Aelpéacha
Depuis plus de dix ans, Aelpéacha s’est forgé une place de choix dans le rap français. Avec plusieurs albums référence à son actif, le « Val de Marne rider » est un artiste complet, aussi à l’aise derrière les machines qu’au micro. Encore à l’origine de la compilation « Chargé » sortie en avril dernier, il revient avec nous sur son parcours, ses influences et ses projets.
Abcdrduson : On va commencer par le commencement. Quels ont été tes premiers contacts avec le rap ?
Aelpéacha : Mes premiers contacts avec le rap…[il hésite] Franchement, le premier son de rap qui m’a fait rigoler c’est ‘Bouge de là’. Avant, il y avait un côté un petit peu contestataire, rap de cité qui me saoulait. J’étais pas trop là-dedans. J’écoutais plus de musiques ensoleillées, notamment du reggae. Mais ‘Bouge de là’ m’a bien fait rigoler. Après, la grande claque c’est Dre avec ‘Fuck wit Dr. Dre day’. Là j’ai dit : « Ok c’est bon, j’ai compris« . The Chronic est vraiment devenu mon disque de chevet et, ensuite, tous les dérivés de Chronic étaient, pour moi, gages de qualité. En ce qui me concerne, tout part de Chronic. Honnêtement, si Dre n’avait pas fait cet album, j’aurais peut-être fait l’impasse sur le rap. Avant, j’écoutais le rap mais de très loin.
A : J’ai toujours trouvé que ‘Tonite’ de Dj Quik , le single de « Quik is tha name » était peut-être le premier morceau G-funk tel que le genre est connu aujourd’hui. C’était un morceau parmi tant d’autres mais sorti avant « The Chronic », janvier 1991, et qui est super fondateur…
AL : Oui, de toute façon, c’est sorti plus tôt. Maintenant, Quik je ne le connaissais pas à l’époque. Après, si on regarde l’histoire a posteriori, beaucoup attribuent la paternité du G-Funk à « Cold187um » d’Above the Law. Mais Quik reste un ovni. Son premier album a cartonné aux States alors qu’il avait un son vraiment particulier. De toute façon, Quik fait partie des piliers au niveau des producteurs avec Cold187um, Dre… C’est déjà pas mal.
A : Tu rappes mais tu produis plus que tu ne rappes finalement. Petit, t’as appris à jouer d’un instrument où tu t’y es essayé plus tard ?
AL : Non, je n’ai pas appris. C’est venu en tâtonnant. Je tatonne toujours d’ailleurs… Au départ, je voulais être DJ. Et puis en mixant, j’ai voulu faire mon son. J’ai commencé à tapoter sur des claviers Yamaha tout pourris et puis, de fil en aiguille, j’ai eu un quatre pistes, un sampleur etc. Ça a été évolutif, années après années. En cherchant des sons, en m’entraînant, je me suis amélioré.
A : Au bout de combien de temps as-tu commencé à être content de ce que tu faisais ?
AL : Franchement, j’étais content de moi même quand je faisais des trucs tout pourris [rires].
A : Parce que les premiers albums de Splifton, c’est un peu le bordel dessus quand même…
AL : C’est bordélique mais faut savoir que sur les quatre-cinq albums Splifton que j’ai fait, derrière il y a 100 instrus par album. Pour répondre à la question, je dirais que je peux voir une frontière entre le moment où j’ai vraiment arrêté de sampler pour tout jouer. Je peux encore sampler mais je fais rarement du sample pur et dur au sens où on l’entend d’habitude. Je suis pas contre mais généralement je joue des trucs par dessus. Au fur et à mesure, j’ai moins samplé parce que je me suis pris de plus en plus au jeu aussi. L’envie de trouver soi-même ses basses, ses propres accords… Mais attention, faut pas oublier que le sample est la base du truc.
