Aelpéacha, l’hyperactivité tranquille

A : Ta musique contient encore pas mal de samples. Comment ça se passe au niveau des droits ? Tu cherches à obtenir les autorisations ou tu y vas en douce en espérant ne pas te faire attraper ? 

AL : Je ne fais pas exprès, mais j’ai constaté que j’avais toujours un tiers de samples dans mes albums. Ça tourne toujours autour d’un tiers. Après, je n’ai déclaré qu’un seul sample, celui de « Pavillonner », qui est un sample de Michel Jonasz. Là, quand j’ai vu la galère que c’était de déclarer un sample, alors que tu connais l’éditeur et que ce n’est même pas un problème de retrouver la bonne personne ou qu’elle refuse, quand j’ai vu les problèmes que c’était et la paperasse que ça représentait, j’ai dit non, plus jamais. Alors s’il y a un hit, on verra !

A : Tu n’as pas peur de te faire choper ? Comme tu es « petit », tu passes sous le radar ? 

AL : Ouais, mais bon, si tu te fais choper, c’est que t’as fait de l’argent. Si t’as fait de l’argent, peut-être que tu peux dédommager et puis tu peux rebondir sur d’autres choses. C’est toujours pareil, c’est un problème d’exposition. Ce n’est pas une question de qualité, c’est un problème d’exposition. Une fois que t’es exposé, après…

A : Il t’arrive de sampler des morceaux super connus, comme « Intimate Friends » d’Eddie Kendricks sur « Le Jour le plus long »…

AL : Alors il n’y a pas de sample pour celui-là. Tout est joué. Mais il m’est déjà arrivé de faire une boucle sans rien apporter du tout. Dans « Chaude nuit d’été », sur Val II Marne rider, le sample de Teddy Pendergrass, c’est vraiment à l’ancienne, à la CMW ! Tu ne rajoutes même pas de caisse claire, rien. C’est une boucle, une vraie boucle. Mais bon, c’est marrant de temps en temps. Et puis c’est l’essence du hip-hop, le sample. À un moment donné, il faut… [Il se reprend] Enfin non, chacun est libre de faire ce qu’il veut, mais moi je pense que le sample, c’est cool. Il y a quelque chose de chimique là-dedans.

A : En septembre 2012, tu as interprété « Y’a pas qu’la chatte » à Skyrock pendant le Planète Rap d’Orelsan. C’était un moment historique ? 

AL : Historique non, parce que c’est arrivé plein de fois. Mais pas aux mêmes heures par contre. C’était dans l’émission WestCoastLA de Stomy, donc entre minuit et 2 heures. Mais on l’a passé beaucoup de fois et il avait déjà fait son effet à l’époque. De toute façon, il y a deux évènements qui nous ont fait connaître auprès d’un plus grand public, ce sont les passages sur Skyrock et l’émission Tracks. C’est là où tu vois vraiment la portée des gros médias.

A : Est-ce que tu n’as pas peur d’épuiser un jour toutes les images sexuelles imaginables ou bien tu penses que c’est infini et que tu trouveras toujours de nouveau trucs à dire là-dessus ? 

AL : Moi je pense que tous les sujets sont infinis. La seule chose à mes yeux qui détermine si ça va le faire ou pas, c’est si tu es dans la routine ou si tu es dans l’amusement. Tant que tu es dans l’amusement, c’est bon. Si tu écris une phase et qu’elle te fait marrer, que t’as envie de la chanter… Peu importe le sujet. De toute façon, les sujets ce sont toujours les mêmes. Mais si tu rentres dans une routine et que tu le fais juste pour le faire, ou bien pour l’argent ou pour d’autres motivations, tu peux tomber dans… je ne dirais pas une surenchère, mais dans un truc plus chiant à écouter, où tu sens une forme de cynisme chez la personne qui fait ça dans un but précis, mais pas parce qu’elle a envie de le faire.

A : Avec du recul, est-ce que l’aspect un peu cul de ta musique n’a pas limité ton exposition et ne t’a pas empêché de devenir plus connu dans le microcosme du rap français ? 

AL : Je ne pense pas. L’exposition, elle est commerciale. Elle dépend de la tendance et de l’argent. Uniquement. Il y a des gens, dans le monde des comiques par exemple, qui sont ultra médiatisés alors qu’on sent bien qu’ils n’ont pas de public et qu’ils sont là seulement parce qu’il y a beaucoup d’oseille derrière. Et inversement, il y a des comiques ou des chanteurs avec un talent fou mais que tu n’entends nulle part. Il y a deux choses : l’argent que tu mets et la tendance. Nous on est arrivés au moment où la tendance changeait, au début de ce qu’on appelle « l’ère caillera ». Donc on n’était pas du tout dans la tendance. Ce n’était pas ce que les radios voulaient jouer. Peut-être que si on était arrivés cinq ou six ans plus tôt… En même temps, cinq ou six ans plus tôt, on n’avait pas le niveau, mais ça c’est encore autre chose ! Mais avec le même niveau je veux dire. Pour moi il y a de la place pour tout le monde, tous les styles. Tu parlais de cul, regarde Francky Vincent ! Ce n’est pas une comparaison, mais ça prouve quand même que le mec arrive à faire une carrière sur des pets et des trucs comme ça. Et je dis ça avec tout le respect que j’ai pour lui ! Donc ce n’est pas une question de la nature du sujet que tu abordes, c’est la tendance et l’oseille.

