les temples, dans tous les cultes, il y a toujours une sorte de purification. Se laver c’est sain, ce sont des choses simples que nos parents nous ont transmises. L’eau lave, c’est un fait. Mais en société tu as beau te laver pendant des heures, c’est l’argent qui te rendra propre. Tant que tu n’as pas les sous, les gens ne considèreront pas que tu as réussi. »
Argent (2)
« Le futur d’un enculé dépend souvent du passé d’un bâtard. » (« L’eau lave mais l’argent rend propre », 2008)
« Des Frères musulmans ont étudié la question de l’or et de l’argent. Et tout le monde est d’accord pour dire qu’il y a un problème depuis l’apparition de l’argent. L’argent n’est pas la base du problème. L’argent c’est du papier, du métal. Le problème de l’argent, c’est plutôt celui d’une intention, de la manifestation d’une pensée. La pensée capitaliste ? En même temps, est-il possible d’être rappeur et anticapitaliste ? C’est tout le problème de la manifestation d’une pensée, de s’être servi de l’argent comme d’une arme pour éliminer certaines catégories de personnes. C’est une bataille de terrain, c’est tout. »
Argent (3)
« J’viens de là où c’est les vieilles qui arrachent les sacs, où c’est la police qui t’braque, où il faut payer pour récupérer son argent… » (« Napoléon », 2011)
« C’est cette conquête de la Terre que j’ai essayé de représenter dans le titre « Napoléon ». Dans le premier couplet, j’ai essayé de remettre l’histoire de l’immigré africain. La question c’est : est-ce que les Africains doivent nécessairement être de bons futurs Européens ? Moi, j’ai grandi en face, mais à un moment j’ai failli être bloqué en Afrique. Mon père était dans une situation complexe, incarcéré sans certitude d’être libéré. Nous étions tous ici et lui était rentré. Il a connu sa mésaventure avec ses potes, tous des jeunes profs de fac très instruits qui avaient grandi ici, pleins d’idéaux avec les Fêtes de l’Huma, tout ça… A côté moi j’étais toujours avec l’appel de la street, des galères de ouf, donc c’était compliqué. A un moment nous avions plus de chances de finir en prison là-bas que d’être ici. Je me suis donc retrouvé dans la peau de l’Africain qui rêve de revenir en France. J’avais 14 ans et j’étais à deux doigts de passer de l’autre côté. Quand je suis revenu, j’étais avec un petit sac. Je ne pensais même pas que je retrouverais la France. Mon grand frère était déjà là-bas. Moi j’étais mal, je me disais « si je me retrouve dans une cellule en Afrique, c’est chaud ! » Je me suis donc retrouvé dans la peau de ce jeune Africain qui ne rêve que d’un truc : revoir la neige, juste marcher dans la rue en France… Ça me fait penser à Wyclef, un mec qui a grandi à New York tout en gardant cet esprit de réfugié. Quand il tournait avec Lauryn Hill, Pras et John Forte, niveau univers c’était pas les Gravediggaz mais moi, pour toutes les raisons que je viens d’expliquer, j’aimais bien, ça me parlait… Au bled, j’ai senti cette volonté de conquête voire de reconquête de la terre. C’est pour ça que, quand je suis arrivé, dans tout ce que je faisais, j’avais la dalle. Une dalle d’Africain. »
Argent (4)
« Toi qui étais doux comme les fesses d’un bébé, maintenant t’es devenu violent comme les intentions d’un pédé… et tu vas les enculer. » (« Magnifique », 2010)
« Le deuxième couplet de « Napoléon », c’est toujours la conquête de la terre mais sous l’angle Sarkozy, que j’appelle le Hongrois. C’est une dalle de terre, une volonté de conquête… Le troisième couplet, ce sont les mecs qui bicravent et qui sont allumés, que tu as vu grandir et que tu ne reverras plus jamais. D’où le parallèle avec Napoléon. L’homme n’en a jamais assez. Pour un bout de terre il est prêt à n’importe quoi. Si ces personnes pouvaient acquérir une partie du jardin d’Eden, ils le feraient… « Napoléon », c’est la somme de ces trois trajectoires, l’immigré africain, le Hongrois et le bicraveur. Au fond ces trois personnages-là, à défaut d’être animés par les mêmes intentions, empruntent parfois les mêmes chemins. »
Photo
« Mon rap a l’odeur des cuisses des cousines venues offrir poulet plus le riz et les oignons marinés dans le citron, parrainé par le goudron, j’ai appris dans les vapeurs d’afghan avec mes potos fonce-dés, pépélé, ce qui me rappelait presque l’odeur du poisson braisé… » (« La cage aux lions », 2008)
« L’eau lave…, ce n’est pas vraiment un album, c’est une photo que j’ai mise en musique. Il y a des séquences où je suis allé tellement loin que ce n’est qu’aujourd’hui que je les redécouvre… C’est un défaut de fabrication Lalcko, ces rimes visuelles ! Après, le temps a été mis en place pour expliquer le rythme, mais le vrai rythme n’a pas de temps. Quand tu bases trop ton énergie, ton écriture et ta musique sur le temps, tu comprimes le rythme. C’est réducteur. Dans « L’esprit des rois », quand je dis « Sniffe mes lignes, c’est de la transmission de pouvoir », j’avais l’obsession de peindre ça. C’est là où je me reconnais dans l’album de Fifty, Get Rich or Die Tryin’. Ce ne sont pas les titres qui me font vibrer, c’est la mâchoire cassée de Fifty. Sa mâchoire cassée – peut-être par les balles, certes, mais qui lui donne en tout cas l’accent d’un mec du Sud. C’était l’époque où il se disait que les grands gangsters bougeaient dans les villes du Sud et revenaient avec l’accent… C’est toute l’histoire d’une certaine classe américaine dans les années 90. C’est ce que je recherchais pour ce premier album. Pas forcément les meilleurs titres ou les meilleurs sons, juste une belle photo. Une belle photo de famille. Comme les cover du Parrain. »
Punchline
« Arrêtez de vivre en mourants, mouillez-vous, profitez pas de la pluie pour chier dans le torrent ! » (« 2 voies suprêmes », 2010)
