Furlax, près des étoiles
Interview

Furlax, près des étoiles

Étoile montante du rap francophone, Furlax développe des thèmes qui résonnent, comme la quête d’identité, une vision large du monde, l’ambition et la gente féminine. Rencontre avec un rappeur à la démarche artistique reconnaissable sur fond de jazzwave.

Photographies : Fabio Rabarot pour l’Abcdr du Son

Près des étoiles, du cœur des siens et de son public, Furlax est un explorateur des temps modernes. La vie a fait de lui un citoyen du monde, la musique un astronaute toujours à la quête d’une nouvelle planète et de nouvelles sonorités. Une curiosité et une soif d’apprendre dévorantes qui lui ont inspiré la création de la jazzwave : « Rencontre entre le jazz et la trap moderne. » Atteint d’une peur constante de l’échec, syndrome galvanisant d’une majorité d’artistes, Furlax a su se frayer un chemin particulier entre cinéma et musique, angoisses et rage de vaincre. La guérison n’est jamais très loin et impossible en même temps, tant ses aspirations s’inscrivent dans la grandeur infinie et éternelle du cosmos, le prisme par lequel il transporte son public depuis quelques années.

Son aventure astrale, notamment son voyage dans la galaxie Nebula, lui a permis de dévoiler ses différentes facettes, ses différents terrains de jeux : la trap, l’amapiano et le R&B. Diverses influences pour une âme encline à l’enrichissement de différentes cultures entre Évry et Johannesburg. Des arcs de vie complexes qui ont créé une authenticité 100% Furlax qu’il utilise à bon escient dans la musique comme dans le cinéma. Pour l’Abcdr du Son, Furlax s’est prêté au jeu d’une discussion rythmée autour de l’importance de l’aura – l’amour des gens qu’il a pu côtoyer et de son public, les caractéristiques de sa musique, sa carrière cinématographique, son rapport au monde et son dernier projet ASTRA NOVA sorti le 6 septembre 2024.


Abcdr du Son : ASTRA NOVA paraît plus lumineux qu’Etheria. Tu as déjà dit dans certaines de tes interviews que tu avais traversé une grande période compliquée dans laquelle tu étais en dépression, ce qui te provoquait des angoisses. Est-ce que tu te sens mieux aujourd’hui ? 

F : Justement là, je suis en train de guérir. Je suis en train de réaliser que ces projets-là m’ont un peu permis de faire mon deuil car j’ai eu le décès de mon grand-père cette année. C’est une personne qui m’a énormément aidé dans ma musique, qui m’a encouragé sur tous mes projets. C’est ironique, mais c’est dans mon processus de création, que ce soit pour Etheria ou même ASTRA NOVA, que j’ai remarqué que j’étais dans le déni. Je faisais quelque chose pour compenser une douleur. C’est comme ça que j’ai ressenti ça et c’est peut-être pour ça qu’il y a eu ce run de deux projets cette année. Ça m’a permis moi aussi d’essayer de penser à autre chose parce que c’était vraiment très dur. Ça l’est encore en vérité, mais je l’accepte plus aujourd’hui.

A : Aristote a dit : « Sans l’astronomie, l’homme ignore la place qu’il occupe. » Tu es un passionné de l’espace et du cosmos en général. Est-ce que cela t’as permis de savoir quelle place tu occupes dans ce monde ? 

F : Oui, parce qu’il faut relativiser. Vu de tout en haut, chaque être humain est super petit. Sur cette planète, on est rien du tout. Tous les conflits, toutes ces choses-là sont éphémères. Dans ma manière de voir ma musique, j’essaie de voir tout en grand. Je me dis que l’univers est infini, donc je ne vais pas me limiter à quoi que ce soit et je continuerai comme ça. C’est ma vision des choses.

A : Ton voyage stellaire a débuté dans ton projet ODYSSÉE [sorti en 2020, ndlr]. Est-ce que dès la première étape tu savais que tu allais continuer sur cette lancée ou le chemin s’est créé progressivement ? 

