Aupinard, averse musicale
Interview

Aupinard, averse musicale

Aupinard est tombé amoureux de la bossa nova à 16 ans et s’est d’abord fait connaître par ses covers sur les réseaux sociaux, avant de s’émanciper en solo. Pour la sortie de son nouvel EP, il raconte à l’Abcdr du Son sa fusion unique de bossa avec des influences R&B et rap.

Photographies : Brice Cassagn pour l’Abcdr du Son.

Depuis sa découverte de la bossa nova à 16 ans, Aupinard façonne sa musique et ses influences autour de ce genre et plus largement encore. Entre influences brésiliennes et identité propre, ses compositions reflètent une quête d’authenticité et de renouveau musical. Il se distingue rapidement par sa fusion unique de la bossa nova avec des influences RnB et Rap, créant ainsi une musique à la fois moderne et empreinte de nostalgie.

C’est en 2020, durant le confinement, que le bordelais commence à partager ses compositions sur les réseaux sociaux, notamment TikTok, où son style unique attire rapidement une large audience internationale.

Avec son EP Pluie, montagne et soleil sorti en février 2025, le Bordelais souhaite offrir quelque chose de différent en mélangeant d’autres styles musicaux. Aupinard se livre sur son parcours, ses inspirations et son approche créative: Rencontre avec un artiste en pleine effervescence.


Abcdr du son: Est-ce que tu peux m’expliquer dans quel environnement musical tu as grandi?

Aupinard: C’était assez calme, il n’y avait pas spécialement de musique qui tournait à la maison et j’ai dû carrément me faire ma propre éducation musicale moi-même. C’est-à-dire que de mon plus jeune âge à mes 14 ans, j’ai écouté ce qui était trendy, ce qui était commercial quoi. Puis à partir de 14 ans j’ai compris que ce que j’aimais ne se trouvait pas spécialement dans les choses qui se faisaient entendre à la télé ou ce qu’écoutaient mes potes. C’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à vraiment travailler sur ma propre culture musicale. 

A: Tu avais conscience d’un manquement par rapport à ce qu’il y avait à la télé ou à la radio? Tu te disais « j’ai pas encore trouvé ma voix, j’ai pas encore trouvé ce que j’aime vraiment dans la musique. »

Aupinard: C’est à partir du moment où j’ai vu qu’au sein des  gens de mon âge il y avait des chansons qui étaient appréciées et que moi je comprenais pas, que je me suis dit peut-être qu’il est là le problème, peut-être que moi c’est pas ça mon style de musique. Parce que je voyais qu’il y avait des chansons que tout le monde appréciait, moi je comprenais pas trop pourquoi. C’était bien pour eux. J’ai compris qu’il y avait des musiques qui parlaient à tout le monde, des musiques plus globales, mais que moi les musiques globales généralement ça ne me branchait pas. J’étais un musicien à l’époque donc j’avais déjà une sensibilité un peu plus fine au niveau de la musique et j’ai dû me chercher après. 

A: Est-ce que c’est pour ça que tu t’es mis à apprendre à faire de la guitare ? 

Aupinard: Non du tout, la guitare c’est juste que j’avais un pote qui en faisait bien et ça m’avait donné envie d’en faire. J’en avais une chez moi et j’ai commencé à apprendre sur internet quand j’avais 12 ans. 

A: Tu écoutais du rap quand tu étais un peu plus jeune ? 

Aupinard: Oui, j’en écoute toujours aujourd’hui. J’ai toujours écouté du rap, la première fois où j’ai essayé d’écrire un texte, c’était quand j’étais en cinquième et c’était du rap. J’ai grandi avec ça, parce qu’on grandit avec le rap dans les quartiers un peu plus populaires. J’ai grandi avec Sexion d’Assaut, Black Kent – un artiste de Bordeaux à l’ancienne. »

A: Il y avait du rap américain aussi?

Aupinard:  On a découvert le rap US en 2015 avec Young Thug et Kendrick Lamar surtout. Kendrick Lamar à l’ancienne je n’aimais pas spécialement ses sons mais je le trouvais trop stylé ce mec, donc j’écoutais le son « I » de Kendrick et “King Kunta” aussi, j’avais bien aimé le clip. C’était à l’époque où les clips étaient encore diffusés à la télé mais c’est arrivé en 2015, 2016. Après quand j’ai commencé à faire du skate en 2016, là j’étais plus dans cette culture américaine, donc on écoutait du Rap US.