« Je fais très peu de ratures mais je pense beaucoup mes textes. « Ma mère était un 3.5.7 déguisé en femme enceinte et cette première balle striée s’appellera Ko-Lal » : les balles striées, je crois que ce sont les Israéliens qui les ont inventées. Elles font très mal et rebondissent sur les autres. C’est un peu comme cela : parfois j’ai fait des trous malgré moi, parfois où il fallait, parfois où il ne fallait pas. C’est pour cela que je ne me reconnais pas forcément dans le terme punchliner. Je ne suis pas forcément à la recherche de la ligne qui va te mettre par terre. Je recherche plutôt celle qui va te relever, ou en tout cas qui va t’aider à t’élever. »
Mobutu
« Mais mes négros sont trop Mobutu, dès que tu les mets bien, ils oublient tout. » (« Lumumba », 2008)
« Cette phrase-là a une histoire. La première fois que j’enregistre « Lumumba », c’était pour l’album que je devais faire via le 45. Je fais le morceau, le morceau tue, sur un beat de Cris. J’en fais une maquette, je fais écouter à Jean-Pierre [Seck, NDLR]. Jean-Pierre me dit que ce morceau est très bien – il faut comprendre que le 45 à cette époque c’est une écurie de guerriers, quand tu fais un morceau il doit claquer… A un moment il veut se barrer et il entend une phrase que je dis à la fin en parlant. Cette phrase c’est la fameuse phrase sur Mobutu. Jean-Pierre se retourne et me dit – et c’est là qu’il m’a appris ce qu’est l’efficacité : « Comment peux-tu mettre la meilleure ligne du morceau dans l’outro, en parlant… Tu es o-bli-gé de rapper cette phrase ! » Alors j’écoute son conseil et je mets cette phrase… Mec, elle a eu un impact de dingue !… Je vais te dire un truc sur Jean-Pierre. Jean-Pierre, c’est ce genre de mecs qui manquent en France. Ils sont très rares ceux qui ont la capacité de reconnaître la force avant que d’autres la voient. Déjà, il est venu me signer alors que je n’étais pas forcément le plus attendu, mais sur CETTE phrase… Si je ne devais garder qu’un souvenir de notre collaboration, c’est quand il me dit « Cette phrase-là ne peut pas être à la fin »… Dans tous les pays où je vais et où les gens me connaissent un peu, cette phrase-là sort toujours, chez toutes les catégories de personnes. Autant la traduction du titre L’eau lave et l’argent rend propre a pu faire marrer des Chinois ou des anglophones (sisi !), autant cette phrase-là, elle a marqué les gens. »
Albums
« Je ne fais pas de la musique, je fais ma vie, j’en suis convaincu. » (« L’argent du Vatican », 2011)
« On a perdu les vrais albums. Quelques gouttes suffisent…, c’était un vrai album. En l’écoutant, tu sais c’est quoi être une caille-ra en 1997, même si l’album ne sort qu’un an plus tard. Idem avec Temps mort de Booba, ou avant encore, des groupes comme Afrojazz, tout ça. Chez eux il y avait de l’anglais car ils étaient influencés par les Américains, ils parlaient avec l’accent du bled, du swing, ça cognait… »
Musique
« En gorilles on traverse les jungles que sont les années, 2010 l’année du son et voici le son de l’année… » (« My Time », 2010)
« J’écoute tout, notamment la nouvelle musique urbaine du hood du Nigéria, du Ghana, le rap anglais, que je découvre… Ils ont gardé cette authenticité que les Américains ont perdu. Le côté swing des Jamaïcains est toujours là, au contraire des Américains qui sont devenus trop lissés. C’est dommage. »
Attente
« Et j’ai pris des vols et des vols pour fuir le bled, des vols et des vols pour fuir le tiex, des vols et des vols pour fuir ma vie… Et ça n’a rien changé : je suis perpétuellement dans un vol de nuit. » (« Vol de nuit », 2008)
« En 2010, j’ai menti à des milliers de personnes. J’avais annoncé la sortie de l’album et il n’est pas sorti. J’ai énormément déçu, mais c’est l’histoire de ma vie, mon destin. J’ai souvent perdu les gens mais j’ai toujours réussi à les retrouver. Aujourd’hui l’album est là. Avant je disais aux gens qu’il ne fallait pas me comparer car j’étais incomparable ! Mais il faut comparer ce qui est similaire. Sur quelles bases veux-tu comparer du pain et du fromage ? Il n’y a pas lieu de comparer cet album avec l’album d’autres artistes… Tu sais, je vais te dire : si je n’avais pas la force et la carapace que les gens attendaient que j’ai, j’aurais craqué, je pense. Ça m’a permis de tenir. Et puis pourquoi j’irais me brûler les mains dans le four parce que je veux sortir le plat tout de suite ? L’important est que le plat soit bon. Il y a des restaurants où la bouffe t’est servie tout de suite mais où elle est dégueulasse. Là je suis fier de moi et des personnes qui ont bossé avec moi. »
Invités
« J’suis d’là où les dépossédés de leurs âmes possèdent des armes. » (« Tradition du combat », 2011)
« Le but c’était de prendre des mecs forts. Sur « La cavale remix », le but c’était de mettre en avant ces mecs-là. Dans toutes les villes de France il y a des mecs forts, des mecs écoutés, qui bossent à côté, qui ont des business de location de voiture, etc., mais dont tout le monde sait que quand ils prennent un micro ce sont des rappeurs de ouf ! Ce sont ces 300, ces mecs d’équipe que j’ai envie de faire entendre… Et L.A.L. – pardon de parler à la troisième personne [Rires] – c’est un mec comme ça. »
Prods
« Rien à prouver : être noir, c’est déjà un acte militant. » (« Grands travaux », 2010)
« Pour les prods, il y a des gens que je connais et des gens que je découvre. Il n’y a pas de limites, pas de frontières, d’autant plus que comme j’avais mon thème, je savais quels étaient les éléments qui allaient attirer la musique vers mon thème, en fait. Sur Diamants de conflits, la thématique c’était la profondeur. Diamant noir, c’était la brutalité, le flow, l’énergie. L’eau lave…, c’est un mélange de tout ça. L’important pour moi c’était cette fois de travailler la précision. La précision du tir, la précision du thème. J’essaie de taper juste. »
Pochette
