Djimon
Auteur d’un
premier album 100% autoproduit avec des MCs rencontrés sur le net, Djimon
revient sur une expérience atypique, entre nécessité, envie et challenge
personnel. « Real shit ».
Abcdr du son : Présentation ?
Djimon : Je m’appelle Djimon. Pour retracer rapidement le parcours, j’ai commencé en 1993-1994 en tant qu’MC dans un groupe, jusqu’en 1996. On n’avait pas de son, alors j’ai commencé à être DJ en 1993. On a été pas mal dans les radios, notamment à Black Box, qui existe toujours. De là j’ai bossé avec le groupe La filiale. Et c’est vers 1997-1998 que j’ai vraiment commencé à peaufiner mon style. J’ai continué jusqu’en 2000 avec La filiale puis j’ai fait un break niveau son de presque un an parce que ça se passait pas super bien avec le groupe. Un mec qui s’appelle Watson m’a alors demandé de faire du son pour lui, sachant que j’avais complètement arrêté et il a réussi à me remotiver. Et donc depuis 2001 je n’ai pas arrêté.
A : Sur ta bio tu fais référence à toutes tes influences : Pete Rock, Jay Dee etc, Des producteurs d’une même époque. Pour toi c’est plus un son ou une période à laquelle tu t’identifies ?
D : C’est un peu des deux en fait. Au niveau de l’époque j’ai vraiment bloqué sur ce qui se faisait en 1996, 1997, 1998. Autant en rap ricain qu’en rap français. De ce côté-là c’est au niveau de l’époque. Et forcément au niveau des prods je me retrouve plus dans toutes ces prods disons East coast, tout ce qui est Primo, Jay Dee, Pete Rock. Plus que la west coast par exemple.
A : Sur les 16 titres de ton album, tu essaies de garder un style, malgré le fait que ça fasse « compil » ?
D : Ce que j’ai toujours essayé de faire en faisant du son c’est de ne pas me restreindre. D’avoir un panel de sons le plus large possible. J’essaie de ne pas me cantonner dans un style particulier. D’ailleurs ces derniers temps les dernières prods que j’aborde j’essaie de sonner un peu plus instrumental dans le sens acoustique. Et dans un autre côté j’essaie de m’attaquer à tout ce qui est R&B, tout en restant dans mon style.
A : Et niveau config, tu bosses avec quoi ?
D : Chronologiquement, j’ai commencé à bosser avec un vieux sampler Yamaha, un truc qui ne coûtait pas très cher. Ensuite je suis passé au S900, que j’ai toujours. Et actuellement je bosse avec un logiciel qui s’appelle Reason, qui sépare les pistes. C’est un logiciel super professionnel dans lequel tu retrouves tous les éléments d’un studio pro’. Je bosse avec depuis 2001. Récemment j’ai fait l’acquisition une MPC 2000XL, que je commence doucement à maîtriser. J’ai le temps je suis pas pressé
A : Par rapport à « Real shit », ton album, comment t’’es venue l’idée de sortir un disque avec uniquement des MCs ricains ?
D : En fait l’idée de base c’était de faire une mixtape avec des rappeurs que je trouvais sur les chats de Yahoo, sur le net. En fait ce qu’il y a de marrant sur les chats de Yahoo c’est qu’il y a des endroits où les gens peuvent parler et pas uniquement chatter. Je suis tombé sur une section où il y avait pas mal de rappeurs et je m’étais dit que j’allais essayer de rentrer en contact avec les meilleurs. Et j’ai vu qu’il y avait pas mal de MCs intéressant alors je me suis dit qu’au lieu de faire une mixtape pourquoi pas faire un album. Je me suis lancé là-dedans doucement en 2002, j’ai mis le temps qu’il a fallu en faisant tout par Internet, et au final ça ressemble plus à un album qu’à une mixtape.
A : Et pourquoi ne pas avoir choisi de collaborer avec des français, ça aurait peut-être facilité les choses parfois ? C’est un choix délibéré ?
D : C’est un choix délibéré….et forcé on va dire, car à l’époque où j’étais avec La filiale j’avais contacté pas mal de MCs français en vue d’un maxi. Il y avait le Saïan Supa Crew, Bauza de Time Bomb. Et ça avait pris pas mal de temps, ne serait-ce que venir sur Paris, capter les gars pour enregistrer. Et puis par rapport à mes prods et ce que j’écoute je me suis dit « pourquoi ne pas tenter ça avec des ricains ? » C’est une aventure à tenter dans le sens où ça m’a permis de voir la mentalité des ricains au niveau du rap. C’est un truc qu’il fallait que je fasse. Mais là il y a des français qui commencent à s’intéresser à ce que je fais et tout doucement ça suit son court.