F : Le chemin s’est créé progressivement après ODYSSÉE. En vérité, le premier projet, c’était SIRIUS [sorti en 2018, ndlr]. Et celui-là a été, entre autres, enregistré et mixé par Nk.F [producteur et ingénieur du son mixage et mastering notamment connu pour son travail avec PNL, ndlr]. On le connaît aujourd’hui, c’est du très très lourd. C’est encore mon frérot, il me demandait les vinyles des récents projets et c’est super cool parce que c’est moi qui ai mixé l’essentiel, pas lui. Donc c’est lourd qu’il valide comme ça. Mais pour moi, ça, c’était vraiment le début de la DA. Après, j’ai eu une autre phase compliquée dans ma vie. Du coup, j’avais sorti un projet, KAIROS en 2019, qui lui, n’était pas forcément axé dans la DA « astronomie. » Et après, je me suis dit : « Non, je vais repartir dans mon délire en fait. » Tout commence avec ODYSSÉE mais tout prend forme pour moi à partir de Ad Astra [sorti en 2022, ndlr]. Je commence à vraiment capter mon délire à partir de ce moment-là. De 2020 à 2022, je fais énormément de sons qui ressemblent à ce que je faisais déjà en 2018. À partir d’Ad Astra, je redéfinis ma musique. Il y a une remise en question. Je me dis : « Attends, il faudrait peut-être que je commence à créer un délire ou peut-être trouver mon truc en fait. » Parce que tout le monde a son truc aujourd’hui, c’est la vérité. Que ce soit dans la voix, que ce soit dans l’interprétation, ou que ce soit même les gimmicks ou les choix de prods. Donc moi, je me disais : « Ok, moi vu que je suis compo, il faut que je me démarque forcément par mes productions. » Un jour, je me retrouve à scroller sur Internet, à regarder des vidéos et je tombe sur cette vidéo de Pharrell qui dit : « Si aujourd’hui tu veux vraiment marquer le coup avec tes prods ou même tes sonorités, il faut que tu crées ton propre genre. » C’est une phrase qui n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd et je me suis dit : « En fait, c’est vrai, il faut que je trouve une couleur et que je la mette en avant tout le temps. »

A : C’est d’ailleurs ce que tu fais avec la jazzwave. Comment tu la caractérises ?

F : C’est une rencontre entre le jazz et la trap moderne. Quand je dis le jazz, j’inclus aussi la soul, le blues et le R&B parce que ce sont toutes des sonorités un peu plus « musicales. » Quand je parle de la trap, j’inclus aussi le rap, le côté sale, le côté brut. C’est ça que j’aime en fait : cette rencontre entre les deux. Ça fait un contraste parce que tu as un truc un peu plus classique et un truc un peu plus brut derrière. Le jazz de base, c’est des artistes qui jouent ensemble dans un groupe, mais ils ne savent même pas ce qu’ils sont en train de jouer. Les gens ne savent pas, ils ne se rendent pas compte. C’est un truc de fou en fait. Le mec il joue un truc, il n’a pas joué ça la veille. Le mec qui joue au piano, il n’a pas joué ça la veille. Et c’est un peu ça aussi la jazzwave. C’est un peu cette rencontre d’éléments qui ne sont pas censés être ensemble.

A : Quelles ont été tes principales influences en tant que beatmaker pour créer cette couleur musicale ? 

F : Déjà, il y a énormément d’influences soul. J’aime beaucoup le blues. Il y a aussi les sons de jazz, les sons de Miles Davis. Il y a aussi des artistes rap qui m’ont énormément influencé comme Gizo Evoracci. C’est comme le parrain, il a son style. J’essaie aussi de faire progresser son truc. Il y a aussi l’amour de la musique. J’aime énormément les éléments organiques. Au bout d’un moment, j’ai remarqué qu’il y avait énormément d’électronique et je me suis dit que c’était dommage qu’on perde cet aspect organique dans nos prods qu’on retrouvait pourtant dans les prods old school. Et moi, je me disais : « Mais attends si on commence à allier les deux avec un truc un peu plus moderne derrière, peut-être que ça va permettre de créer un nouveau délire qui va plaire à l’ancienne génération et à la nouvelle. »

A : En parlant de Gizo, c’est un artiste qui parle énormément d’ambition et de hustle. Quelle est ta définition d’un hustler ? 