« C’est qu’une entrée en matière, dîtes à Elf de nous laisser faire, on a les ressources nécessaires, scènes de Mac Mahon et armes de Shakespeare… » (« Powerful », 2011)
« C’est Manu Lagos qui a fait les photos. C’est un super photographe. Un soir, j’allais chez un pote ou bien je rentrais, je ne sais plus… C’était sur le RER B au niveau de Gare du Nord. D’un coup j’ai vu tous ces travailleurs qui rentraient, les darons africains, les Pakistanais, tout ça… C’est vraiment une ambiance très parisienne, avec ce que nous appelons les Français moyens… Ce sont des gens qui bossent dur, qui usent leur corps pour obtenir un salaire… Et là je me suis dit L’eau lave et l’argent rend propre, c’est ça ! Il faut que j’arrive à prendre une photo comme dans les seventies, à la Steve McQueen ! J’ai appelé Manu, nous sommes allés faire des repérages la nuit pour faire des photos volées… Le problème c’est qu’il y a une énorme différence entre mon œil et celui d’un photographe pro. Les traces que nous voyons, un pro sait comment les faire disparaître au moment d’appuyer sur son déclencheur… Nous avons aussi voulu faire une photo avec un homme en costard qui descendrait du bus après une journée de travail, comme pour montrer que même s’il est bien sapé, il ne peut pas faire autrement que prendre le bus… Bon, ça s’est avéré compliqué, mais nous sommes parvenus à garder cette idée de voyage qui fait le lien avec les disques précédents. Diamant noir, c’était une ville en Afrique, Diamant de conflit il y a l’Afrique derrière moi, avec l’eau, déjà. Au final c’est la photo du château d’eau que nous avons conservée, avec ces rails de train qui font la continuité du voyage. L’eau qui partait d’un fleuve est aujourd’hui contenue dans un château d’eau. C’est cette idée d’organisation, un peu comme dans la société dans laquelle nous vivons. L’eau, ça reste la vie. »
Rouge
« Même si j’ai dit à mon prof d’histoire que le rouge de leur drapeau c’est le sang de l’Afrique… » (« Les falaises », 2008)
« Pour ce qui est du rouge de la pochette, c’est entièrement l’idée de Pierre Seydoux, qui bossait pour la revue L’Optimum. Je trouvais que son œil sur du rap pouvait être intéressant. C’est lui qui a eu l’idée de la teinte rouge, du titre décalé comme une pochette de presse. Je trouvais que l’histoire fonctionnait. En plus sur la photo je porte deux capuches. C’est le froid, le besoin de se réchauffer, tout ça – au début Manu ne voulait pas que je porte cette double capuche, il me disait que je n’étais plus dans ces trucs-là, etc. C’est vrai quelque part que je n’aime pas m’afficher avec une image trop ghetto youth … J’ai dit vas-y, faisons-la quand même. Et au final c’est celle-là que nous avons gardée… A ce moment-là, j’avais déjà 90 % de l’album. « Kilo » est arrivé en dernier avec « Vilakazi » & « Weston & Ralph ». »
Internet
« J’travaille pas pour les Lucchese mais pour mes brothas, un business en cache un autre comme les matriochkas. » (« Matty Madonna », 2011)
« Avant il y avait l’objectif physique de sortir une galette. Rien n’est anodin, toutes ces distribs qui ferment. Toutes ces personnes qui comme par hasard ne sortent plus de disques de rap et tous les deux mois sortent un disque de variét’. Tout un système est organisé pour qu’une catégorie d’artistes ne survivent pas à cette guerre ! Et je les comprends. Pourquoi j’ai pris l’exemple de Matty Madonna ? C’était un mec qui était dans la rue, qui a eu l’idée de fournir de la came à des Renois comme Nicky Barnes et Franck Lucas, puis qui est bé-tom. Quand il est sorti de prison, il a commencé ses escroqueries sur Internet avec ses neveux, ça m’a fait rigoler. Aujourd’hui, pour les gens comme nous, le rapport de force est le même. Ils nous ont tellement coupés du monde… Même avec de l’argent, nous n’existons pas. Tu peux prendre les espaces que tu veux chez Trace ou MTV, mais dans les vrais canaux de communication personne n’entend plus parler de toi. Aucune maison de disque, aucun professionnel du milieu ne saura que tu as sorti ton album. C’est ce qui s’est passé avec Diamants de conflit. Nous avions fait un investissement de ouf, mais à un moment nous nous sommes rendus compte que, waouh !, sur le terrain de la musique, nous faisions plus que concurrencer ces gens-là, mais sur le terrain de la com’, jamais ! Et puis les mecs sont réalistes. Tu ne vas pas venir me prendre en sachant qu’au fond de moi je n’apprécie pas ce que tu fais et que j’ai les moyens de te le montrer. Les mecs sont paranos et ils ont raison, regarde comme ils jettent les artistes ! Mais là où ça me fait plaisir c’est que nous sommes devenus producteurs malgré nous… Regarde Jay-Z à l’époque de son premier album, ou Lunatic… Personne ne voulait de leur album, c’est pour ça qu’ils l’ont produit… Aujourd’hui, Internet est un outil dans ce rapport de force. Mais comme tout outil, il doit être utilisé intelligemment. C’est à nous de cibler et de créer un village – j’utilise le mot village à dessein : c’est celui qu’avait employé Laurent Bouneau pour décrire le rap de Booba, à l’époque. L’important n’est pas le nombre de personnes qui constituent ce village, l’important est qu’ils soient au rendez-vous, comme Napoléon avec son armée de lépreux. »
Références
« Elégance dans le drapeau, j’flow pas, je flotte, comme les prières cachées de ceux qui ont de la blanche et de la verte dans le slip – le drapeau du Nigéria -, ou une tâche rouge sur leur T-shirt blanc – le drapeau du Japon -, les étoiles de la rue cernées par des bleus qui ont marché sur leur sang – le drapeau du Libéria… » (« Liberian bling », 2008)