« A la base je suis quelqu’un d’assez autodidacte, et quand j’ai vu que le temps que ça pouvait mettre avec les MCs je me suis dit que le maximum de choses que je pouvais faire par moi-même je le ferais. »
A : Il t’a apparemment fallu pas mal de temps pour sortir cet album, t’as eu de gros moments de découragements ?
D : J’ai commencé concrètement à travailler dessus en décembre 2002. Après de savoir si j’ai eu des moments où j’ai été découragé ? Ouais, on va dire que sur les trois ans c’était un jour sur deux. Un jour noir, un jour blanc. Vu que je faisais tout par internet, t’as aucun moyen de suivre l’avancement des morceaux et t’es pieds et poings liés à la bonne volonté du MC qui te fait le morceau. S’il a envie de mettre cinq mois, il mettra cinq mois et tu pourras rien faire d’autre si ce n’est en dernier recours de trouver quelqu’un d’autre.
Après au niveau des limites de temps, bien sûr j’avais une deadline mais elle n’a jamais été respectée. Et les MCs de leur côté ont leur vie et un petit français qui débarque et qui leur demande de faire un morceau, il le connaisse pas forcément ils ne savent pas ce qu’il y a derrière, il faut leur expliquer; c’est vrai que je me mets à leur place aussi. Maintenant si je devais rebosser avec des ricains je m’y prendrais autrement. J’ai été parfois maladroit. Si je devais le refaire je m’y prendrais autrement.
A : Avant l’interview, tu m’as dit que tu avais proposé à Pooh de Little Brother de poser sur ton album et qu’il t’avait demandé 1000 dollars pour un freestyle. Qu’est-ce que tu penses de cette attitude avec le recul ?
D : Franchement, le jour où on a parlé de ça avec Pooh, c’est vrai j’étais tout con. C’est un des premiers MCs à qui j’ai proposé de venir sur le disque. C’est vrai que le prix m’avait semblé abusé pour un freestyle de seize mesures. Seize mesures sur un album ça représente un peu près cinquante secondes, donc 1000 euros cinquante secondes, ça veut dire que derrière si t’es en indépendant faut que tu vendes 100 CDs pour payer ces cinquante secondes.
Pooh comme les autres, c’est un gars qui a fait le choix de ne pas bosser pour se mettre à fond dans la musique et d’en vivre. Sur le principe c’est justifié mais le prix est abusé. Mais bon, pour ce prix là j’ai pu avoir un morceau entier et inédit de Blaq Poet enregistré dans le studio de Masta Ace, donc voilà.
A : Justement ce titre avec Blaq Poet ça reste le morceau de l’album, tu peux nous raconter comment ça s’est passé la connexion et l’enregistrement en studio ?
D : En fait Blaq Poet je l’ai rencontré par l’intermédiaire de François Bonura, journaliste à feu Radikal, qui connaît pas mal de monde sur New-York et qui m’a dit : « Je peux t’avoir Poet, il n’y a pas de problème, il est disponible, je suis sûr qu’il aimera bien tes prods, il n’y a pas de soucis« . Ce qui est marrant c’est que j’ai même pas eu le temps de dire oui ou non qu’il m’avait déjà mis au téléphone avec Poet.
On a discuté, le courant est bien passé et on s’est checké au studio de Masta Ace, à Manhattan. On a passé à peu près une heure à écouter mes prods, à parler du contexte du morceau. Il voulait que je choisisse la prod sur laquelle il allait poser, je lui ai dit que c’était à lui de choisir, que c’était son morceau et ses lyrics. Il a donc choisit le beat qui est sur l’album, il a fait ça bien, ça s’est super bien passé, bonne après-midi. Rien à dire, si ce n’est que les mecs sont pas là pour plaisanter. Ça a pris trois heures, quatre maximum à traîner un peu dans le studio. L’enregistrement en lui-même a pris deux heures et demie.
A : Par rapport à l’enregistrement on voit un extrait vidéo sur ta page Myspace, on le voit répéter ses textes, comment ça s’est passé : il est arrivé avec un texte calé ou vous avez parlé du morceau et il a écrit sur place ?
