Kekra : « Tout ce que j’ai fait jusqu’ici, c’était de l’échauffement »
En moins d’un an dans le rap, Kekra a sorti une trentaine de morceaux. Si son audience est encore confidentielle, le jeune Courbevoisien travaille pour amener sa musique au plus haut, et c’est à un rappeur très confiant que nous avons affaire.
Abcdr Du Son : Derrière ton statut de rookie, tu comptes déjà deux mixtapes gratuites à ton actif, Freebase et Freebase vol.2, accompagnées d’un certain nombre de clips. Pourquoi cette volonté d’offrir la musique, et d’y apposer beaucoup d’images ?
Kekra : Je suis arrivé avec deux mixtapes gratuites, en moins de six mois, quand d’autres sortent un album tous les deux ans. Et avec beaucoup d’images, parce que la musique aujourd’hui, elle ne s’écoute plus, elle se regarde. On est dans une optique, maintenant, où la musique c’est du fast-food, si tu restes silencieux un mois, on t’oublie. Il s’agit d’avoir un impact immédiat, sur tout le monde. C’est ce que je fais : influencer indirectement tout le monde.
A : Deux mixtapes en six mois c’est assez intensif comme rythme. Tu procèdes comment ? Tu disposes d’un home-studio pour travailler dès que possible ?
K : Non, je n’ai pas de studio, je ne viens pas du tout du milieu musical à la base. Je ne sais pas compter les BPM, je ne sais pas non plus faire le mix d’un morceau, et n’ai aucune connaissance musicale. Je me contente juste d’écouter une instru, et si elle m’inspire j’écris quelque chose dessus, j’y écris mon quotidien, c’est tout ce que je fais. Du coup je me déplace en studio lorsqu’on m’invite. On m’envoie les prods à l’avance, et si elles me parlent, qu’elles viennent de Pierre, Paul ou Jacques, j’y vais et je pose.
A : En l’occurrence, Pierre, Paul ou Jacques ne sont pas n’importe qui, puisqu’on retrouve entre autres Street Fabulous derrière certains de tes morceaux. Comment la connexion s’est-elle faite ?
K : C’est Oz Touch qui m’a contacté, il m’a proposé quelque chose. Il se trouve que j’avais un créneau et que j’avais envie de me vider l’esprit. Je suis parti en Belgique et j’en ai profité pour tourner deux clips là-bas.
A : À ce propos, dans tes clips on te retrouve masqué, c’est une façon d’associer une identité visuelle à ce que tu fais ?
K : À la base je n’avais pas décidé d’arborer un masque de médecin, mais j’ai eu une révélation en partant en Asie, parce que j’y vais souvent. Arrivé là-bas, j’ai appris pourquoi on y mettait le masque. Les gens imaginent que c’est pour se protéger, mais c’est le contraire, tu mets le masque pour ne pas transmettre ta maladie. Et je n’ai pas envie de contaminer les autres avec mon flow. Il est trop puissant en fait. À côté de ça j’ai aussi envie de garder ma vie à moi, je suis détaché du rap, je n’attends rien de spécial en retour, de personne.
A : Dans le clip de « Fais moi voir » tu apparais grimé en Gucci Mane, tu as aussi remixé des titres de Young Thug et de Skepta. Venons en à tes influences musicales, quelles sont-elles ?
K : Pour ce qui est de mes influences musicales, je peux parler de la grime. Contrairement à ce que les gens ont tendance à imaginer, je n’ai pas fait un remix de Skepta parce qu’il est à la mode aujourd’hui. J’écoutais Skepta quand il avait 17 ans. Plus jeune, j’allais dans les raves, à Londres, où j’ai de la famille. Je voyais mes cousins au Maroc, je les voyais ici en France et chez eux, à Londres. Je suis arrivé là-bas en même temps que l’époque grime, à la période « Eskimo », Wiley, Roll-Deep etc. J’écoutais même So Solid avant ça, plutôt UK Garage. J’aimais la grime et quand je me suis mis dans la musique, je savais que je ferai quelques morceaux dans ce style. Donc le fait que je sorte ce remix à ce moment où Skepta est à la mode relève plus du concours de circonstances. Mise à part la grime, j’ai écouté essentiellement du son cainri. Etant donné que je parle anglais, je préfère écouter les gens dont je comprends les paroles et qui sont à la source. Si t’as une source à côté de chez toi, tu ne vas pas aller acheter une bouteille à Carrefour Market.
A : Dans « Résine » tu dis « Ils ont le même âge que Goldorak, ils me parlent de come-back »… Tu considères que le fait de rapper est désormais réservé aux jeunes, les autres ne pouvant pas suivre la cadence ?
K : Non, il n’y a pas d’âge pour rapper, tu peux faire du rap à 35 ans, mais il faut rester dans le bain. Si à un moment donné t’as eu un creux de quelques années, et que tu essayes de revenir, sois sûr qu’il y aura des jeunes, comme moi, ou plus forts si ça se trouve, qui viendront et prendront ta place. Et là c’est impossible de revenir dans le bain. On en revient à ce dont on parlait tout à l’heure, sortir des mixtapes en six mois. Maintenant on n’a plus le temps, plus personne n’a le temps. C’est juste par rapport à ça, puis j’avais envie de rimer avec Goldorak, parce que j’aime bien Goldorak.