« Le morceau « Strong » a une forte référence à Kadhafi, à la fin des couplets. A l’époque Kadhafi avait une armée d’amazones, qui constituaient ses gardes du corps. Son message officiel était qu’il fallait faire davantage confiance aux femmes qu’aux hommes, car les femmes étaient plus solides que les hommes… A côté, tu trouves « Napoléon », Desmond Tutu et Mandela dans « Vilakazi », « Matty Madonna » pour le côté italien… Après il y a « Tradition du combat » pour le côté guerrier, « L’argent du Vatican » pour le côté spirituel. Mais en fait ce sont deux angles d’analyses du même combat. Il y a le guerrier et celui qui aspire à ce que sa piété augmente pour se détacher des choses… A côté, dans « Kilo », je reprends des personnages évoqués ailleurs : Gbagbo, Matty Madonna… Ce disque a été conçu comme une pièce. C’est donc vraiment un album. »
45
« Ce qui compte c’est le finish, grandir dans les bandes, penser comme un gringo, les ennemis se jettent sur toi pour t’empêcher de voir loin comme un rideau, mais t’as vu leur plan, t’es un hustler, t’as le cœur comme un frigo… » (« La cavale », 2010)
« Je me souviens de votre interview d’Ali dans les locaux du 45 Scientific. Je l’ai lue, elle m’a marqué… Le 45 c’était une histoire qui a bien commencé mais qui s’est très mal finie. Après, ce qui est fait est fait et, pour être juste, la gloire du 45, c’était pas moi. Nous avons eu des divergences, c’est vrai, mais pour moi c’est le passé et toutes les expériences sont bonnes à prendre. Aucun d’entre eux n’est mon ennemi. Au dessus de la musique il y a l’humain et j’espère que c’est comme ça pour eux aussi… Et pourtant j’ai été aussi fâché qu’Esco – et peut-être plus que lui, même ! -, mais après chacun a sa façon de se manifester… Aujourd’hui je suis content, j’ai monté mon label, je peux sortir mes albums quand je veux. En termes de musique, c’est tout ce qui m’intéresse. A côté de ça, je n’oublie pas tout ce qu’ils m’ont apporté et j’espère qu’humainement tout le monde a tiré les leçons de l’aventure. »
A-côtés
« Ils insultaient cette brave femme à peine peignée, ignorant qu’elle élevait un roi qu’ils craindraient… » (« Strong », 2011)
« Tous ces à-côtés auraient dû altérer ma créativité. Je pense au contraire qu’ils l’ont stimulée. Le rap que je fais, c’est du rap de victorieux. Je n’ai jamais perdu quand je rappais ! J’ai toujours rappé pour le plaisir, en m’amusant, et puis en peu de temps je suis devenu le meilleur de ma zone. Puis je suis passé à Générations et les mecs ont dit « c’est un des meilleurs sons des nouveaux ». D’un des meilleurs sons je suis passé à un des meilleurs labels… Après c’est difficile de partir de tout ça et d’être ensuite comparé à des artistes avec qui tu n’as rien à voir. C’est aussi difficile que d’investir de ses sous et de son temps et de voir des gens te donner plein de conseils pas toujours pertinents… Heureusement ma culture et mon éducation font que j’essaie de me situer au-dessus de ça. Comme je n’ai pas que le rap dans mon esprit, ça me permet de le considérer comme un jeu. C’est le secret. »
Vilakazi
« Répondre à la torture par la paix, absoudre ses ennemis et son bourreau par la paix, je n’ai rien contre nos amis français mais pour moi Vilakazi reste la vraie rue de la Paix … Les hommes sont les coups qu’ils prennent et l’amour qu’ils rendent, bondir et réussir ensemble aux yeux du monde. » (« Vilakazi », 2011)
« Je n’ai toujours pas eu la chance d’aller en Afrique du Sud. Mais j’ai pris Mandela et Desmond Tutu pour le symbole, pour le fait qu’ils avaient grandi ensemble et qu’ils ont réussi… Tu remarqueras que je choisis souvent mes personnages non pas pour raconter leur histoire – car, dans les grandes lignes, les gens la connaissent –, mais pour ce qu’ils représentent. L’idée c’était de dire qu’il est possible de mourir avant de connaître la victoire. Dans « Strong », j’ai utilisé l’image très controversée de Kadhafi pour parler des femmes. Dans « Vilakazi », ce sont deux rêves qui grandissent et qui ont réussi ensemble aux yeux du monde. »
Trahison
« Trois hommes peuvent garder un secret à condition que deux d’entre eux soient morts. » (« Ami d’enfance », 2007)
« La violence est un thème que j’ai beaucoup étudié. J’aurais pu choisir de faire un album sur la violence, sur l’argent ou sur la religion. Ou sur la trahison. La trahison est aussi un thème que j’aurais pu développer. C’est la trahison au sens commun, mais aussi la trahison par rapport à soi-même. Combien de gens j’ai rencontré qui sont des hommes de pouvoir ? Ces mecs, quand tu les coinces entre quatre murs, quand ils sont au bord de craquer, tu comprends qu’à un moment ils se sont trahis, qu’ils n’arrivent plus à dormir. Tu as des mecs qui sont arrivés avec des idéaux, avec la volonté de vouloir changer les choses. Au final ils se sont avérés devenir les pions les plus dangereux du système. Après je ne te parle pas des mecs comme Eric Besson ou le Hongrois. Ce sont des nains politiques. Ces mecs sont portés par une ambition telle que tous ceux qu’ils croisent sur leur chemin font partie du chemin. Ils ne s’arrêtent pas. Ils travaillent pour leur gueule, ou à la rigueur pour un système… A côté de ça, il y a des gens avec qui j’ai pu discuter qui sont super intéressants. Des gens qui – encore heureux – maîtrisent les idéaux qu’ils prétendent défendre, même s’ils sont parfois dans le camp adverse. »
Cycle
« L’argent vous appartient, la loi vous appartient, les armes vous appartiennent, les femmes vous appartiennent, depuis longtemps c’est la même : les négros peuvent juste changer de chaînes. » (« Diamant noir 0.1 », 2007)
« Je pense que l’Histoire est cyclique. Si tu regardes, depuis les tragédies grecques, ce sont les mêmes thèmes. Depuis les griots africains, l’homme vogue sur les mêmes thèmes… Quand j’étais plus jeune, dans les rapports aux femmes, on regardait comme des oufs ceux qui leur offraient des cadeaux. Aujourd’hui qu’est-ce que tu crois ? Nous en offrons ! Quand je vois des gros bonshommes faire l’effort, je me dis « ben mon vieux… » [Rires] »