D : Il a débarqué au studio avec ses lyrics et en écoutant les beats il essayait de voir celui qui correspondait le mieux. Et c’est vrai que celui qu’il a choisit c’est celui qui collait le mieux avec le son.
A : C’est un morceau qui aurait mérité de sortir en maxi, ça aurait peut-être permis de plus le faire connaître, c’est quelque chose qui t’a traversé l’esprit ?
D : C’est un truc qui m’a traversé l’esprit évidemment. J’en ai parlé à Blaq Poet, lui était d’accord il n’y avait pas de soucis. Après la question était de le sortir ou non en indé’, car c’est une autre histoire. J’avais pas les moyens de presser un vinyle, sachant qu’actuellement faut mettre 1000 euros pour cent unités, sachant que sur les cent y’en a un quart qui va partir en promo.
Après l’autre solution c’est le téléphone, pour démarcher les labels indépendants mais au jour d’aujourd’hui j’ai toujours pas eu de nouvelles ou alors des réponses négatives. Donc les gens qui veulent entendre le morceau de Blaq Poet devront acheter mon album, ce qui n’est pas plus mal [rires].
A : Tu parlais des labels que tu as démarché, quels retours tu as eu dans l’ensemble sur ce morceau ?
D : Pour le morceau de Poet c’est assez bizarre, c’est là que tu vois les générations dans le rap, surtout au niveau des auditeurs. On va dire que t’as la génération qui a découvert le rap en 2000, et donc cette génération là n’aime pas le morceau, en prétextant que les lyrics sont légers. Et t’as la génération de vieillards comme moi qui écoute du rap depuis plus longtemps et qui kiffe le morceau.
Donc c’est clair et net il y vraiment un clivage à ce niveau là, c’est radical. Je ne connais personne qui écoute du rap depuis 2000 et qui kiffe vraiment le morceau comme ceux de l’autre génération peuvent l’aimer.
A : C’est quoi, un problème de génération ?
D : Je ne sais pas si c’est un problème de génération, c’est le constat que je fais. Mais c’est vrai que les jeunes qui ont écouté ce morceau là, c’est le point faible de l’album pour eux. Et tous disent la même chose : « Le morceau est léger, le refrain est léger« . Alors que pour moi c’est un refrain qui est super simple à retenir, ultra fédérateur, et même qu’il dit mon nom dans le refrain ! [rires]
D’ailleurs pour tous ceux qui pensent que mon album est un album de remixes ils ont la preuve que non. Mais sinon, c’est un constat que je fais, les gens que je connais qui sont plus jeunes n’accrochent pas autant au morceau que les plus vieux.
A : Tu as des prods supers variées sur l’album, c’est quoi en général le retour que tu as dessus ? Il y a des morceaux qui sortent plus du lot ou alors on retient plus le rendu de l’album en général ?
D : C’est différent car certaines personnes apprécient certains morceaux, pour d’autres ce sera l’inverse. C’est un peu comme une histoire et c’est ce que j’essaie de faire avec mes prods : que tout le monde puisse se retrouver dedans et puisse apprécier. Tu en as qui vont kiffer toute la vibe Primo, Pete Rock, d’autres les sons plus jazzy et qui vont davantage apprécier le morceau avec 208 Dragons. Mais dans l’ensemble, ouais, j’ai de bons retours, après le truc c’est de faire en sorte que de plus en plus de gens l’écoutent. Parce qu’on croit beaucoup en l’indépendant, au bouche à oreilles, tatati tatata.
J’y ai cru pendant longtemps et c’est faux. Pour vendre il n’y a pas de secret il faut faire de la promo. Les gens vont pas se remuer pour toi alors il faut le faire et c’est le seul moyen d’avoir le plus de retour possibles sur le produit et que les gens te disent j’aime telle ou telle partie, j’aime tel morceau, j’aime pas tel morceau, etc.
A : Sur l’album tu as tout géré de A à Z : les prods, le mix, l’artwork, le site web, la promo, le démarchage, tout ça ça répond à un choix de tout gérer ou plutôt à une nécessité ?
D : A la base je suis quelqu’un d’assez autodidacte, et quand j’ai vu que le temps que ça pouvait mettre avec les MCs je me suis dit que le maximum de choses que je pouvais faire par moi-même je le ferai. Ce serait une manière de ne pas perdre de temps. J’ai donc contacté chaque MC, j’ai fait les prods bien sûr, le mixage des morceaux, sachant que j’ai fait ça avec très peu de moyens : j’ai tout fait au casque sur mon ordinateur, sans enceinte.