A : En 2011, tu as sorti Garde la position, qui est sans doute l’album le plus délirant de toute ta discographie. C’était un projet pour se lâcher ? 

AL : Oui ce projet-là, pour quelqu’un de lambda qui ne connaît pas le délire, c’est quasiment inaudible. Mais la moitié des titres ont presque dix ans. C’est un projet que je devais sortir vers 2005, quelque chose comme ça. J’avais cette fameuse session photo avec Félina qui date de la même époque et il fallait au moins que je le sorte juste pour les photos. Comme je n’étais pas dans une vibe à refaire un album que sur du cul, j’ai repris ces morceaux-là. C’était surtout pour ceux qui kiffent déjà.

A : Tu es l’un des rares artistes français que l’on peut qualifier d’hyper-productif. Tu bosses non-stop sur ta musique ? Quel est ton processus créatif ? 

AL : Tu l’as dit : non-stop. Là on vient de faire trente-cinq heures en deux jours.

A : Et tu arrives à vivre de ta musique ? Tu peux y consacrer tout ton temps ? 

AL : Oui, je peux m’y consacrer pleinement, que ce soit l’activité musicale ou commerçante avec les casquettes, les T-shirts, etc. Du lundi au dimanche ! Comme un boulanger.

A : On te parle toujours de tes influences westcoast, mais est-ce que la scène du Sud des Etats-Unis, au sens large, a compté pour toi ? Quels artistes sont tes références de ce côté-là ? 

AL : On faisait pas mal de Miami Bass dans les années 90, donc ça on en écoutait beaucoup. J’ai été traumatisé en 93 par le single de Tag Team, « Whoomp (There It Is) ». Après, je suis plus rentré dans le 2 Live Crew et pas mal de sons de Floride. Plus tard, il y a eu UGK, forcément. Ce sont les boss. 8Ball & MJG bien sûr, et puis les Geto Boys aussi. Après, je ne suis pas forcément un gros connaisseur du Sud, je ne vais pas te le cacher, mais j’apprécie le côté blues qu’on peut trouver là-bas.

A : Depuis quelques albums, tu explores davantage de pistes et tu sors des canons westcoast…

AL : Des albums westcoast, j’en ai déjà faits pas mal. J’ai ma petite recette et je sais à peu près les faire. Moi, ce qui m’intéressait quand j’ai commencé à faire de la musique, ce n’était pas forcément de faire de la westcoast, mais tout simplement de la musique que j’aime. À ce moment-là, je kiffais la westcoast, et c’est toujours le cas, mais disons que c’est surtout une question de faire son truc. Après tu aimes différentes musiques et puis selon l’époque et selon ton âge, tu écoutes différents genres et ta musique prend différentes teintes, mais tout l’enjeu c’est de faire son propre truc. Avoir ses sons, ses concepts, ses rappeurs, ses productions. C’est vraiment ça, plutôt que de vouloir faire absolument de la westcoast.

A : C’était une évolution naturelle pour toi ? 

AL : On peut dire que la westcoast, c’est le vecteur au travers duquel j’ai développé mon son. Mais après de toute façon, « westcoast », qu’est-ce que ça veut dire ? Déjà de DJ Quik à Ruthless, il y a du chemin ! Ce n’est pas une volonté de faire de la westcoast, mais de faire de la musique qu’on kiffe, et il y a tellement de teintes différentes selon les époques, les endroits… Et puis il y a plein de sons où on ressent vraiment les influences. « Requiem pour un keuf » par exemple, ça pue le Ruthless à plein nez, mais il y a d’autres sons où tu ne sais pas trop. Si tu prends « Rider c’est pas facile », t’as une petite vibe reggae, mais ce n’est pas volontaire. Je ne me suis pas dit « tiens, je vais mettre une touche reggae là-dessus ». Il y a des sons que tu calibres et puis d’autres qui font leur vie.

[Kicket, fondateur du site 187 Prod, intervient] : Selon moi, t’es arrivé au bout de ton pèlerinage avec l’album du même nom. Il y a eu un avant et un après Pèlerinage.

AL : Bien sûr oui… Tout est cycle. À un moment donné, tout a une fin. Je ne dis pas que ce cycle ne revient pas, mais il revient sous une autre forme. Tu ne peux pas faire éternellement la même chose.