F : C’est quelqu’un qui se bat pour sa famille et qui essaie de s’en sortir tous les jours par tous les moyens possibles sans pour autant détruire les autres ou manquer de respect aux autres. C’est quelqu’un qui veut croquer la vie à pleines dents et qui croit en lui. Et pour moi, Gizo, ça a toujours été ça. Quand j’étais au collège, je me disais : « Mais ce mec, il est trop chaud. Qu’est-ce qu’il fait en France ? » En 2010, il dégaine des feats avec Nipsey Hussle, des feats avec Snoop Dogg. Sur le moment, je suis impressionné parce que vu que moi, j’habite en Afrique du Sud, je me dis : « Mais c’est ouf d’avoir un artiste comme ça en France qui a cette DA. » Au fur et à mesure, je me rends compte que c’est un des meilleurs artistes, qui n’a pas eu la reconnaissance qu’il mérite.

A : Ta première mixtape Godobé est sorti il y a presque dix ans. À ce jour, tu as neuf projets à ton actif. Comment fais-tu pour rester qualitatif et productif ? 

F : Je ne vais pas romancer le truc mais je pense que c’est le fait de… [réfléchit] que ça ne prenne pas. Tu as toujours faim, tu ne lâches pas. Tu te dis : « Attends, le dernier n’a pas pris donc vas-y, faut que je continue à envoyer, à envoyer. » Je n’avais pas ce truc où je devais… [réfléchit] je pouvais me permettre de prendre du recul. Une fois, un mec m’a dit : « Ralentis un peu. » Et je lui ai dit : « Mais je ne suis même pas riche frérot, comment veux-tu que je ralentisse ? » Les artistes qui ont eu un buzz avec un projet peuvent se permettre de ralentir. Mais nous, moi, à mon échelle, si je m’étais permis de ralentir, je n’en serais même pas là aujourd’hui, je ne serais même pas en train de te parler. Donc j’ai été obligé pendant une période d’envoyer, d’envoyer, d’envoyer, pour me faire remarquer. Je pense que c’est la dalle, de se donner les moyens de s’en sortir. La musique, ça a toujours été un exutoire pour combler quelque chose. J’en fais tout le temps depuis que je suis petit et c’est naturel pour moi. Dès qu’on va arrêter de parler, je vais me remettre sur l’ordi et je vais faire de la musique. Forcément, il y a une productivité qui émane de tout ça.

A : Avec la richesse de ton parcours et tout ce que tu as déjà pu produire, est-ce que tu as encore peur de l’échec ? 

F : Ouais, je pense que je l’aurai à vie… Je ne sais pas comment expliquer ça. Je pense que c’est typique d’autres artistes aussi, mais il y a le syndrome de l’imposteur. Tu es constamment en train de te remettre en question. Il y aura toujours ça tant que je n’aurai pas accompli mes objectifs finaux qui n’ont pas de limites. Donc, en fait, c’est impossible.

« La musique, ça a toujours été un exutoire pour combler quelque chose. J’en fais tout le temps depuis que je suis petit et c’est naturel pour moi. »

A : Est-ce que tu peux nous parler de So Far Records ?

F : C’est un groupe qui est composé de Cris Dope, qui est assistant de Nk.F. À l’époque, on rappait ensemble avec un autre artiste qui s’appelle Cromi. On avait construit ce groupe à trois, on faisait des sons un peu plus trap qu’on faisait déjà en 2012. Ça venait d’arriver. C’est à cette époque-là, justement, qu’on travaille avec Nk.F. On commence à enregistrer nos premiers sons et du coup, on se lie d’amitié tous ensemble, on enregistre tous ensemble. Ce n’étaient que des mecs avec qui on était au collège. Cris, aujourd’hui, il est devenu ingé [ingénieur du son mixage et mastering, ndlr] et So Far Records, entre-temps, est devenu mon label. Une belle histoire.

A : Est-ce que tu peux nous parler d’Akela qui apparaît, je crois, sur tous tes projets ? 

F : Complètement. C’est une artiste avec qui je travaille depuis un moment, depuis des années déjà. Elle m’a énormément apporté dans ma musicalité parce qu’elle bossait à côté de moi pendant que je faisais de la musique. J’ai aussi bossé sur ses projets, notamment le prochain. Là, justement, vu que je prévois de faire un gros projet avec elle, pas un projet en commun, un projet pour elle, il y avait aussi une envie de la mettre en avant. Je suis assez content de ce qui va arriver. Franchement, c’est une super artiste, super talentueuse. Elle a une approche de la musique qui me correspond. Elle apporte une certaine touche féminine. Maintenant, il y a Théodora qui est un peu dans ce délire-là. Un peu fun, tranquille. Tu passes un bon moment, tu kiffes.