A : Ça fait partie de tes inspirations extra-musicales ? On t’entend citer Goldorak, Raito Yagami, John Wayne, des mangas, des films des séries… ta musique baigne dans toutes ces références culturelles ?
K : Je dirais pas que ma musique baigne dedans, mais disons que si je regarde un manga, et que je me trouve une similitude avec le gars, je peux le citer dans ma musique. Par exemple Raito Yagami, je suis tout seul, comme lui. Je suis solitaire, et je pense être détenteur d’un pouvoir, qui est de tuer tout ce qui se trouve autour de moi. Malheureusement je suis victime de ça, ce n’est pas de ma faute, c’est pour ça que je garde mon masque, faire le moins de dégâts possible.
A : Et par rapport à « John Wayne » ? Parce que tu as tout de même été jusqu’à monter à cheval dans le clip du morceau !
K : Je ne le connais même pas, je sais à peine qui c’est, à part qu’il a joué dans des westerns. Mais ce n’est pas par rapport à ça. Je ne sais pas, ça tombait bien… Le cheval dans le clip, c’est plus une image. Puisque tout le monde a des Lamborghini ,des Ferrari dans ses clips, moi je ramène le cheval qu’il y a sur la voiture. Je ne le regarde pas en logo moi. Si ta voiture n’a pas d’essence, ça ne sert à rien, alors moi j’ai un cheval. Et les chevaux, il y a une relation à avoir avec eux, ce sont des aminaux qui marchent aux sentiments. J’avais envie de mettre un cheval dans une cité, je suis arrivé avec, en claquettes, puis je suis monté dessus. C’est pour dire que je suis tranquille, dans mon quartier, dans celui de tout le monde. J’aime bien tout le monde, et tout le monde me respecte.
A : Depuis quelques temps on assiste à un déferlement de groupes, de collectifs, surtout en région parisienne, au milieu de tout ça tu apparaîs un peu isolé.
K : Oui certes, je suis un peu isolé. Malheureusement c’est la vie qui fait ça. Je n’ai aucun ami dans la musique. À un moment donné ça a peut-être été un frein pour moi, pour débuter, sans contacts, mais maintenant je pense que c’est plus une arme qu’autre chose. Puisque mes amis ne sont pas dans la musique, ça me permet de m’évader, en plus je n’aime pas parler de musique en dehors de ce que je fais. Quand je ne suis pas avec mon masque, je ne parle pas de musique, il y a d’autres choses plus importantes dans la vie.
A : Tu es arrivé en pleine période trap, et tes thèmes sont largement similaires à ceux du style, pour autant tes placements, ton flow, tendent souvent à s’en détacher, non ?
K : Il faut savoir que trap c’est un état d’esprit avant tout, pas une façon de kicker. La France perçoit ça comme un kickage, mais ce n’est pas le cas. J’ai fait quelques titres, j’ai des instrus dans le délire trap. Mais après en avoir fait un ou deux, j’avais montré que pour moi c’était facile. Maintenant, ce à quoi j’aspire, ce n’est pas du tout faire de la trap. Après, si mes paroles s’en rapprochent, je ne le contrôle pas. Elles viennent de mon vécu, je n’ai aucune image à donner de moi, mon but c’est d’être le moins exposé possible. Je n’ai pas envie de briller, faut qu’on soit là pour ma musique. Je suis un débrouillard, pas un gansgter. Tout le monde en connaît des voyous, moi je suis juste un débrouillard, comme il y en a des milliers dans la rue. Mais leur truc c’est pas tous de rapper. On a le même état d’esprit, point barre. On se débrouille tout le temps.
A : Et cette débrouille, elle devrait te mener à faire quoi dans un futur proche, et à plus long terme ?
K : Un nouveau projet va arriver, sûrement d’ici très très peu [NDLR: la sortie en avril du projet Vréel a été annoncée quelques jours après l’entretien]. Tout ce que j’ai fait jusqu’ici, c’était de l’échauffement, que de l’échauffement. J’écrivais et j’enregistrais un morceau en une heure. Là je me donne une heure et demie, ça va être un peu plus fort. Puis pour le projet d’après, j’essaierai de mettre deux heures.
Kekra sera en concert ce mercredi 16 mars 2016 lors de la troisième édition des soirées Horizons.
je me rapl d’un mec qui disait un truc du genre « si t’es un batard tu peux garder tes commentaires »
bon, vous savez ce qu’il vous reste à faire
Lol le melon atomique
Il faut qu’ils se calment, tous ces mecs qui n’ont rien sorti et qui se croient déjà arrivés. Les réseaux sociaux ont fait beaucoup pour gonfler hors de mesure l’égo des débutants. Dès que lecs mecs ont trois likes, il pensent qu’ils vont conquérir le monde. Atterrissez!
J’aime bien l’état d’esprit toussa, mais franchement j’attend de voir le jour ou il misera sur la qualité plutôt que sur « produire un son en 1h » !