A : C’est vrai qu’on a l’impression que tu ne samples pas beaucoup ou alors c’est pas grillé…
AL : Peut-être mais, en tout cas, je me suis aperçu que sur chaque album, j’ai un quota de 3-4 samples. Des fois, j’ai l’impression que j’ai pas du tout samplé mais il y a toujours trois ou quatres samples qui se balladent. Sur J’arrive jamais, il y a Gainsbourg, Sly and the Family Stone, les O’jays sur Le pèlerinage. Bref, il y a toujours des samples à droite à gauche.
A : Tu dis que ça t’arrive de te rendre compte, une fois le disque bouclé, qu’il y a trois ou quatre morceaux samplés. Justement, tu mets combien de temps pour construire un album ? Ca t’es déjà arrivé de reprendre des titres vieux de deux ans par exemple ?
AL : Ouais ça m’est déjà arrivé. La durée la plus courte c’est une semaine. C’était en décembre dernier avec Driver, pour son prochain album. J’ai fait ça avec lui parce qu’il va extrêmement vite et qu’il est capable d’arriver, d’écrire trois morceaux et de les poser direct. Comme j’étais chaud et que j’ai réussi à faire des sons rapidement, on a bouclé l’album en une semaine.
A : Ça fait un moment que cette collaboration est annoncée. De quoi s’agit-il exactement ? C’est un album de Driver où vous allez rapper tous les deux ?
AL : C’est lui qui rappe et je réalise et compose l’album.
A : On a vu dans les crédits de la « Pèlerinage mixtape » qu’un album avec Driver avait été fait en 2004 ou 2005 – ‘Comme les riders le font’ en est d’ailleurs tiré. Qu’est devenu cet album ?
AL : C’est dû à des histoires obscures avec Menace Records [sourire]. Pour la faire courte, on devait faire un album en deux semaines à l’époque au studio la Baleine Bleue. Au bout d’une semaine, il y a eu des problèmes d’argent et on a été obligés d’arrêter. On avait quand même eu le temps de réaliser six ou sept morceaux qu’on a recyclés par la suite. C’est un peu la même histoire avec MSJ avec qui j’avais fait un album en 2002 qui n’est pas sorti. C’est là dessus qu’il y avait notamment ‘Façon California’. Là c’est pareil, on a recyclé les morceaux pour différentes occasions.
A : En tant que producteur, tu travailles avec quel matériel ?
AL : Avec deux sampleurs. Le principal c’est un Ensoniq ASR-10. Pour le séquenceur, j’utilise une MPC 2000. Même si je travaille beaucoup sur ordinateur ces derniers temps avec Cubase sur mon PC.
A : Tu te sentirais de sortir un album instrumental ?
AL : Pourquoi pas. J’avais déjà pensé à faire un double album avec une partie vocale et une partie instrumentale. Uniquement instrumental, je ne sais pas.
A : Tu as déjà travaillé dans des cadres autres que le rap comme les BO ou la pub ? C’est quelque chose que tu aimerais faire sinon ?
AL : Franchement, je n’ai pas eu l’occasion jusqu’à maintenant et je n’ai pas vraiment creusé non plus. Après, bosser sur une BO ça peut carrément être un bon truc. Ça peut être assez long à faire mais super stimulant.
A : En parlant de BO et de cinéma, comment s’est faite la connexion avec Néochrome puisque tu as fait une apparition (coupée au montage) dans le film « Cramé »?
AL : Néochrome ? [étonné] Ah, en fait c’est le film de JP de La Cellule. En fait c’est son film et lui c’était un pote donc c’est comme ça que la connexion s’est faite. Avant d’être Néochrome, c’est d’abord le film de JP. Mais c’est vrai qu’il y a des mecs de Néochrome dans le film.
A : Et la connexion avec les membres du Jamel Comedy Club ?
AL : En fait, Fabrice Eboué alis Mr. Faf est un pote de plus de quinze ans maintenant. A l’époque, on rappait même ensemble pour déconner. Je crois qu’il a même rappé avant moi. Il est sur le premier Splifon d’ailleurs, Embauche pour la débauche, sorti en 1999. Il rappe sous le pseudonyme de Mr. Faf et il n’a pas qu’un couplet [sourire].