Ensuite j’ai trouvé le plan de distribution au Japon grâce à Soulstice, et celui pour le mastering à Detroit. Je pense d’ailleurs que sur le prochain album je ferai le mastering parce que j’aime bien tout ce qui touche au traitement du son et je pense avoir une oreille qui n’est pas dégueulasse. Dans l’ensemble, je sais ce que je veux et je sais où je vais. C’est plus facile que de dire « ouais je veux un son qui sonne comme tel groupe« .
Les mecs qui mixent en général ne connaissent pas trop car les ingés sons écoutent plus de rock que de rap. Si je leur dit que je veux un son fat et qui ait de la pêche, je suis pas sûr d’avoir ce que je veux. Je me suis dit que j’allais faire le truc moi-même, qu’il n’y avait pas de raison.
Au niveau de la qualité sonore de l’album je n’ai eu que de bons retours, et c’est vachement encourageant dans le sens où ça me pousse à continuer dans cette voie là : faire les prods et à leur donner la couleur que je veux.A : Tu parlais des ingés sons qui n’écoutent quasi que du rock et très peu de rap, qu’il y en a très peu qui sont spécialisés en rap. Ça a permis c’est sûr que des mecs comme RZA prennent tout à leur charge est définisse un propre son en gérant tout, mais dans l’ensemble on sent que ça pêche sur la plupart des albums.
D : C’est clair que dans l’absolu c’est ça. Je connais un mec sur Bordeaux, qui a fait des études d’ingé son, super balaise en technique, mais il est super théorique et il y a des trucs que je ferais sur un mix que lui ne peut pas faire parce que c’est tout simplement pas concevable pour lui. La musique ça reste de la musique, ça reste de la vibe et du feeling. Je pense qu’il faut pas se limiter en se disant qu’une basse on peut pas la monter à plus de temps de décibels, il faut avant tout laisser parler l’oreille et le coeur. C’est vrai que c’est un peu dommage que l’on n’ait pas beaucoup d’ingés sons en France qui soient spécialisés. Après c’est vrai que c’est un avantage qu’un mec qui fait du son puisse toucher à la table de mixage et aux effets pour donner à son son la couleur qu’il veut.
Mais je crois qu’il y avait un studio à Paris (Black Door), je ne sais pas s’il est toujours ouvert, où quasiment tous les artistes qui sont passés chez Hostile et Delabel ont enregistré. Je pense que les mecs qui ont bossés là-bas ont la capacité de mixer des albums rap comme ils doivent être mixés. Mais dans l’ensemble c’est difficile, il faut toujours être derrière les ingés et leur dire s’ils sont ou non sur la bonne voie.
A : Ton style est vraiment basé sur le sample, tu accordes combien de temps à la recherche de boucles ?
D : Je ne suis pas un gros digger, j’ai une vie à côté, je travaille et fais des études et je ne passe pas beaucoup de temps à chercher des samples. J’ai quelques références dans le temps, je cherche ce qui se fait entre 1968/1977, tout ce qui est soul, jazz etc… Après j’écoute, j’écoute, j’écoute… J’ai des potes qui passent plus de temps à écouter de la soul qu’à faire du son, c’est un choix mais je préfère faire du son. Mais sur l’album il y a un morceau à base de zéro sample, celui de Tanya Morgan. La seule chose que j’ai samplé c’est les kits, les éléments rythmiques, tout le reste c’est pas des trucs que j’ai pris dans la musique en tant que telle. Après tu as des gens qui vont se prétendre puriste et qui vont te dire qu’ils n’utiliseront jamais un synthé, jamais un clavier et qu’ils utiliseront toujours du vinyle.
Je pense que pour la musique il ne faut pas se donner de barrière. Pour moi la théorie du sample c’est qu’un jour on aura tout pillé et il n’y aura plus rien à sampler et on se retrouvera comme des cons. Je sample de la soul mais je ne sample pas que de la soul. Je sample de plus en plus de musique égyptienne, chinoise, de bande originales, de rock. Je pense qu’il faut rester le plus large possible au niveau de la production parce que comme pour le rap des mecs qui rappent leur journée sur le banc dans leur cité, au bout d’un moment c’est rébarbatif. Il ne faut pas se donner de limite, autant dans le rap que dans la production.