A: Dans tout ça, qu’est-ce qui t’a donné envie de faire tes propres chansons ?

Aupinard: En 2020 pendant le confinement je faisais des chansons de type parodique, je reprenais des chansons connues et je rajoutais des paroles pour faire rire. Il y avait une fille que j’aimais bien à l’époque, c’était mon crush, elle avait envoyé ma vidéo à une pote qu’on a en commun, elle avait dit « mais il chante bien ton pote » et je me suis dit « Moi je chante bien? ». C’est à ce moment là que je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire. C’était juste un truc dans un coin de ma tête et j’avais un ami à l’époque aussi, en 2020, qui faisait de la musique. Il m’avait appris à me servir de garage band etc. C’est comme ça que je me suis dit « je vais peut-être essayer de dire de vraies paroles » donc pourquoi pas essayer pour de vrai. Ça a commencé avec de la parodie, après c’était de la reprise et ensuite c’est devenu mes propres paroles.

A: À quel moment est venu le déclic de faire de la musique puis ensuite les diffuser?

Aupinard: C’était compliqué de les sortir parce qu’en plus, pour revenir de là où je viens, c’était compliqué de faire de la musique où tu fais de la guitare, où tu chantes, où tu parles de filles, de cœurs  brisés, horrible. Tu te fais juger et moi j’avais commencé à me faire juger en 2014, j’avais à peine 12 ans, ça me jugeait parce que je faisais de la guitare. Mais à un moment donné je me suis dit « si je le sors là, maintenant, peut-être que ça va être durer pendant deux jours où je vais me faire vanner, mais si demain ça prend je serai content ». Donc il y a un moment donné où j’ai appuyé sur publier, c’était dur. Surtout la première vidéo que j’ai publié et où j’avais conscience que ça pouvait être compliqué parce que c’était une cover. Une cause qui me tenait à cœur, c’était par rapport à George Floyd aux Etats-Unis, j’avais fait une reprise de « Heaven » de John Legend. C’est une chanson qui est destinée à une femme de base, mais les paroles se prêtaient bien au contexte actuel avec les Black Lives Matter. Parce que même si tu veux juger, il faut vraiment ne pas avoir de sens pour juger ce que je fais, sachant que je l’ai fait sur une cause à laquelle les gens que je connais tiennent. Il fallait que je m’exprime dans tous les cas et que je m’impose.

A: Ça a été ta transition ? 

Aupinard: Ouais. Ça m’a servi de transition.

« Quand j’ai sorti un morceau comme « Quel type de vibe », ça disait encore que c’était de la bossa. Alors que c’est tout sauf de la bossa. »

A: Je crois que le titre « Le remède » de Luidji, a été un morceau important dans ton parcours, pourquoi ?

Aupinard: Parce que j’écoutais de la bossa depuis 2016, au moment où je refaisais ma culture musicale, où je cherchais mon identité musicale en me demandant qu’est-ce que j’aime, qu’est-ce que je n’aime pas, vers quoi je penche. J’avais découvert la bossa avec João Gilberto, sauf que j’avais aussi appris à jouer à la guitare. Au moment où je commençais à chanter un peu dans ma chambre, je ne chantais pas de bossa parce que je ne comprenais pas trop le portugais. Puis un jour, je regarde mes stories Instagram et je vois qu’il y a une fille que je suivais à l’époque qui avait mis « Le remède » en story. Je me suis dit « Mais je connais cet artiste vite fait, je connais ce style musical, c’est en français ?  Je savais même pas qu’on pouvait le faire en français.” Donc, je me suis dit que si Luidji s’était mouillé, moi aussi je pourrais le faire. En plus de ça, j’écoute de la bossa depuis déjà 3 ans. C’est de là que j’ai commencé à reprendre ses chansons.

A: Voir quelqu’un qui a débuté avec un autre milieu musical (du rap comme Luidji) faire de la bossa nova, ça t’a inspiré aussi ? Tu t’es dit « je peux le faire »

Aupinard: Faut pas se poser de questions. C’est à partir du moment où tu commences à trop réfléchir dans la musique, que c’est là où tu te restreins le plus. La sincérité, peu importe ce que tu vas faire comme cycle musical, et puis même si demain c’est plus la musique, c’est plus le dessin, bien évidemment il y a une période transitoire comme pour tout sauf qu’à partir du moment où le coeur y est, je pense que ça se ressent au travers d’une oeuvre, quelle qu’elle soit. Après, bien évidemment, il faut que dans ta discographie, il y ait une certaine cohérence, que la transition soit la plus douce possible, même s’il y en a qui font les  brutes. Je pense que c’est pas un truc auquel il faut méditer, je pense qu’il n’y a pas besoin de réfléchir pour ce genre de truc. 