A : Tu aimerais produire des artistes chez So Far Records ? 

F : Oui, c’est ça la finalité : arriver à avoir un studio et pouvoir mettre pas mal de choses en place, signer plusieurs artistes, créer des univers communs.

A : Tu as aussi de très bonnes relations avec Beeby depuis des années. Un artiste qui a aussi un lien particulier avec la cosmogonie. Comment vous vous êtes rencontrés et mis à travailler ensemble ? 

F : Ça c’est une belle histoire. [sourire] C’est quelqu’un qui kiffe le cosmos aussi qui nous a présenté en nous disant : « Je pense que vous allez vous entendre tous les deux. » [rires] Elle nous a mis dans une pièce. On a commencé à parler. Il m’a dit : « Je fais de la musique. » J’ai dit : « Ah ouais, tu fais de la musique, moi aussi je fais de la musique. » Je crois qu’à ce moment-là, on devait être en 2014, un truc comme ça. Du coup, je lui fais écouter quelques prods. Il me dit : « C’est super chaud. » On commence à bosser et de là, on se lie d’amitié, on s’accompagne sur plusieurs années, sur plusieurs étapes même de notre carrière. Beeby, c’est une fierté. C’est mon frère.

A : À quand l’album en commun ? Que tu avais annoncé il me semble il y a un an…

F : [rires] Là, tout de suite, si on veut parler actualité, déjà, demain, il va poster la cover de son projet. Et pour être proche de lui, sincèrement, je pense que c’est son meilleur projet. C’est le projet sur lequel tout le monde l’attend. Un projet assez complémentaire, plus de dix tracks, je crois. Donc des bons feats, etc. Il a énormément travaillé, il est un peu revenu aux bases, dans le sens où il s’est remis à kicker un peu plus sur quasi tous les morceaux. Et quand il kicke, il kicke ! Là, c’est la version upgrade de lui, avec une meilleure plume encore. Il voit aussi les choses qui changent pour nous, son entourage. Il est plus rassuré, il travaille avec son frère aussi [Luidji, ndlr]. Récemment, il a énormément travaillé sur sa tournée. Je crois qu’il a fait énormément de premières parties. Tout ça, en fait, c’est le momentum. Donc il termine ça et après, on fait le truc. Pour moi, c’est évident.

A : Tu as fait une interview avec Papoose en anglais ! Comment s’est faite la connexion ? 

F : On ne m’en parle pas assez ! [rires] Parce que Papoose quoi ! J’ai carrément un son avec lui. Pour t’expliquer, je suis dans une période de scènes en 2022 et TuneCore [service en ligne de distribution, d’édition et de licence de musique numérique, ndlr] me contacte et me dit : « On trouve que tu représentes bien notre image en France donc on voudrait t’inviter dans une espèce de villa avec plusieurs artistes européens qui sont chez TuneCore. » Donc t’as des artistes chez TuneCore Italie, TuneCore Espagne… Et Papoose en fait, c’est le CEO Hip-Hop de TuneCore USA. Il était avec nous pour nous assister et pour voir comment on bossait. On a passé quatre, cinq jours dans une villa à Ibiza. En plus c’est grave ironique parce qu’après je retournais dans mon appartement à Créteil. [rires] Je leur en ai parlé pendant qu’on tournait l’interview : « Ouais là je suis en train de kiffer mais je vais repartir dans la galère après. » On discute super bien et il voit le hustle. Il n’a pas besoin de parler la même langue que moi pour comprendre le hustle d’un autre frère dans un autre pays. Après, forcément, je lui fais écouter des prods. Donc on a eu le temps de faire un son que je n’ai jamais déclaré. J’étais très honoré d’être à côté de lui et d’avoir son respect d’une certaine manière dans mon hustle.

A : ASTRA NOVA dure presque une heure avec vingt morceaux contenant diverses interludes. Un format qui n’existe presque plus aujourd’hui… Est-ce que ça fait partie de ta manière de te démarquer ? 