A : S’il y a une de tes prods que tu devais retenir, ce serait laquelle ? Une dont tu es vraiment fier.
AL : Franchement, un son que je peux me remettre à n’importe quelle heure de la journée c’est ‘S-S-S Fonk’ avec Driver et OGK. Je trouve que j’ai vraiment trouvé un bon son sur ce titre notamment avec le synthé que j’ai repris de Bobby Humphrey [il fredonne]. C’est un passage qui a été samplé énormément de fois d’ailleurs.
A : On attribue souvent le début de la westcoast en France à des groupes comme Ministere Ämer, TSN. Alors que, parallèlement, tu as des groupes, aujourd’hui considérés un peu comme des guignols – Reciprok, Alliance Ethnik – qui avaient sorti des albums super bien produits dans la vibe G-funk. Tu attribues à quoi le fait qu’ils n’aient conservé aucune crédibilité aujourd’hui ? C’est dû au genre westcoast justement ?
AL : Premièrement, le gens « spé » les percevaient deja comme des « guignols » à l’époque, car trop grand public. Deuxièmement, on avait déjà remarqué au moment où c’est sorti que leur son était bon. C’était vraiment bien produit mais je ne pense pas que les considérations eastcoast/westcoast rentrent en compte là-dedans. C’est avant tout une époque où on a voulu faire une formule commerciale qui a fonctionné et tout le monde s’est un peu engouffré là-dedans.
On sortait de ‘What’s my name’ de Snoop, etc et c’était une époque où ce qui fonctionnait c’était de faire des singles de fête. De Mellow Man à ‘La fièvre’ de NTM en passant par Alliance Ethnik et même IAM avec ‘Je danse le mia’. Tous les rappeurs allaient dans ce sens : ça devait être funky. Aujourd’hui, si tu veux être commercial, il faut faire un truc hardcore, parler de prison, menacer un peu tout le monde… C’est juste une histoire de tendances.
Après, les albums dont tu parles étaient très bien produits. Kayse, qui produisait sur le Reciprok, est super fort. On sent qu’il a vraiment kiffé ce son, qu’il a écouté South Central Cartel, Dove Shack, tout ça…
A : Je me souviens d’une interview de 4.21 donnée à l’époque au site www.rap.fr dans laquelle ils déclaraient ouvertement s’inspirer du son de Los Angeles alors que la majeure partie du rap français a toujours eu les yeux tournés vers New York. Tu as une explication à ça ?
AL : Je pense qu’il y a deux aspects. D’une part, il y a l’aspect commercial et d’autre part l’aspect « parisien ». Y’a aucune « coast » quand on parle de l’aspect commercial. Comme on disait, en 95 c’était plein de « Hey, Ho » avec un côté super festif à la Snoop Doggy Dogg parce que c’est ce qui fonctionnait. Aujourd’hui, c’est plus dirty. Ce que je veux dire c’est qu’il y a quinze ans, personne n’aurait pensé que la TR-808 de 2 Live Crew allait marcher en France. Cette sonorité n’était pas présente dans les oreilles des gens. Cet aspect là vient directement des Etats-Unis et est assez incontrôlable en fait.
Si demain un ricain pète dans le micro et que ça vend des millions, il y a des chances que le concept soit importé ici. C’est ce qui se passe avec l’autotune que tout le monde utilise maintenant. Après, il y a la question du hip-hop parisien [il sourit]. Il existe un petit lobby qui a fait qu’il a toujours été plus question de eastcoast que d’autre chose.
Après, je ne connais pas le pourquoi du comment mais je pense que la raison est assez simple : les premiers mecs qui ont ramené le rap en France revenaient de New York et je pense que ça s’est développé comme ça. Là je parle vraiment des Hip-Hoppers de Paris.