Système
« En ce moment je suis occupé comme Jay-Z en 96 ou Kenzy en 98. » (« Le game », 2010)
« Quand je vois ce rap game, j’ai envie de dire rap life. Rap vie, mec. C’est difficile de se dire qu’il est possible de laisser sa santé mentale pour un jeu, tu vois… Ce système veut notre peau alors qu’à la base nous ne sommes même pas des opposants, tu te rends compte ? Nous sommes juste des mecs qui veulent faire de la bonne musique. Jusqu’à aujourd’hui je ne suis toujours pas un opposant. J’ai été mis à la tête de mon propre label, comme pour devenir une nouvelle machine, un nouveau système. Car ne nous leurrons pas, c’est le système qui crée les systèmes… Vraiment ce n’est pas un message de guerre, mais j’ai discuté avec énormément de gens et il y a des choses qu’aujourd’hui nous ne pouvons pas accepter. Aujourd’hui je suis clair. Je préfère sortir en numérique, comme je suis sorti, me prendre la tête avec personne. Je le dis dans « Matty Madonna », « cette année c’est pay me, iTunes, Paypal ou fuck you ». J’ai vraiment pensé ça comme ça, payer en direct même si c’est pas grand chose. Après je reviendrai dans le circuit normal, parce qu’il faut que les gens aient des disques… Cet album, c’est ça. En plus de la photo, il fallait le cadre. La façon de le sortir était réfléchie, choisie… Et ça a l’air de fonctionner. J’ai envie de le vendre beaucoup plus, mais je suis tellement content de la façon dont c’est sorti que j’ai envie de continuer dans ce registre. J’ai envie, si je trouve un réalisateur avec qui je me sens de travailler, de mettre un billet pour tourner un beau clip. Cet album correspond à une vision, une démarche. De A à Z. »
Clips
« J’ai gardé la règle du ‘Pas de face, pas de traces’, mon swag assassine ces batraciens de basse race, je casse grasse et passe, grosses filières et passes, fuck la classe, on a la grâce, signé ceux qui comprenaient plus rien en classe – repose en paix, crack ! » (« Artiste », 2010)
« Les derniers clips sont d’abord conçus pour alimenter. Pas forcément pour répondre à une attente mais pour alimenter ceux qui me disaient « Ouais on te voit pas ! On aimerait pouvoir te voir dans ton cadre de vie. Où tu vas ? Où est-ce que tu marches ? On ne sait même pas. » Par exemple dans le clip de « L’argent du Vatican », c’est tout le cœur du 94. Maisons-Alfort, Alfortville, Créteil… Je passe même devant des endroits où j’habitais, comme dans le clip de « Lumumba », d’ailleurs. Dans « Lumumba », je passe devant des maisons de Yaoundé et de Douala où j’ai habité et où mon père a grandi, notamment les quartiers de Nkongmondo et New Bell. »
Anciens
« Parle aux anciens, leurs Nike n’ont plus de forces mais leur gamberge tient. » (« Pas d’king », 2010)
« Les quartiers populaires, ce sont des lieux où tu es éduqué par tout le monde. Je me rappelle d’un pote qui me disait qu’en Afrique c’est tout un village qui éduque un gosse. Quand nous étions petits, si nous faisions des trucs bizarres dans la rue et qu’une daronne passait par là, elle nous mettait une tarte, direct. Et tu ne peux rien dire. Personne ne dira rien. C’est comme ça… Quand je retourne au pays, je fais en sorte tous les deux jours de rendre visite à un ancien. Attention, ça n’a rien à voir avec en France. Au pays, les anciens ne font pas les anciens. Voir un ancien, boire un verre avec lui, partager des souvenirs, écouter ses conseils… Il ne comprend pas forcément ce que tu fais, mais c’est une énergie, une personne qui te donne du sens. »
Lalcko – L’Argent du Vatican
Religion
« J’entends certains dire que j’aurais pu être plus loin et que si j’en suis au moins là c’est grâce à eux… D’abord, c’est grâce à Dieu, gloire à Lui, OK ? » (« Les frères de Joseph », 2008)
« Je suis musulman converti, depuis l’âge de 17-18 ans. Je suis dans un cheminement. C’est intime, mais c’est une intimité qu’on devrait pouvoir partager avec les gens. Je suis issu d’une famille protestante, où il y avait des catholiques, Camer d’Afrique centrale quoi. Cette culture-là, je ne peux pas l’effacer. J’aime les gens bien, ceux qui font des efforts sur eux-mêmes. Nous partons tous en prenant appui sur des bases, puis la tendance naturelle est de progressivement glisser. Moi je respecte ceux qui font le chemin inverse, ceux qui essaient de se redresser et de répandre le bien. »
Moteur
« Je mystifie ceux qui dorment avec moi, ils me voient comme un monstre, ils voient pas à quel moment de la journée je peux écrire tout ça, ils ne comprennent pas comment on peut baigner dans la vie que j’ai et construire ça. » (« L’esprit des rois », 2008)
« Je ne sais pas si j’ai un moteur. Le fait d’avoir fait beaucoup de karaté dans mon enfance, et notamment beaucoup de bagarres de rue, ça me donne une force dans la musique que tu ne peux pas imaginer. Tout ce que j’avais en moi avant, je l’ai mis dans la musique. Ceux qui me connaissent au quotidien vont te le dire : « Il est tellement calme, il parle jamais ! » En même temps, quand je suis derrière un micro, les mecs vont voir un animal ! Je me retiens car j’ai vraiment une énergie que je canalise. Quand j’étais petit, après les entrainements, on sortait. Nous refaisions les mêmes combats sauf que nous avions droit aux coudes et aux contacts [Sourire]. Maintenant je mets ça dans la musique. Toutes proportions gardées, c’est comme Messi en finale de la Champion’s League, qui joue avec les défenseurs de Manchester comme si c’était des enfants. Manchester, quoi !… Tu peux dire ce que tu veux, les meilleurs ont ça au fond d’eux [Rires]. »
Responsabilité
« Tonton François, reviens, tu verras… Depuis j’ai comme l’impression que mon karma se bat contre mon aura, on a fait le tour de l’égoïsme brutal au centre d’intérêt vénal, puis on se recentre sur l’éducation familiale. » (« L’argent du Vatican », 2011)