« Quand Jay Dee est monté sur scène en fauteuil roulant, c’était plus que mythique, une cérémonie, il n’y a pas de mot… »
A : Entre ce qui a été fait et que l’on ne connaît pas, ce qui a été un peu perdu, et surtout ce qui se fait dans des pays où ça s’est peu exporté et ce qui continue à se faire tous les jours, tu penses vraiment qu’on va arriver à saturation et épuiser les stocks ?
D : Disons que si tous les producteurs se cantonnent à puiser leurs samples dans la soul et dans le jazz, oui, on va arriver à zéro stock. C’est pas compliqué, quand je fais des beats, une fois par mois je fais écouter mes sons à des mecs, des ricains etc, pour leur demander ce qu’ils en pensent. Parfois ils me disent pour un titre : « Le sample que t’as pris il est cramé !« , alors que je le savais pas. Et c’est vrai que ça m’arrive vachement souvent de découper des samples et de me dire « merde celui-là il est utilisé, celui-là aussi »
A : Et tu te dis pas que tu peux aussi bosser ce son ?
D : Ouais, alors il y a deux possibilités : soit tu réutilises le sample en le mettant à ta sauce, comme ça m’ait arrivé de le faire pour l’album sur le morceau ‘Bottomless kids’ de Willmatic, où le son avait déjà été utilisé par High & Mighty. De la même façon le son de ‘The undefined’ a été utilisé après par 50 Cent. Ca me pose aucun problème de réutiliser des samples déjà grillés, mais faut savoir que derrière il y a toujours des mecs qui vont venir et dire Djimon il se fatigue pas, il utilise des samples qui sont déjà grillés.
Le problème c’est ça, les gens sont tellement submergés de musique par la radio, par l’Internet, les médias en général, ils téléchargent des albums à gogo qu’ils écoutent une ou deux fois…et au final ils sont devenus capricieux. S’ils n’entendent pas le truc qui est hyper original, ils vont zapper.
A : On peut parler de l’accès à outrance à la musique pour tu l’entendais, tu penses quoi du fait qu’on ne passe plus vraiment de temps à découvrir et s’approprier un album et de les empiler sur un disque dur et de se permettre de juger en mettant un dossier à la corbeille ?
D : C’est clair que ça a beaucoup changé. Quand j’achète un CD, déjà je l’achète, donc il y a un aspect financier qui fait qu’inconsciemment tu te dis « le truc je l’ai acheté donc je me sens un peu obligé de l’aimer« . Comme n’importe quel album il n’y aura pas que des tueries mais tu te sentiras obligé de l’écouter parce que tu l’as acheté. De la même façon que quand tu achètes, tu as moins d’albums donc tu vas passer plus de temps sur la musique que tu auras acquis. Non, pour moi c’est le syndrome de l’enfant capricieux.
Les gens n’ont plus le goût de la musique, et ce qui est regrettable c’est que maintenant les gens n’ont pas d’états d’âmes à télécharger des groupes indépendants. Je sais que mon album je l’ai vu en téléchargement un mois et demi après qu’il soit sorti au Japon, il était même pas encore disponible en France. J’ai eu l’occasion de parler avec des gens qui l’avaient mis en téléchargement et ça leur pose aucun problème de parler à l’artiste qui a sorti l’album et de lui dire « l’album est en téléchargement, je l’ai eu en téléchargement, il restera en téléchargement ». T’as beau essayer de leur faire comprendre qu’en indépendant t’as pas le budget de Jay-Z ou Johnny Halliday et que c’est vachement difficile de vendre des albums, pour eux c’est devenu naturel d’avoir de la musique gratuitement. Ce qui est marrant c’est qu’ils te demandent quand tu sors ton prochain album, et là tu leur explique pour un sortir un autre faut déjà vendre celui qui est dans les bacs.
Mais bon, c’est quelque chose qui, comme tout ce qui est gratuit, les journaux etc, est très vite rentré dans la tête des gens et c’est devenu une habitude. Tout le monde prend son gratuit avant de prendre le bus le matin, et tout le monde télécharge de la musique le soir en rentrant.