A: T’avais aussi remercié et posté une photo de toi avec Mohamed Ali, le fondateur du label Foufoune Palace, et le manager de Luidji. Est-ce que Foufoune Palace et/ou Luidji t’ont aidé un peu dans ton processus musical ? 

Aupinard: La première fois que j’ai capté Luidji, j’écrivais encore des chansons pour écrire des chansons, et pas pour raconter des histoires vécues. C’est un peu pour moi, l’échec de mon premier EP, c’est que j’ai pas été sincère à 100%. Je n’ai pas vraiment véhiculé ce que je voulais véhiculer. Avec Luidji, la première fois qu’on s’est vu, tous les titres étaient bouclés. Mais on a fait le constat que les sons qui me parlaient le plus, c’est des sons qui sont basés sur des idées. Il ne faut pas se méprendre, on a eu une grande discussion de 4 heures, je pensais que j’allais faire un feat avec lui, alors qu’on n’a pas fait de son. J’étais un peu dégoûté au début, mais cette discussion m’a fait gagner 5 ans de ma vie. Aujourd’hui, je suis sincère à l’intérieur, je parle avec le cœur, et c’est ça qui touche. A partir de ce moment-là, c’était un travail, comment je vais faire pour raconter des vraies choses dans mes textes? Comment je vais faire en sorte que, de par mon histoire, de par mon vécu, les gens qui m’écoutent puissent se sentir représentés et puissent s’identifier à ce que je fais. Et ça, ça a changé mon processus musical. 

A: Après, tu étais plus jeune aussi ? 

Aupinard: Oui, quand on s’est rencontré, j’avais 20 ans, là, j’en ai 23. Il avait ce recul, c’est quelqu’un qui a vécu la même chose que moi, nos vies sont similaires pratiquement à quelques années de différence. 

A: Tu t’es vu en miroir dans ce que lui, il a fait, mais en plus décalé. 

Aupinard: Exactement. C’est carrément un grand rêve et Mohamed, du coup, c’est pareil, il m’a tellement éduqué. C’est vraiment deux personnes qui m’ont fait grandir. C’est beau. 

A: Comment t’expliquerais la bossa nova en quelques mots et pourquoi toi, ça t’a autant parlé ? 

Aupinard: La bossa c’est l’amour, c’est la nostalgie aussi, c’est chaleureux. En, en faisant, je me suis rendu compte que ça pouvait englober beaucoup de sentiments. La déception par exemple, c’est ce que j’ai fait dans l’Aupitape 1. Je l’ai un peu moins fait dans l’Aupitape 2 parce qu’il fallait que je puisse m’en détacher un peu. C’était vraiment ça. Je pense que la bossa est un large spectre dans lequel tu peux t’exprimer en parlant d’amour.

A: Est-ce que tu peux décrire ton processus de création, comment tu composes par exemple?

Aupinard: Aujourd’hui, pour que j’écrive ou que je compose, soit ça vient comme ça ou alors il faut que j’ai vécu des choses pour que je puisse avoir le recul de les mettre sur papier. Après, ça va de soi. Les sons parlent d’eux-mêmes. Par contre, c’est pas pour autant que je m’interdis d’écrire des sons de manière spontanée. C’est-à-dire qu’il y a des moments où un son comme « Penelope », c’est celui qui fonctionne le plus mais c’est aussi celui qui a le moins de fond. Il a une forme, avec des adlibs, des petites vibes… Mais en réalité tu n’écoutes pas « Penelope » en te disant « Ah ouais, il a carrément raison ». C’est juste une vibe. Il ne faut pas s’en empêcher. Il faut kiffer. La musique, c’est aussi fait pour kiffer. Je pense qu’il y a plusieurs cases à cocher. Avec un son, on ne peut pas cocher toutes les cases. Il faut savoir nuancer un petit peu.

A: Comment arrives-tu à fusionner différents styles musicaux ? Parce que c’est un peu ce que tu as fait sur cet EP.