« Plus sérieusement, arrivé à un certain stade, tu te sens une responsabilité positive. Cela n’a rien à voir avec la responsabilité au sens négatif que peuvent ressentir les personnes qui ont un orgueil de fou. Par exemple, je ne saurais pas dire si le fait de devenir père a modifié mon approche de la musique. Je sais juste que mes jumelles ont parfois des phases bizarres, elles vont fouiller dans le Mac, chercher des choses, me les répéter. C’est un peu une bataille car je ne veux pas trop qu’elles rentrent dedans [Sourire]… Qu’il soit politisé ou non, un artiste fait partie de l’équation politique. De par notre assise, de par notre audience, nous avons un rôle à jouer lorsqu’il s’agit d’apaiser ou de réveiller nos contemporains. En Afrique, cela est encore décuplé. D’abord tu as les griefs, ensuite tu as les griots. Tu comprends l’importance de ce rôle ? Personnellement j’y pense à chaque couplet. »
Après
« J’suis quelque part avec du bif de té-co, où ma femme joue du piano, d’ailleurs j’ai regardé les infos, petit message à Sarko : arrêtez de chercher Lalcko, les journalistes font des saltos mais je me casse, négro. » (« La nouvelle vie de Jacques Chirac », 2008)
« Je vais essayer de pousser comme je peux, il faut que les gens soutiennent et on ne lâche pas quoi… Là je suis en studio pour préparer une version physique pour mars ou avril. Elle comportera de gros titres en plus, comme une sorte de coup de pinceau final – vraiment mon ghetto art ne respecte aucune règle [Sourire]… Et je vais vite arriver avec un autre album. J’ai plus que des idées : j’ai mon nouveau thème. Après, ça peut changer. L’eau lave… est très actuel, et je vais repartir sur d’autres musiques. Avant ça, il y aura le sept titres promis à ceux qui ont pris la peine d’investir dans l’album. Il s’intitule L’argent n’est pas la limite, c’est un bon complément et une bonne transition avant la suite. »
Trentaine
« Dix ans de rap et déjà un siècle d’ennemis. » (« Ready or Not freestyle », 2010)
« La vraie force ce n’est pas d’être un rappeur de 20 ans ou de 30 ans, c’est de savoir comment être un rappeur de 20 ans ou de 30 ans. Un rappeur de 30 ans, tu peux l’être à 28 ans, par ta conception de la violence, du rapport aux autres, ta mesure. A 20 ans, tu vas chercher à vendre tout ce que tu fais, tout ce qui impressionne les autres. A 30 ans, tu commences à cacher des choses. Regarde moi avec la violence : il y a quelques années elle était explicite dans mes morceaux. Aujourd’hui elle est plus implicite mais elle est omniprésente. Il peut s’agir de la violence physique, intellectuelle, etc. Qu’est-ce que ça signifie ? Ça signifie que j’ai aujourd’hui totalement conscience du monde dans lequel je suis, et que j’ai totalement conscience du fait que des esprits qui ne sont pas prêts à entendre ça ne devront pas l’entendre. Si j’arrive à faire ça sans que l’auditeur s’en rende compte, si ça continue à être attrayant, avec du sens, alors j’aurais réussi… Et puis, dans l’absolu, je trouve que nous sommes super jeunes. Nous commençons à peine, au fond… Il y a eu des précurseurs pour montrer le chemin. Rapper après trente ans, à une époque c’était pas acquis. Aujourd’hui des mecs ont montré la voie. Ou plutôt ils ont montré une voie. A nous de voir si ce sera la nôtre [Sourire]. »
Passéisme
« J’en ai marre que les négros s’habillent comme mes bagages ! » (« La cavale (remix) », 2011)
« Le rap c’était mieux avant ? Je ne vois pas l’intérêt de faire moins bien que ce qui se faisait en 1996 ou en 1988. Je suis choqué de ces débats avec des mecs qui ne maîtrisent rien à la rythmique. Si le rap c’est commencer une rime et la finir sur la caisse claire, laisse tomber, tout le monde rapperait. Il suffirait de retenir son souffle, de mettre le moins de mots possibles et de tomber sur la caisse. Mais le rap, c’est pas ça. La base, c’est la basse. Et cette basse a un groove qui ne se maîtrise pas métriquement. Regarde Eminem. Techniquement tu ne peux rien dire. Après l’industrie profite de ce qu’elle voit. Le problème ce sont les gens qui ne sont que des facettes. Tu ne peux pas comparer Eminem et Milli Vanilli. Eminem a une profondeur de thématiques… Après pour ce qui est de la récupération, c’est sans doute vrai, mais c’est plus l’affaire de ceux qui s’en occupent que des artistes. »
Transe
« J’ai le cœur comme le Pacifique Nord, l’Ukraine et la Biélorussie , sisi, toute la ville est sous siège, ils me voient arriver comme le sang sur la neige… » (« Le coeur », 2011)
« J’ai beaucoup de respect pour les sportifs. J’ai fait du karaté pendant toute mon enfance jusqu’à la ceinture marron – je n’ai pas pu passer ma noire pour des problèmes de discipline… Après j’ai même fait du karaté « sauvage », c’est-à-dire des sessions de ki shin taï avec des copains… Aujourd’hui j’évite les mouvements où mon moi m’échappe. En revanche ce que je fais c’est que je pousse mon esprit comme si j’étais en combat. C’est un excès de concentration plutôt que de la transe, car la transe tu ne maîtrises plus ce que tu fais. Je me mets dans le registre de l’animal en forêt. Tu respires, tu es vif, rapide, tu vois tout… Mon image c’est du Bruce Lee rap. Le mec en état second qui peut partir n’importe où, n’importe comment… Appréhender l’univers d’une autre façon. Le perforer, pas le subir. Essayer de créer des contours, un cercle. Et, dans ce cercle, te dire que ton adversaire, tu dois pouvoir être capable de le déplacer comme tu veux. Prendre le sens de ce que tu veux dire, l’amener à droite, l’amener à gauche, le faire reculer, avancer, le dominer, bref le maîtriser. Tu vois cet état d’esprit ? C’est à l’opposé du mec qui se dit « Si jamais il avance je vais peut-être… » Non. Et ça va même plus loin, pour relier ça aux arts martiaux : ton adversaire ce n’est pas l’autre, c’est toi. Toi et tes limites. « Deep cover », c’était ça. Un travail de frappe, des enchaînements. »