A : Justement, à propos de ton pèlerinage en 2008, qu’est-ce que ce voyage a changé pour toi ? Est-ce que la réalité était à la hauteur du « rêve » ? 

AL : Alors, c’était le pèlerinage à L.A., à Compton. Parce que quand je l’ai fait, j’étais déjà allé six fois aux États-Unis auparavant. Donc je connaissais les Américains, leur style de vie, leur état d’esprit, leur culture, etc. Mais c’était la première fois que je mettais les pieds à L.A. Comme je le dis dans un morceau : « En 95, Docteur Fabrice l’avait prescrit » [Fabrice Éboué aka Monsieur Faf, ndlr]. À la mort d’Eazy-E, Fabrice a sorti ça, je ne sais pas s’il voulait rire ou pas. Il disait qu’on devait aller faire notre pèlerinage à Compton [prononcé à la française]. Et on a fait ce putain de pèlerinage, douze ans plus tard.

Moi, ce qui m’intéressait quand j’ai commencé à faire de la musique, ce n’était pas forcément de faire de la westcoast, mais tout simplement de la musique que j’aime.

A : C’était comment de bosser avec Richard Segal Huredia pour la compilation World Ride ? 

AL : C’était un kif de bosser un mois au studio avec une pointure comme lui, et tout ce que ça implique. C’est-à-dire qu’avec lui, lorsque n’importe quel rappeur de L.A. déboule dans le studio, il veut rapper. Que ce soit Xzibit, Kurupt, n’importe qui… Peu importe quel beatmaker est là et pour quel projet. Il y a aussi bien des artistes confirmés que des jeunes qui sont là, qui traînent, comme Brevi, comme Church… Il y a une sauce qui se met en place et là tu sens vraiment que t’es dans un pays de musique. Parce que ça fuse dans tous les sens et que tout a une énergie, un début, une fin. Hop, on commence, on finit, on fait autre chose. Hop, on descend au club juste en bas, parce que le studio était sur Hollywood et Cahuenga, l’épicentre de la soirée à Hollywood, hop tu croises Jay Rock au club, « tu veux monter au studio écouter quelques sons ? », hop il monte, il a deux, trois rimes… Bon, il n’est pas revenu poser, mais ça c’est un autre problème. Je ne lui ai pas assez ciré les pompes, je crois ! Enfin voilà, tout est en mouvement. C’est leur culture. Pas seulement aux Américains d’ailleurs, mais aux pays qui ont une culture musicale. Ils savent qu’il faut que ça bouge, ils ne sont pas dans leur coin à écrire leurs petits trucs, à hésiter… Un sportif, il peut s’entraîner chez lui, mais quand il est sur le terrain, il est en improvisation. Au studio, c’est pareil, tu travailles, t’improvises.

A : Tu parlais de Brevi tout à l’heure, j’ai vu qu’elle commençait à faire des featurings un peu partout, avec 50 Cent, Crooked I…

AL : C’est ce dont on parlait tout à l’heure avec l’exposition. Pour l’instant, on ne l’entend pas trop, mais espérons que ça vienne. C’est une artiste ultra talentueuse. Elle écrit en moins de deux, elle pose en one shot, elle chante, elle rappe, elle a une voix… Après, c’est les connections, le bon moment, le bon morceau… Le bon parrainage aussi. Mais tu ne peux rien prédire. Je n’ai pas de théorie là-dessus. Ma seule théorie, c’est que sur le long terme, il faut du travail. Personne ne s’inscrit dans la durée sans travail. Ça n’existe pas. Ce qui ne veut pas dire que si tu travailles, tu vas forcément réussir, mais si tu veux tenir, c’est obligatoire. Par contre, comment faire un hit, ça j’attends toujours qu’on m’explique !

A : Est-ce que tu as des collaborations en vue avec des Américains ? 

AL : Non, pas pour le moment. J’avais quelques morceaux avec Brevi, mais j’ai été pas mal occupé par le jeu de société, cet album avec A2H et un autre projet en gestation. Il y a l’album de MSJ et celui de Ryu MC également.

A : Un album de Ryu MC, grosse nouvelle ça.

AL : Ah mais attention ! Son album va en faire bouger plus d’un ! Franchement il est très cool. Il est dans un délire… Enfin c’est Ryu quoi, il est fou ! On n’a pas encore de date, mais ce serait pour la rentrée a priori.

A : KK du groupe 2nd II None est présent sur World Ride et sur Val II Marne Rider 2, comment s’est faite cette rencontre ? 