A : Tu penses quoi d’un morceau comme ‘Let’s ride’ de The Game ? Pour beaucoup de gens, ça n’est plus westcoast alors que je trouve que ça pourrait s’apparenter à de la « new west ». Un peu comme ce qu’a fait Dre avec 2001, c’est peut-être plus actuel mais on reste complètement dans l’imagerie westcoast, on retrouve ces grosses basses, ce clavier…
AL : Bien sûr, c’est complètement westcoast. La G-funk correspond à une époque et ça existera toujours parce que le format existe. Tu peux aujourd’hui faire du P-funk mais il n’empêche que ça reste un son emblématique d’une certaine époque et des 70’s. Après, il est vrai que Los Angeles, dans tous les styles de musique, a toujours eu son son. Comme c’est le cas pour d’autres Etats d’ailleurs.
A : Je me souviens d’une interview de Kery James dans Radikal dans laquelle il se disait presque hermétique à tout ce qui sortait et qu’il pouvait ne pas écouter de rap pendant cinq ans et revenir en sortir un après. On a l’impression que c’est très vrai pour toi, que tu ne vas pas te laisser influencer par ce qui sort aussi bien en France qu’aux Etats-Unis d’ailleurs.
AL : Franchement, jusqu’à un certain moment j’ai été hermétique à ce qui sortait en France. Et puis à force qu’on me dise d’écouter certains artistes, je me suis dit que si je faisais du rap en France, il fallait au moins que je sache de quoi je parle et ce qui se faisait. Donc, j’ai essayé de m’ouvrir et d’écouter un peu ce qui sortait. Aujourd’hui, je peux te citer des rappeurs de Paris, de Marseille etc. Jusqu’en 2000, je ne connaissais absolument rien au rap français.
A : En parlant de Marseille, t’es pas dégouté que les Psy4 aient eu Nate Dogg sur un son ?
AL : Ah non, pas du tout [il sourit]. Les Ricains viennent pour la tune. S’ils l’ont payé, il a du faire son truc et basta. Après, je n’ai même pas écouté le morceau donc je ne sais pas de quoi il s’agit.
A : Tu as écouté les disques désignés comme les grands classiques de rap français comme les albums d’IAM et de NTM ?
AL : Non. Même les albums du Ministère Ämer, je ne les connais pas pour te dire à quel point j’étais hermétique. En fait, on m’a fait écouter ça en 1995 en me disant « toi tu kiffes la westcoast, tu vas aimer le Ministère Ämer » et je n’ai pas accroché. Avec le recul, je pense qu’il s’agissait plus de l’aura qu’ils avaient et du message qu’ils passaient que de son. Même aujourd’hui, ‘Les rates aiment les lascars’, ça ne sonne toujours pas pour moi. Ça n’enlève rien au personnage de Bugzy et à son caractère unique.
A : Est-ce qu’il y a un projet prévu avec Bugzy justement ?
AL : Non, pas pour le moment. On s’est beaucoup côtoyé à l’époque de Westcoast LA mais sans jamais vraiment travailler ensemble. On a fait deux sons, un sur West rider 2 et un sur Bandana music mais c’est tout.
A : « Première consultation » de Doc Gyneco, tu l’avais écouté ?
AL : Je ne l’avais pas écouté à l’époque non plus. Il y avait un côté un peu franchouillard qui me déplaisait. C’est peut-être pour ça que ça a cartonné d’ailleurs [rires]. En revanche, le remix de ‘Né ici’ était terrible avec les cuivres et tout. Magnifique ! Comme ‘Nirvana’ d’ailleurs qui était super bien produit. Après le reste…
A : En parlant de West Rider 2, cette compil’ a été une vitrine pour tout le mouvement « westcoast à la française ». C’est vrai que 187 prod a été créée pour encadrer cette sortie ?
AL : 187, à la base, est une radio avec 187 radio show. C’est la radio de Kicket. Après, on s’est organisé pour essayer de suivre les sorties des albums. C’est là qu’on a créé 187 prod en 2005, au moment de la sortie de West rider 2 effectivement. Mais 187 prod reste seulement un moyen de distribuer les albums, il n’y a pas d’artistes signés.