F : Oui, complètement. Dans le projet, tu vois que je suis un peu versatile et ce n’est pas forcément évident de tout condenser sur une sonorité. Je ne veux pas forcément faire que de la trap tout au long, ou que du R&B ou que de l’afro. Par contre, j’aime bien parsemer tous ces morceaux qui définissent aussi mon identité. Finalement, il y a à peu près dix-sept morceaux sur le projet si on enlève les interludes. C’est comme ça que je le vois. C’est juste qu’en fait, j’ai énormément de facettes de moi que je dois exploiter. Je suis obligé de mettre toutes ces couleurs-là et du coup forcément le projet dépasse un peu plus. Les gens aujourd’hui aiment bien écouter des projets un peu chill de trente minutes ou quinze minutes. « Accompagne-moi au métro, s’il te plaît. » Mais moi, j’ai cet aspect un peu old school, où il y a des mecs aussi qui veulent écouter un projet pendant longtemps, ils veulent le laisser tourner. Ils se disent : « Ah, mais il est bien, il est cool quand tu le laisses tourner pendant une heure. » Et au final, tu t’accroches différemment à ce projet-là.

A : Est-ce que tu as conçu ce neuvième projet de manière différente ? 

F : Oui, parce qu’il y a eu le contexte aussi. Il y a la signature qui arrive au mois de juillet [deal de distribution chez Believe, ndlr] et la demande du projet qui doit arriver dans les mois suivants. Mais il y a aussi le processus dont je te parlais tout à l’heure, le décès de mon grand-père, il y avait énormément de choses. J’avais commencé à bosser le projet à en juillet 2023. Même à la sortie de NEBULA [sorti en août 2023, ndlr], je bossais déjà des sons. « Guap », par exemple, il était dans NEBULA. Il a été fait à la dernière minute et après j’ai dit : « Non, mais en fait il est trop récent, je ne peux pas le mettre dans le projet, je le garde pour le prochain. » Vu qu’après, j’étais un peu parti dans une phase compliquée, j’ai préféré sortir le projet Etheria [sorti en février 2024, ndlr]. J’avais gardé tous mes morceaux à sonorité un peu jazzwave, parce que je savais que les gens m’attendaient sur ce créneau. Donc ASTRA NOVA, je l’ai bossé toute l’année, de l’été 2023 à sa sortie en septembre 2024.

A : Tu as certaines phases techniques comme dans « Mojito & Weed » : « Smoke la cali dans la vallée des rois comme Ramsès. » Quel est ton processus d’écriture ? 

F : Pour être sincère, normalement je commence toujours par la prod. Dès qu’elle tape bien, là je commence à trouver des bouts de phrases. Tout part de la première phrase. Si j’ai trouvé la première phrase, tout va s’écrire et la première doit vraiment être importante. Dès que je me mets derrière le micro, j’ai différents processus. Soit j’écris sur la prod, soit je me mets derrière le micro et j’improvise directement une topline et de là je commence à écrire la phrase. Il y a énormément de morceaux que j’ai faits comme ça. Mais le meilleur processus pour moi c’est d’écrire sur papier ! C’est bizarre, mais ça donne une autre inspiration. Tu te concentres plus parce que tu ne veux pas faire de ratures. Tu essaies de réfléchir à vraiment quelle phrase tu vas écrire et ça devient un brouillon limite. Les premiers textes, c’est toujours des brouillons, tu écris des phrases, des mots aléatoires comme ça. Mais sur le papier j’écris énormément de bons textes. Après, j’écris aussi sur le téléphone, les deux fonctionnent.

A : Dans tes textes, tu parles énormément de la gent féminine. Quels sont tes liens avec celle-ci ? 

F : J’aime la gent féminine. Je ne vais pas m’en cacher. [sourire] Je pense qu’après, j’ai le côté un peu chill. J’imagine que je n’ai pas l’image d’un mec qui va te faire des problèmes ou des trucs comme ça. Je pense que ça va aussi avec ma musique, donc j’en joue. Je parle énormément d’amour, de quête de soi, de réussite. Donc forcément, dernièrement je me suis dit : « Vas-y, je vais condenser ça. Je vais parler un peu plus d’amour et de rap en même temps. Et je vais me créer une DA. » Tu vois sur toutes mes covers, il y a une femme. C’est une manière de dire, que tu sois une femme ou un gars, tu peux m’écouter. Il n’y aura pas de galère.