Aupinard: Moi, je suis compositeur aussi à côté. Un son comme « Si belle dans l’appareil » ou comme « Le feu », ça partait de moi. Du coup, ce qui s’est passé, c’est que j’avais besoin de parler de quelque chose qui m’était arrivé. Même « Les rêves sont dangereux » aussi, c’est une compo perso. J’avais besoin de  raconter des choses en particulier. Mais pour les raconter, il fallait une espèce d’enveloppe assez cohérente. Je ne peux pas raconter ça sur n’importe quelle prod. Je ne peux pas raconter ça parce que les paroles ont du sens, mais il faut que les instru suivent le cours des mots. J’ai donc dû composer à ce moment-là. Par contre, il y a des prods que j’ai reçues comme « Pénélope » où je n’ai pas grand chose à dire, mais par contre, je peux y aller quand même parce que ça me parle. Ça dépend.

« La bossa c’est l’amour, c’est la nostalgie aussi, c’est chaleureux. En en faisant, je me suis rendu compte que ça pouvait englober beaucoup de sentiments.  »

A: Tu penses que tu essaies de créer un peu ton propre style de French Bossa Nova? 

Aupinard: Je suis plus un mood, pas vers la bossa ou quelque chose en particulier. J’estime que le R&B aujourd’hui, ce n’est même plus un style musical, c’est plus un mood. Ce n’est pas créer un mood, c’est juste être enfermé dans une case, mais une case assez large quand même, où je peux m’exprimer et que ça me ressemble aussi. 

A: Dans ton dernier EP s’intitule Pluie, montagne et soleil, d’où est venue l’inspiration de ce thème? 

Aupinard: Par rapport à mes histoires perso, tout simplement. La pluie, c’est ces périodes un petit peu chiantes qu’on a tous vécu en amour. Après la première expérience, en l’occurrence, tu as une espèce de période pluvieuse où tu sais que ça ne va pas. T’as l’impression que tout le monde est contre toi, qu’il n’y a rien qui va. Les montagnes, c’est le moment où tu te dis « vas-y, là, il va falloir que je me mette une déterre, il va falloir que j’y aille ». Une période chiante où tu retiens tes pleurs. Le soleil, c’est ce beau jour où tu te réveilles et tu souffres beaucoup moins. Il te reste bien évidemment des séquelles. T’as encore un petit peu mal au cœur, mais tu n’y penses plus tous les jours. Ça va mieux. Le soleil, ce n’est pas toi qui décides de quand est-ce qu’il arrive. Par contre, toi, ce que tu peux décider, c’est d’aller de l’avant, de passer de bonnes journées, de voir des gens, d’extérioriser ou d’intérioriser. Ça dépend de tout un chacun. Ce projet-là, c’est juste la météo de l’amour en fait, en tout cas du premier chagrin. Parce que Aupitape 1, c’était vraiment la « Belle vie, tout va bien ». Mais Aupitape 2, il n’y a pas que ça. La fin de l’EP est beaucoup plus solaire que le début. C’est beaucoup plus splendide. D’autant plus que le tout premier son, on dirait vraiment une tempête avec les accords de guitare. C’est vraiment ce qu’on a voulu harmoniser. 

A: Oui, sur le titre “Penelope” on sent quelque chose de différent, comme si tu avais envie de bien faire les choses. 

Aupinard: Exactement. Faire les choses différemment. Le mood du son c’est ça. On est souvent amené à idéaliser notre première relation alors qu’au final, la première relation, c’est celle qu’on idéalise le plus certes, mais c’est celle qui nous fait le plus grandir aussi. Donc suite à la première, on sait ce qu’on veut pas pour la seconde. Une fois que tu es sorti du goumin. Du coup, tu abordes les choses différemment. C’est vraiment ce que j’ai essayé de faire avec “Penélope”. Je la vouvoie, c’est différent. Il y a de la découverte, tu te poses des questions. Tu ne sais pas trop qui c’est, quel visage elle a. C’est un peu flou. 

A: Sur le titre « Un jour ou l’autre », tu dis “j’étais pas le renoi le plus stylé du lycée, elle préférait mes potes, blond, brun et métissé (…)”. Ces paroles me rappellent le titre « ALEXIS » de Luidji. Est-ce que c’est une chanson qui t’avait marqué ?

Aupinard: Je n’avais pas écrit ces paroles-là par rapport à ça. Je pense que c’est les paroles que j’ai le plus hésité à mettre dans l’EP. Parce que je trouvais qu’elles étaient très Luidji. Parce qu’il avait abordé le sujet quelques mois auparavant.