A : Le DVD « Laxagone » est sorti l’an passé, de plus en plus de disques sortent de manière régulière. On a l’impression que le mouvement « westcoast » français est de plus en plus installé et que vous vous connaissez tous. On le voit d’ailleurs avec « Chargé » qui réunit pas mal d’artistes…
AL : C’est clair. C’est là que tu rends compte aussi qu’il y a plein de gens qui kiffent cette musique. C’est aussi simple que ça. Qu’il s’agisse de la musique à proprement parler, du lifestyle, des mecs qui sont dans les vélos, dans les caisses… Plein de gens aiment cette musique et ce qu’elle symbolise.
D’ailleurs, en 1994, Menace II society est un film qui a traumatisé la France au même titre que plein d’autres pays. Et tu voyais partout dans la rue des mecs qui se tressaient comme O-Dog. Même s’ils ne font pas partie de la culture française, il y a des codes qui sont arrivés. Ça, c’est une réalité. Secteur Ä était un peu sur ce modèle là et a contribué à relayer ce message. Mais plein de gens, en France, ont été traumatisé par Dre, par Death Row, par Eazy-E, Ruthless etc.
En revanche, je pense que NWA reste un groupe assez méconnu en France. Bien sûr, tout le monde connaît Straight outta Compton mais je pense qu’il y a peu de rappeurs pour qui c’est un album de chevet. Alors que c’est quand même assez violent.
A : C’est bien le Testos d’ATK qui rappe sur « Chargé » ?
AL : Ouais, lui-même. La connexion s’est faite super naturellement parce qu’il a toujours trainé avec le RD donc, par conséquent, avec le CSRD. On a fait quinze mille soirées ensemble, on se connaît bien et on l’avait déjà invité sur un morceau qui devait figurer sur le deuxième album des CSRD mais qui n’a pas été retenu finalement. C’est pas la première fois qu’on travaille ensemble. D’ailleurs, le son sur lequel il pose sur Chargé devait être pour l’album de Driver à la base.
A : Comment s’est faite la connexion avec Cuizinier et Saphir le Joaillier sur « The exclusive mixtape » ?
AL: Tout simplement par DJ Raze que je connaissais. Il m’a demandé de poser et je l’ai fait.
A : Justement, il y a des gens avec qui tu aimerais collaborer ?
AL : Ça fait longtemps que j’essaye d’avoir un feat d’Annie Cordy mais elle ne répond jamais à son portable [rires]. Hormis cela, il n’y a personne de particulier. Après, je ne suis pas fermé du tout.
A : C’est déjà arrivé que des rappeurs, avec qui tu n’as as forcément d’affinité musicale, te contactent pour avoir des prods ?
AL : Il y a un mec qui m’a contacté là mais c’est vraiment pour les connaisseurs [sourire]. C’est Tweed Cadillac qui rappait dans Penthouse Players Clique avec Playa Hamm, Eazy-E et DJ Quik. « Tweed Cadillac Baby ! » [il fredonne]. C’était de la tuerie ça. C’est en cours mais il n’y a encore rien de fait.
A : Tu as essayé de t’exporter et de vendre des prods à des rappeurs américains ?
AL : Il y a eu un son avec XL Middleton. Mais tous les Français ont fait un son avec XL Middleton [rires]. Sinon, pas vraiment non. Parce que, pour eux, on est « juste » des Français et demander des tunes c’est hors-sujet et aller leur lécher le cul pour essayer de gratter un truc… Si quelque chose doit se faire, pourquoi pas mais je ne vais pas rester toute la journée sur Myspace pour essayer de refourguer une prod à Daz [sourire].
A : Tu as sûrement suivi la polémique autour d’Orelsan et de son morceau ‘Sale pute’. Comment aurais-tu réagi si les bloggeuses t’avaient « poursuivi » pour ‘Y’a pas que la chatte’ ?