Escobar Macson
« Fuck la violence – je n’aime pas la violence -, mais viens pas te plaindre de ne pas avoir de chaussures chez quelqu’un qui n’a pas de pieds… » (« Cœur de lion », 2008)
« Ce mec est un phénomène, c’est une galère [Rires]. Surtout Esco pour moi, c’est une basse. T’as des tas de mecs qui vont rapper précis mais qui n’ont pas la vibration. Esco, lui, il a la vibration. Ses phrases ne sont jamais les mêmes même si elles sont placées au même endroit. D’où l’impression de roc qu’il dégage… Lorsque nous faisons des titres ensemble, nous n’allons jamais dans la facilité. Nous pourrions très bien jouer sur le registre des deux brutes, avec un maximum de punchlines… Mais il faut reconnaître aussi que nous ne partons pas toujours sur les instrus les plus faciles. Musicalement nous partons toujours sur des choses bizarres, je ne sais pas pourquoi… Bon au final ça donne quand même des morceaux intéressants, non ? »
Onomatopées
« Toc toc ? Pof pof pof. » (« Le coeur », 2011)
Comme c’est vraiment visuel, c’est aussi audible. Mais je dois te dire que j’essaie de réduire ça. Je me suis rendu compte en effet que des gens ont repris ce genre de gimmicks pour charger leurs morceaux, pour donner à leur morceaux une énergie qu’ils n’ont pas. Or c’est sur la longueur que nous comprendrons qui était puissant et qui ne l’était pas. T’as plein de mecs qui ont embelli leurs titres en les surchargeant de prises de back, d’ambiance, etc. Mais ça va mal vieillir ! La vraie puissance est dans la lead, la voix de base. Les autres, ce sont des ambiances. Quand ta lead est puissante, ton morceau est puissant… Moi l’un de mes seuls objectifs dans la musique, c’est de faire des trucs qui ne vont pas vite vieillir. Ärsenik avait des gimmicks, mais la base était tellement puissante que les gimmicks sont devenus anecdotiques. »
Inspiration
« J’ai arrêté d’écrire des rimes, j’élève des serpents, yes ! » (« Les voies suprêmes », 2005)
« Tous les rappeurs m’inspirent. J’écoute Booba, j’écoute Rohff, j’écoute Médine, j’écoute Kery James, j’écoute Soprano, j’écoute tout le monde. Après il y a certains pour qui j’écouterai un couplet sur tout un album, d’autres un morceau sur tout un album, et d’autres dont j’écouterai entièrement l’album… C’est comme un footballeur qui regarde les autres footballeurs jouer. C’est pas un aveu de faiblesse ou quoi. En ça, Thierry Henry m’a montré qu’il était un grand monsieur – même si j’ai toujours pensé qu’il était la version 2.0 d’Anelka. Ce mec a toujours eu l’intelligence et la sagesse de pouvoir croiser un joueur de D2 dans un aéroport et lui dire : « Bonjour Marvaux, comment tu vas ? » Quand tu vois les joueurs parler de leurs modèles, c’est ça. J’ai un pote dont le joueur préféré était Mijatovic, un autre c’était Figo. Quand je lui demandais pourquoi il me disait « pour sa capacité à feinter sans feinte ». Moi il y a des rappeurs que j’écoute, je vais voir mes potes et je leur dit « Lui il est trop fort ». Et là mes potes, ils éclatent de rire et ils me disent « Attends, comment toi tu peux dire que lui il est fort ? »… La jalousie ne fait avancer personne. Il faut savoir reconnaître le talent. Après, tu t’inclines un moment et puis tu te remets vite au travail [Rires]. C’est là que tu progresses. »
Iceberg
« 29.09 dans le 3.5, ma mère est un 3.5.7 déguisé en femme enceinte, et cette première balle striée s’appellera Ko-Lal, qui a laissé passer dix ans trois fois et v’là son bum-al… » (« 4916 », 2011)
« Déjà du temps du 45 les gars s’étonnaient que je ne sorte pas grand chose. Mais c’était oublier la partie immergée de l’iceberg [Sourire]. A cette époque je travaillais en parallèle sur les compilations Baby Killaz. Je produisais ça avec des potes d’enfance : Will, Chief’, Amine, Jay et Fab… Pendant des mois nous avons sillonné la France pour auditionner près d’un millier de nouveaux talents, avant de presser ça à 3 000 exemplaires et de les vendre de la main à la main. Will a eu l’idée d’aller les vendre au marché de Clignancourt, ce qui nous a permis d’en vendre 10 000 exemplaires en trois volumes – pas mal pour une mixtape de rookies, non ?… Sultan, c’est sur Baby Killaz qu’ils ont posé leurs toutes premières mesures ! Dosseh aussi c’était ses débuts, même si avant ça il avait déjà réalisé sa première mixtape, Bolide, sur laquelle il m’avait invité. Idem un jour où j’allais chez mon graphiste qui habitait dans le 9e arrondissement de Paris. En bas de chez lui, il y avait un groupe que nous avons fait poser pour la première fois. Ce groupe, c’était la Sexion d’Assaut, période R-Mak !… Dans la même veine, j’ai travaillé à l’époque comme « directeur artistique » sur la compilation Independenza , il y avait eu le concours sur Générations remporté par Babar… Quand je repense à ces années, à tous ces projets menés en parallèle, je me dis que ça pourrait se résumer en une phrase : aider les autres à percer avant même d’avoir moi-même percé. C’est pour cela que j’ai appelé mon label César Charp : César pour le côté impérial, Charp pour la patience du charpentier. »
Vîrus
« Entre nous on est des monstres, les mecs te frappent comme des percussionnistes et disent qu’il s’est rien passé comme des révisionnistes. » – (« Esprits crapuleux », 2011)
« J’ai un pote qui s’appelle Shlas, qui faisait des sons, et Vîrus c’était un gars de son quartier, ça fait quinze ans que je le connais. C’est la famille, je l’aime beaucoup. Super bon gars, trop rant-ma, laisse tomber. D’ailleurs j’avais fait un morceau avec lui sur Victorieux, piste 5, « Case départ ». Vîrus avait fait un petit séjour en prison à l’époque, mais je trouvais que c’était un des mecs qui en parlait de la façon la plus décomplexée, la plus marrante que j’avais jamais entendue. »