A : Tu ne penses pas qu’au-delà de la valeur financière il y’a surtout une perte de valeur par rapport aux choses. Le fait de pouvoir tout avoir en numérique et plus d’objet entre les mains, plus d’appropriation
D : C’est complètement ça. Quand t’as des CDs vachement vieux, tu les ressort de l’étagère et là tu les écoutes en boucle tout le week-end. Je te cache pas que je télécharge aussi, mais par contre ce que je télécharge, je l’écoute une ou deux fois, je le mets dans mon i-pod et voilà. C’est vraiment pas pareil. J’aime bien regarder la pochette, les lyrics, qui a produit, ça a l’air con mais je prends plus mon pied à écouter un album comme ça qu’en étant sur l’ordinateur en train de chatter ou regarder la télé. C’est pour ça aussi que maintenant tu as de plus en plus d’albums qui sortent avec des DVDs, parce que le DVD tu le retrouves pas encore en peer to peer et que ça reste encore un moyen qui fait que ton CD va vendre. C’est ça ou faire un maximum de scènes.
A : Tu poses une question sur ton Myspace alors je vais te la poser à mon tour : « Mais en réalité, qu’est ce que le rap, d’une façon générale…? »
D : [rires] Je vois que le blog va très vite ! Je me posais cette question parce que je me rends compte que sur pas mal de forums de groupe de rap, en général les fans aiment le groupe dont ils sont fans et c’est tout. Et je trouve ça dommage et je me suis demandé ce qu’était le rap. Est-ce que c’est des clans ? Est-ce que c’est segmenté ? Est-ce que je suis dans le rap parce que j’écoute de l’underground ? Je me dis que non le rap c’est ni plus ni moins qu’un moyen de s’exprimer, il n’y a qu’à voir tout simplement de quoi c’est parti. C’est un moyen d’expression : tu peux t’exprimer en étant underground, en étant mainstream, en étant d’Alaska. Le rap c’est plus global.
A : Pour être encore plus global, on parlait de Jay Dee au début de l’interview, je voudrais connaître ton point de vue par rapport à la façon dont a été composé son dernier album, Donuts, d’un point de vue musical et humain…
D : Ça m’a pas laissé indifférent de voir partir des gens comme Jay Dee qui sont de vrais passionnés. Il faut savoir que cet album là, il l’a composé sur son lit d’hôpital, en faisant ramener son matériel et ses skeuds. D’une façon ça donne espoir, tu te dis qu’il y a encore des gens qui sont connus dans le milieu du rap qui ont encore cette passion. Je l’ai vu quand il est venu à Paris avec Phat kat et Frank N Dank.
Pour moi c’était un moment mythique dans le sens où le public s’est ouvert comme la mer d’Egée s’est ouverte devant Moïse. Quand il est monté sur scène en fauteuil roulant, c’était plus que mythique, une cérémonie, il n’y a pas de mot… Et cet esprit là tu le retrouves seulement quand les gens sont passionnés et c’est clair que Jay Dee c’est quelqu’un qui va vraiment manquer dans le rap…
A : Des projets pour les mois à venir ?
D : Le prochain projet que j’ai en tête c’est de faire comme Real shit mais en version française, mais ça sera pas la traduction française de Real shit ! Je commence à faire un petit tracklisting dans ma tête.
A : Tu as des noms d’MCs à donner ?
D : J’ai juste un nom parce que la personne m’a demandé si elle allait être sur l’album. C’est quelqu’un que j’estime beaucoup et que je côtoie depuis deux mois: Oxmo Puccino. Je l’aurai coûte que coûte sur mon album. Pour le reste je vais pas trop m’avancer.
Après, j’écoute IAM, la clique de Time Bomb, Oxmo, les X-Men, Lunatic… En plus récent j’écoute du Bunzen, du Triptik… Donc je vais plutôt faire ça avec des gens qui me tiennent à cœur plutôt qu’avec des gens qui sont sur le devant de la scène actuellement.
A : Pour finir, c’est quoi les sons qui tournent chez toi ?
L’album d’Hocus Pocus, les albums d’Oxmo et en ricain un nouveau morceau de Royce da 5 »9, ‘The ring’ produit par Preemo, le dernier Pete Rock. Après tout ce qui est Jay Dee, du Dre de temps en temps.
A : Un mot pour finir ?
Ouais, pour ceux qui veulent plus d’infos : www.djimon.net et mon Myspace www.myspace.com/djimon avec quelques beats et remixs à écouter. Et si vous me croisez en concert en train de distribuer des flyers, hésitez pas à me saluer, ça fait toujours plaisir. En attendant merci à l’Abcdr du Son.
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