« Le meilleur processus pour moi c’est d’écrire sur papier ! C’est bizarre, mais ça donne une autre inspiration. Tu te concentres plus parce que tu ne veux pas faire de ratures. »

A : Tu es aussi actif dans le cinéma, on a pu te voir notamment dans les séries Lascars, Léo Matteï, Brigade des mineurs… Comment as-tu commencé ton aventure cinématographique ? 

F : Elle commence dans le RER D frère. [rires] Je suis en train de faire un freestyle de rap et je poste la vidéo sur Youtube. Je pars au bled comme ça pour y vivre et je reviens deux ans plus tard, je reçois un mail. Il y a un mec qui me dit : « Ouais, je suis tombé sur votre vidéo Youtube, est-ce que je pourrais contacter l’artiste Furlax ? » J’avais laissé mon mail sur Youtube. Et de là, j’apprends qu’Antoine Carrard [directeur de casting français, ndlr] avait cherché Willaxxx [humoriste et comédien français notamment connu pour ses imitations et parodies de rappeur, nldr] et il est tombé sur Furlax : un mec qui rappe dans le RER D. Du coup, il s’est dit : « Ce Furlax correspond plus au rôle que Willaxxx. » Il m’a contacté en me disant : « Ça serait pour passer un casting. » Je lui ai dit : « Mais moi je ne suis pas acteur, je rappe. » Il me dit : « T’inquiètes, tout ce que tu as à faire c’est apprendre ton texte comme si c’était un texte de rap. » J’ai dit « Ok » et je suis parti là-bas, j’ai passé mon premier casting. Il [Antoine Carrard, ndlr] a débloqué la chose comme ça en me faisant rapper d’abord. Ensuite, j’ai passé la scène et de fil en aiguille j’ai eu le rôle. Et de là j’ai continué.

A : Donc c’est Willaxxx qui aurait dû avoir ton rôle dans Lascars ?

F : T’as compris ? [rires] C’est grave drôle parce qu’on tourne ensemble dans la saison 2 après. Il fait un caméo dans la série. Du coup, tous les revenus que j’ai générés à ce moment-là m’ont permis d’accumuler du matériel, d’acheter mon piano, d’aménager un appartement, d’acheter un ordinateur. Ça m’a complètement permis d’avancer. J’ai pu commencer à constituer un peu ma base, briques par briques. Forcément je commence à kiffer le métier. Je me prends d’amour pour le cinéma, je commence à mieux apprendre mes textes, je commence à passer d’autres rôles, des castings, à atterrir dans plusieurs séries différentes. Dans Léo Matteï, Brigade des mineurs par exemple, mais j’ai arrêté là récemment. Avant, c’était plus évident de faire de la musique et du cinéma. Dans la musique il n’y avait pas forcément grand-chose qui se passait. Mais là, vu qu’il y a beaucoup de choses qui se passent dans la musique, c’est compliqué d’allier les deux parce qu’il y a des histoires de tournées, des histoires de clips etc. J’aime ce qui se passe dans la musique.

A : Tu mets de côté le cinéma pour le moment ? 

F : Pour le moment, non. C’est juste que je me concentre un peu plus sur les rôles que je vais avoir, idéalement. Si le projet me plaît, je vais aller dessus. Mais là, pour le moment, je pense que j’ai beaucoup à faire dans la musique pour confirmer quelque chose. Parce que ce qui s’est passé pour moi en un an, l’aura des gens que j’ai eu, c’est ouf de dire ça, mais je n’ai pas eu vraiment ça avec la télé. Je l’ai eu d’une manière différente.

A : Laquelle ? 

F : Je me rends compte que dans la musique, on me respecte d’une autre manière et dans le cinéma, c’est un peu plus compliqué. Parce qu’il y a d’autres trucs. Je n’ai pas un full contrôle. Je suis juste acteur. Je ne peux pas scénariser mon film. Je ne peux pas réaliser mon film. Dans la musique, je produis, je réalise, je peux mixer, je peux m’enregistrer. Donc c’est beaucoup plus facile de mettre un peu plus de lumière sur moi. Si j’arrive à mettre la lumière sur moi dans la musique, ça pourrait m’aider aussi, à contrario, pour le cinéma et la télé, pour avoir les rôles que je veux.

A : Tu parlais d’aura. Dans une de tes interviews, tu disais que ça faisait du bien de recevoir l’amour des gens. J’imagine que tu ressens moins cette énergie dans le cinéma que dans la musique. 