Critiques
« Pourquoi en est-on arrivés là ? Qu’est-ce qui nous a pris ? Pourquoi je pense plus à t’ouvrir la tête qu’à m’ouvrir l’esprit ? » (« My Niggaz », 2007)
« Je suis très détaché. Qu’est-ce que tu veux dire contre l’avis de quelqu’un ? Il faut être fou pour croire que les gens vont penser comme toi ! S’il y en a, c’est heureux. S’il n’y en a pas, c’est normal aussi… Après, j’ai une préférence pour les avis constructifs, que ce soit sur les forums ou dans les articles. Tu peux m’allumer, mais il faut que ce soit sur des bases concrètes. La musique, les textes… Quand quelqu’un écrit de tel rappeur « Il ne sait pas rapper », j’ai envie de répondre « Oui d’accord, mais tu parles de quoi en fait ? » Si le gars peut argumenter en partant sur des bases « le rap est un art qui est construit sur ça, ça et ça ; il existe tel type de rap, que moi personnellement je n’apprécie pas, et c’est celui qu’il pratique », OK. Mais si le gars estime que la seule notion qu’il connaît du rap n’est pas respectée, disons que je serai plus réservé… Mais honnêtement, je suis détaché. Je lis, je souris. Des fois je vois des mecs se tromper sur onze lignes, je laisse. J’en lis d’autres écrire comme si nous nous connaissions, je laisse aussi… De toute façon il n’est pas bon pour les artistes de se focaliser sur ce genre de choses. Notre métier c’est de créer de la matière. Commenter, ce n’est pas notre rôle. Et commenter les commentaires des commentateurs, encore moins [Sourire]. »
Equilibre
« Dans un moment de majesté où travailler est devenu une façon de m’épanouir, oui je domine, réunissez mes nièces et mes filles pour un festin, qu’on savoure les fruits du labeur et les plaisirs du destin… » (« Strong », 2011)
« Il ne faut pas croire que je me tourne les pouces entre deux actualités, bien au contraire. Mes centres d’intérêt sont multiples et j’ai toujours développé plusieurs activités en simultané. Déjà à Rouen lorsque j’étais au lycée, nous avions fait venir des mecs comme Costello depuis Marseille… J’ai différents business à côté du rap, notamment une activité de consultant auprès de l’AMI. L’AMI, c’est African Music Intelligence, une association qui fait du conseil et mène une vraie réflexion de fond sur l’industrie musicale africaine. Manu Dibango en est le chef de file – d’ailleurs je rappe l’intro de son dernier album… Comment protéger l’artiste et ses masters, former à l’aspect juridique du métier, trouver des solutions de paiement, gérer les contenus ? Sur le continent, le chantier est immense mais si nous qui sommes là-dedans depuis un certain nombre d’années ne nous y attelons pas, qui le fera ? Là je pars bientôt au Maroc pour une expertise, ensuite je devrais enchaîner avec le Nigéria, l’Angola… Bref, il y a des raisons à certains silences [Sourire]… »
Information
« Pour moi ces millimètres n’ont rien de neuf. » (« Les frères de Joseph », 2008)
« Je ne m’informe pas. Je ne fais pas confiance. Je base plutôt mon raisonnement sur la façon qu’ont les gens de juger l’information. Je me comporte un peu comme un avocat. Un avocat n’est pas sur la notion de la vérité ou du mensonge. Il est sur le respect de la loi. Un avocat peut sauver son client pour un vice de procédure. C’est la loi… Moi par exemple j’ai ma notion de l’humanité. Dès l’instant où tu déshumanises quelqu’un parce qu’il est différent, je ne suis pas d’accord avec toi. J’ai trouvé que c’était humiliant de déshabiller devant les caméras un ex-Président de la République comme Laurent Gbagbo. Je ne parle pas ici du résultat des élections entre Alassane Dramane Ouattara et lui – même si j’ai mon opinion, mais mon opinion ne compte pas en l’occurrence… Moi j’ai des fondations. On m’a appris le respect, l’humilité, la mesure… Je pense qu’un homme se juge aussi à sa façon de traiter ses adversaires… C’est comme Nicolas Sarkozy… Sans doute qu’il travaille, qu’il fait des choses bien, qu’aucun de nous ne voulons voir parce que nous cherchons juste à le diaboliser. Mais moi je le prends sur des faits simples : était-il obligé en tant que ministre de l’Intérieur de balancer des mots aussi grossiers que ceux qu’il a employés en 2005 sur la dalle d’Argenteuil ? Est-ce que son gouvernement est obligé d’être aussi décalé ? Eric Besson qui fait des doigts ? Le respect de l’être humain, il est où ? C’est tout… Chacun sa vision. Les Américains ont leur vision de la guerre du Vietnam, les Vietnamiens ont la leur. Certains ont le courage de se confronter à ça. Un qui m’impressionne c’est Rockin’ Squat : le nombre d’informations qu’il peut balancer à la seconde ! Après respect Assassin, mais moi je trouve ça quand même dangereux. Il prend le risque. Moi je ne prends pas de risque avec les contemporains. Parfois ma langue a glissé, mais je fais attention car l’Histoire nous a enseigné que tout peut se retourner… Tu vois, j’ai peu de héros. Je fais pourtant partie des mecs qui ont été contents quand Barack Obama a gagné. Aujourd’hui, je considère que Barack Obama est pire que George W. Bush ! J’ai vu les désastres de la politique de Barack Obama en certains endroits de la terre et je me dis « Waouh attends, j’ai soutenu ce mec-là à 300 % ? » Donc quitte à avoir des héros, je préfère prendre des gens qui nous ont quitté car c’est plus sûr – et encore… Bref. Aujourd’hui j’évite l’information car ce n’est pas important. Ce qui est important, c’est de s’instruire. L’information, à la base, n’est qu’une partie de l’instruction. Or aujourd’hui l’information a pris le dessus sur l’instruction. Aujourd’hui, il est devenu plus important de savoir ce qu’il s’est passé que de savoir ce que nous devrions faire. Ce renversement porte un nom : marcher sur la tête. »
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