A: Oui, mais si vous avez le même vécu, c’est ton droit.

Aupinard: Ouais, mais c’est la situation de plein de noirs en France. Sachant que moi, en plus, c’est dans le privé. C’est encore plus complexe, parce que de la cinquième au bac +2, j’étais le seul noir dans la classe, à chaque fois. Donc… il fallait que j’en parle, parce que ça fait partie de mon vécu. Quand je fais des références, elles sont un peu plus assumées.

A: J’imagine que son titre t’avait peut-être fait du bien? Le titre n’a pas forcément inspiré à toi, écrire ce truc-là. Mais est-ce que toi, quand tu l’as entendu chanter, tu t’es dit « Ah, il a écrit mon truc. »

Aupinard: Non, pas sur celui-là. Peut-être que c’est lui qui m’a donné l’impulsion pour me lancer sur ce titre-là. Peut-être que j’aurais pas abordé ce sujet s’il l’avait pas fait “ALEXIS.” Je sais pas.

A: Tu fais du rap sur « Esquisse ». Il y a de l’électro sur « Je t’ai regardé partir ». Est-ce que t’as essayé d’aller vers d’autres inspirations musicales ? Qu’est-ce qui t’a inspiré pendant la réalisation de l’EP ?

Aupinard: C’est bien de choquer de temps en temps. Mon électro, j’avais déjà fait un truc un peu plus house avec Fly, l’année dernière. Mais c’est bien de poser une brique comme ça, comme « Esquisse. » Tu te dis « Ah oui, ça change ». Et demain, par contre, si je fais un morceau rap avec La Fève par exemple, tu m’auras déjà entendu comme ça. C’est pas un truc en mode « Ah ouais, le mec il change pour tel artiste ou quoi ». C’est juste ce que je fais aussi. Un titre comme « Esquisse », j’avais besoin de parler. J’avais pas besoin de chanter. C’était vraiment une discussion. Comme dans « Si belle dans l’appareil », il y a un moment où ça s’arrête et je parle un peu plus, parfois un peu chanté. Il y a des moments où t’as juste besoin de parler. 

A: T’as pas envie qu’on t’enferme dans la bossa nova, je pense. 

Aupinard: Non, absolument pas. Parce que c’était le problème du début. Le renouveau, le nouveau héros de la bossa nova, etc. Quand j’ai sorti un morceau comme « Quel type de vibe », ça disait encore que c’était de la bossa. Alors que c’est tout sauf de la bossa. Il n’y a rien de bossa dans « Quel type de vibe ». Tout ce que je faisais, c’était bossa novaesque. Il faut que ça détache de ce truc. Parce que la bossa, ça restreint, malheureusement.

A: Justement, j’avais remarqué en préparant l’interview que beaucoup de titres d’articles, disaient « Héros de la bossa nova », « Figure », « Ambassadeur », etc. Qu’est-ce que t’en penses de cette étiquette?

Aupinard: On ne peut rien leur dire parce qu’à l’instant T, c’était le cas. Un petit peu. Tu sais, genre… Luidji l’avait fait avant, mais il l’avait pas approfondi. Lui, c’était vraiment juste sa vibe du moment. Tiens, il est allé au Brésil et il a entendu parler de la bossa, on va faire de la bossa. Moi, je voulais faire le truc, que le truc y revive parce que j’aimais beaucoup la bossa. Du coup, c’est tout moi, texto. Et après, il a eu une jolie portée nationale quand même. C’était mon premier titre qui est passé en radio, que j’ai même entendu parfois en faisant mes courses. Le truc, c’était un peu mort depuis Henri Salvador. Puis t’as un gars qui a la hargne et qui veut remettre ça au bout du jour. Donc c’était plus facile. Après le problème, c’est que ça restera beaucoup dans le temps, j’ai cette étiquette au début, ça va être compliqué de l’enlever je pense. Ça va prendre un peu de temps, mais c’est pas impossible.

A: Quelles sont tes influences de manière générale en dehors de la bossa nova? Qu’est-ce que t’écoutes et qui te parle ? 

Aupinard: J’écoute absolument de tout. J’ai pas de style en particulier, j’écoute vraiment de tout. Du rap, de la soul, du R’n’B. De l’électro. 

A: Tu as des artistes francophones à citer, par exemple ? 