F : Ouais, complètement. Quand je tourne, au cinéma, je ne suis pas responsable de mon rôle, des répliques. Je peux les jouer différemment, mais le mec, à la fin, il a la décision. C’est le réal, c’est lui qui va dire : « Ouais, tu vas jouer comme ça », et puis c’est tout. Donc, forcément, le love, il est différent. Après, ceux qui me donnent du love au cinéma et à la télé sont quand même différents de ceux qui me donnent du love dans la musique. C’est des profils différents, des gens qui vont plutôt dire : « Ah, j’aime bien comment tu souris, j’aime bien comment tu interprètes. » J’ai capté que c’était aussi un aspect différent de ma personnalité qui était très propre à la télé et très propre au cinéma. Mais ce que j’aime avec la musique, c’est que je suis moi. Finalement, tu m’aimes pour moi. Si tu ne m’aimes pas, tant pis. Vu que je fais quasiment tout, que j’enregistre, que je compose, que je mixe, que je masterise, quand tu dis « J‘aime bien ta musique », tu ne sais même pas quel compliment tu me fais. Tu m’aimes vraiment pour ce que je fais et ça me touche énormément donc forcément, je le prends différemment.

A : Tu es arménien aux origines libanaises, congolaises et camerounaises, tu es né en Centrafrique, tu as grandi à Évry et à Johannesburg. Il n’y a pas plus citoyen du monde. Est-ce que ton ouverture au monde t’as permis de devenir toi-même à 100% ? 

F : Je m’en suis rendu compte au fur et à mesure des années. Parce que la Centrafrique, déjà, ce n’est pas la France, donc je grandis différemment. Après, j’arrive en France à Villeneuve-la-Garenne, dans une cité du 9-2, je ne sais plus c’était quoi. C’est une cité connue de ouf en plus. Je suis au dixième étage sans ascenseur. De là, je bascule en foyer avec la daronne à Évry, j’y ai grandi tout au long de ma vie. Après, je fais des bêtises, on me renvoie en Afrique [Johannesburg, Afrique du Sud, ndlr]. Je redécouvre une nouvelle vie là-bas, avec des anglophones, qui écoutent de la musique différemment, qui ne sont pas forcément dans des conflits comme on connaissait, ici, en banlieue. Je commence à redéfinir aussi mon identité pour être connecté à ces gens-là. De là, je rentre en France. Je dois m’installer sur Paris pour continuer mes études. Je fais les cours du soir. Je me suis refait des amis. Je me reconnecte avec d’autres personnes. Je commence à recréer une identité et à affiner la mienne. J’ai appris à être moi-même. C’est ironique, mais même le cinéma et la télé m’ont permis d’être moi-même. Parce qu’au bout d’un moment, tu dois t’abandonner. Tu dois comprendre que là, tu es en train de jouer un rôle. Là, tu es sincère. Tu arrives à le savoir toi-même. C’est un sacré exercice.

A : Dans l’interlude « Message d’AVA », AVA te prévient d’une future collision avec une petite planète qui rendrait ASTRA NOVA inhabitable. Cela annonce déjà un futur projet ? 

F : Oui, on ne va pas se mentir, c’est clairement une annonce pour un futur projet. Ça veut dire qu’on ne peut pas rester là-bas, on ne peut pas continuer à y vivre ou bâtir cette colonie malgré la beauté et la luminosité d’Astra Nova contrairement à Etheria qui était beaucoup plus sombre, froide. Je pense que le prochain projet sera forcément la fin du voyage et le début de quelque chose. Le but de tout ça, c’était de rentrer dans la galaxie Nébula. Dans laquelle, il y a plusieurs étoiles et planètes dont Etheria et Astra Nova qui ont des caractéristiques différentes. Astra Nova était plus sujette à avoir cette vie heureuse qu’on voulait créer avec les auditeurs, les gens, tous ceux qui sont dans le groupe, tous ceux qui aiment ma musique. Mais on ne peut pas y rester, c’est trop solaire, c’est trop bien. On doit repartir chercher un équilibre. C’est ce qui va arriver dans le prochain projet. Et c’est grave bien que tu aies mis le sujet de la gente féminine sur la table. Sur ASTRA NOVA, j’ai vraiment mis ça en avant parce que pour moi, c’est très typique de cette planète-là. La prochaine planète, ce serait logiquement l’album. En tout cas, le titre est déjà là.

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