AL : J’ai trouvé cette polémique regrettable notamment parce que le morceau qui en est à l’origine était mon titre préféré d’Orelsan [rires]. Je crois que c’est Olivier Cachin qui m’en avait parlé et c’est avec ce titre que j’ai connu Orelsan. « Sale pute, sale pute« , j’étais mort de rire. J’étais à Miami pendant la polémique et ça n’est qu’à mon retour qu’on m’en a parlé. Apparemment il s’est fait descendre par les médias et n’aurait pas assumé ses propos. Après moi je n’ai pas suivi l’affaire en détail.
A : En fait, il s’est excusé d’avoir pu heurter certaines personnes sans pour autant renier ouvertement le morceau. Mais il a précisé que c’était un ancien morceau et qu’il avait volontairement décidé de l’écarter de son album.
AL : C’est dommage parce que c’était un bon morceau. Après, la polémique qui a entouré le morceau est un faux débat, ça reste de la musique. C’est dommage que le morceau soit passé à la trappe en tout cas parce qu’il est rigolo.
A : Tu as écouté son album sinon ?
AL : Je l’ai écouté et j’ai trouvé ça un peu trop consensuel par moments. Je ne suis pas non plus pour la vulgarité gratuite mais j’ai eu l’impression sur deux-trois textes qu’il se retenait un peu. Je préférais le côté ‘Sale pute’ qui me faisait marrer.
A : Tu tournes beaucoup sur scène ou ce n’est pas vraiment ton truc ?
AL : Je fais quelques concerts mais pas énormément.
A : Un peu comme tes clips qui sont assez rares.
AL : Oui, il n’y a pas beaucoup de clips parce que ça ne rentre pas beaucoup de tunes et qu’il n’y a pas beaucoup de budget. En revanche, on a beaucoup d’images mais pas toujours des monteurs pour faire le taf derrière.
A : Au niveau des ventes justement, tu sens que tu t’adresses uniquement à un public d’avertis ou tu as le sentiment que ça s’étend un peu plus ?
AL : On sent que ça s’étend mais ça reste confidentiel. Ça grossit parce que, par exemple, je n’aurais pas donné cette interview il y a trois ans. J’avais eu quelques papiers dans Groove, Radikal, l’Affiche mais vu que la plupart de ces magazines n’existent plus [sourire]. Il y a trois ans, moins de monde me connaissait donc, petit à petit, tout ça progresse. Ça évolue doucement.
A : Internet, justement, a sûrement été un moyen de faire connaître davantage ton son. Par rapport à ça et au téléchargement, tu t’en tapes comme certains rappeurs ou au contraire tu as le sentiment que ça diminue indirectement tes ventes ?
AL : C’est un long débat. D’un côté, ça nous permet de vendre plus de disques et de l’autre, on reste énormément restreint. On est restreint parce qu’Internet nique tout le business à l’échelle nationale. Comme il y a beaucoup moins de ventes de disques, on investit moins dans la musique. Parallèlement à ça, on gagne des auditeurs parce que les gens nous connaissent plus facilement mais dans un certain périmètre. Le mec qui vit au bord de la Manche a accès à ta musique et peut acheter ton son alors qu’avant, il fallait que tu aies une promo nationale pour ça.
Là où c’est très intéressant en revanche c’est pour l’international. Ça ouvre énormément de portes et je pense qu’il y a trois choses dans l’avenir : le téléchargement payant, les scènes et les collaborations à l’étranger. Je pense que celui qui voudra vendre des disques en France dans cinq-six ans risque de perdre son temps.
A : Tu es un des rares producteurs français à faire appel à des musiciens. Il y a Seb Jallier à la flûte, S.O.B ou même Zouzou et Tease à la basse et à la guitare sur « J’arrive classique ». Comment s’organise le travail avec eux ?