Aupinard: En ce moment, j’écoute beaucoup Ino Casablanca. J’ai beaucoup aimé son dernier projet. Tuerie, Luidji, Sage Pee aussi. Des gars du Foufoune Palace. Zamdane, Nilusi, La Fève, Jahiem Solo, Oscar Emch, Feel, 8Ruki, Enchantée Julia, Prince Wally, Hamza… Il y a vraiment de tout.

« Un titre comme « Esquisse », j’avais besoin de parler, pas chanter. Il y a des moments où t’as juste besoin de parler.  »

A: Ta présence sur TikTok a quand même boosté pas mal de choses pour toi. Comment ça a influencé ta relation avec tes fans et ta carrière plus globalement ? 

Aupinard: Ça m’a permis de garder ce côté spontané et assez présent. Je vais interagir avec eux en live, comme je vais interagir avec eux en DM sur Insta, et même dans la vraie vie, tu vois. On va rigoler, parfois, je vais revoir des gens dans la rue. Il faut donner l’impression aux gens qui t’écoutent que t’es proche d’eux. Parce que tu sais, les gens, ils aiment pas trop se sentir délaissé. Tu donnes du gaz à un artiste, il prend juste le gaz pour s’en aller loin. Mais si l’artiste prend un peu de gaz pour revenir vers eux et leur donner de la force aussi, ça fait vraiment plaisir. Moi je vis pour les gens avec lesquels il y a une réciprocité aussi. Ça me donne de l’amour. Ça fait un effet miroir, ça revient vers toi. C’est trop cool.

A: Sur TikTok, étant donné qu’il y a beaucoup de tendances, il y a toujours des nouveaux artistes qui apparaissent. Comment as-tu réussi à garder ta singularité ?

Aupinard: Faut juste rester solide. En fait, le truc de TikTok, c’est que quand tu commences, c’est pas toi qui gères l’algorithme, c’est pas toi qui gères les trend [tendances, nldr]. Quand ça prend beaucoup, sur TikTok, tu ne t’y attends même pas. Donc, faut pas forcer le destin ou faire un truc qui va prendre ou quoi. C’est vraiment juste faire et puis ça prend ou ça prend pas. Mais dans tous les cas, les gens sont là. Il y a beaucoup de gens qui se font des stratégies. « Si je fais ça, comme ça, ça va prendre. » Parfois, ça fonctionne, mais c’est même pas naturel, c’est pas spontané. Donc, c’est que sur une partie de temps. Du coup, ça ne représente pas l’artiste. C’est une question que je me suis déjà posée. En fait, il va y avoir une reconversion de TikTok à Insta et de Insta à tes concerts et de tes concerts à tes streams, en fait, à partir du moment où les gens, ils sont plus sincères dans ce que tu véhicules comme message, comme énergie. Mais quand tu fais juste de la promo pour faire de la promo, ça intéresse personne.

A: Tu pars au Brésil prochainement si j’ai bien compris.

Aupinard: Oui!

A: Est-ce que t’as des villes préférées là-bas ? Je sais pas si tu as beaucoup visité.

Aupinard: Non, du tout.

A: C’est quoi ta relation avec le pays ?

Aupinard: Je n’y suis jamais allé. Donc là, je compte y aller pour découvrir. Mais j’aime bien me perdre, en fait, quand je suis à l’étranger. Là, je reviens de Londres, et les trois jours où j’y étais, j’ai passé mon temps à me perdre. A gauche, à droite, je sais pas où je vais, je sais pas où je suis. Déjà, par rapport à la France, je suis dépaysé, mais je suis bien.

A: Tu laisses le destin te guider

Aupinard: Ouais, voilà, c’est quelque chose que j’aime beaucoup faire.

A: Est-ce que tu commences à penser à l’étape du premier album ou c’est encore trop tôt ? 

Aupinard: J’y pense [réfléchit] J’y pense. Mais je peux pas en dire trop, parce que ça va vraiment être, je pense, le premier gros choc dans ma carrière. C’est dans ta tête depuis un petit moment, et on a commencé à le bosser, en vérité. C’est dur de bosser sur ça et sur l’EP aussi. Il faut faire les choses par étapes. Bâtir des premières brides bien solides pour ensuite faire quelque chose de plus grand. A partir du moment où t’es sincère, dans les deux ou trois premières années de ta carrière, après, tu peux être léger, tu peux être un peu plus fou. Les gens savent où est-ce qu’ils peuvent t’atteindre. De base, je voulais sortir un album après Aupitape 1, sauf que c’était beaucoup trop tôt.

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