AL : S.O.B est le musicien avec qui je bosse vraiment. Talk-box, guitare, basse, clavier… Il joue d’à peu près tout et chante également. Je bosse les ¾ du temps avec lui et de temps en temps avec d’autres personnes comme Zouzou qui vient de l’équipe Southcide 13. Tease egalement, un guitariste qui avait fait l’album de Reciprok à l’époque, la guitare de ‘Je danse le mia’…
Ce sont des mecs qui ont de la bouteille et qui sont là depuis les années 80 avec des groupes de funk. Pour la flûte, je bossais avec Fred Basile au début et maintenant avec Seb Jallier. Après, il y a pas mal de choristes aussi. Mais mon big up va tout naturellement a mon homie SOB. Très talentueux.
A : Pour l’utilisation de la flûte, c’est un morceau comme ‘Lil ghetto boy’ qui t’a donné envie d’exploiter davantage l’instrument ?
AL : Non, c’est davantage les productions de Quik qui utilise beaucoup la flûte. Autant, on a l’habitude d’entendre de la guitare dans les morceaux de rap, autant quant tu mets une flûte sur un morceau tu emmènes le morceau vraiment loin. C’est un peu la même chose avec le sax que Terrace Martin et Quik utilisent pas mal en ce moment. On le voit sur les sons qu’ils ont produit pour Snoop ou sur la mixtape de Terrace Martin. Il y a des instruments qu’on n’a pas l’habitude d’entendre sur du rap et qui ouvrent énormément le morceau dès qu’on les utilise.
A : Tu as cité Quik. Justement, est-ce qu’il y a une influence du titre ‘Somethin 4 the mood’ sur le morceau ‘S-ketulassan’ étant donné que tu reprends la même mélodie et…
AL : [Il coupe] Non, non, pas du tout.
A : Pourtant, au niveau du synthé…
AL : Ah, nan, tu parles du synthé derrière ? Alors, oui, à une note près, c’est une reprise du synthé de ‘Somethin 4 the mood’. C’est effectivement ça, ouais. Sur le son en lui-même, j’ai piqué un truc à Ja Rule [Rires]. Je serais incapable de te donner le titre du morceau mais j’ai pompé les accords d’un son de Ja Rule et Jennifer Lopez.
A : Tu as fait quelques sons à inspiration reggae. Est-ce que ça vient aussi de Quik avec des titres comme ‘Tha Bombudd’ ?
AL : En fait, il y a une double influence. C’est vrai qu’il y a Quik parce qu’il a mis pas mal de reggae à un moment. Mais c’est aussi dû à mon éducation musicale de 0 à 10 ans. A cette époque là, je n’écoutais que du reggae. Quand j’ai entendu Quik mettre du reggae dans ses prods, j’ai trouvé ça d’une part original parce que c’était assez rare dans le rap et d’autre part qu’il y avait un lien logique avec mes propres repères musicaux. Du coup, je l’ai fait super naturellement.
A : Dans ‘Rider c’est pas facile’, tu parles de Spice 1. Entre « 187 he wrote » et « AmeriKKKa’z nightmare », quel est ton album favori ?
AL : 187 he wrote, sans réfléchir. AmeriKKKa’z nightmare, j’ai beaucoup moins kiffé.
A : Qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ?
AL : J’écoute toujours beaucoup de soul, de funk, de reggae… En rap, j’ai acheté le Dubb Union. J’ai pas tout aimé mais il y a de bons trucs. Après la mixtape, j’attends le Terrace Martin, le Kurupt & Quik… C’est vrai que ces derniers temps, j’aime bien la touche de Terrace Martin.
A : Est-ce qu’il y a un projet qui s’annonce pour l’été ?
AL : Honnêtement, c’est pas sûr que je sois dans les temps. En ce moment, je suis sur plusieurs projets mais c’est assez décousu. On fait notamment l’album des Sales Blancs , le Lil Thug, celui de Driver, le projet avec RD, on fait des morceaux avec MSJ… Il peut y avoir quelque chose pour l’été mais il n’y a rien d’annoncé pour le moment.
A : Un mot de la fin peut-être ?
AL : J’espère que Bigard et Orelsan nous reviendront vite [rires]. C’est vrai, on les aime bien quand même.
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