AL : Je l’ai rencontré parce que Roach, un collaborateur de Segal, est le cousin de KK. Pendant un mois, je l’ai attendu et il n’est jamais venu. Et là, deux ou trois jours avant de terminer, il s’est pointé. La porte s’est ouverte et il était là. Je ne m’y attendais pas du tout. Je lui ai donné un amour, il n’était pas prêt [rires] ! J’ai fait « Whaaat ! KK ! 2nd II None ! No, machin, truc« . Il m’a regardé avec un grand sourire. J’ai joué un son, c’était l’instru de « Comme si t’y étais », avec la guitare de S.O.B., il était comme à la maison. C’était une belle rencontre. Kurupt aussi. Ce qu’il y a de magique avec Kurupt, c’est qu’il a pris le son que j’avais fait pour lui. Alors qu’il y avait quand même 150 sons. Il ne les a pas tous écoutés évidemment, j’ai dû lui en faire écouter une grosse dizaine et il a choisi celui que j’avais fait pour lui, quelque chose un peu à la Dogg Pound. Il a écrit et posé direct. C’était un bon moment.

A : Sur Val II Marne Rider 2, il y a le cinquième volet des interludes qui opposent Le A et Alpha, et pour la première fois Alpha arrivait à tuer son alter ego gangsta. Est-ce qu’au-delà de l’anecdote, il y avait une signification derrière ça ? Est-ce que le rappeur dans la pure tradition G-funk a passé la main ? 

AL : Disons que pour le premier album en 2002, quand j’ai commencé cette série d’interludes, j’avais une position avec laquelle je pense être toujours en phase, à savoir qu’il y a des musiques de jeunes et qu’on ne peut pas faire des musiques de jeunes éternellement. À un moment donné, il faut faire de la musique de son âge. Je pense que le rap est une musique de jeunes et qu’à un moment donné, ça fait bizarre de… qu’il y a une énergie qui ne correspond pas forcément avec un âge ou un état d’esprit. Pour moi, il était logique qu’à un moment donné, il y en ait un qui tue l’autre.

A : Et c’est la fin définitive du A ? 

AL : Non, mais on en revient à ce qu’on disait tout à l’heure : tout est cycle. Tu ne fais pas éternellement la même chose. C’est un petit message, c’est léger, juste pour signaler que tu es conscient du truc, mais ça ne va pas plus loin que ça. Il n’y a pas de concept machiavélique derrière !

A : Dans le morceau « Pas de dégâts, pas de réssoi », tu racontes une soirée complètement folle qui dégénère. Est-ce que toutes les anecdotes de ce morceau sont véridiques ? 

AL : Affirmatif, mon capitaine. Rien n’est inventé. Et encore, ce n’est que ce dont je me rappelle. Mais c’est pour ça que je voulais faire ce morceau. Il aurait dû être fait depuis longtemps, sur un album du CSRD ou ailleurs, et ça me faisait chier qu’il n’existe pas, donc je l’ai fait. Bon, j’ai compilé des souvenirs de plusieurs soirées. Et il y a des choses que je n’ai pas pu dire ! Sinon après, tu fais remonter des choses inutiles.

A : Et tu mènes toujours ce mode de vie de fêtard ? 

AL : Non, tu t’assagis avec les années. Enfin, moi en tout cas. Certains continuent, certains s’assagissent plus tôt. Mais il faut faire des choses qui correspondent à ton évolution.

A : Rider en 2013, toujours pas facile ? 

AL : Super pas facile. Depuis 2002, ils ont mis la barre vraiment trop haut. Quand l’autre est arrivé au ministère de l’Intérieur, il a tout pété. Jusqu’en 2002, on était les rois du pétrole dans la ride. On soufflait dans les éthylotests, les flics les jetaient dans le bois de Vincennes, alors que les trucs étaient violets. Puis l’autre est arrivé et il a tout niqué.

[A2H nous rejoint pour la fin de l’interview]

Jusqu’en 2002, on était les rois du pétrole dans la ride. On soufflait dans les éthylotests, les flics les jetaient dans le bois de Vincennes, alors que les trucs étaient violets.

A : Revenons sur Studio Liqueur. Comment s’est déroulée la réalisation de ce projet ? 

AL : L’album s’est fait en un peu moins d’un mois. On n’a pas vraiment pris de recul pour ce projet. On a juste fait quelques amorces de titres, on s’est calés là-dessus et c’était parti. Au tout début, on a juste enregistré un titre qui devait être sur Ride hivernale et au moment de sortir Ride hivernale, on s’est dit qu’on devrait faire un album ensemble et j’ai donc gardé ce morceau, qui s’appelle « Allume la lumière » et qui est aussi avec Taipan, pour ce projet-là. Le premier titre date donc de décembre, mais pour le reste, on a commencé fin février. On s’est fixé une deadline pour que l’album sorte au plus tôt et qu’on puisse en profiter l’été. Jusqu’à hier, on faisait encore des mixes, des voix, etc.

A2H : Le but, c’était de faire quelque chose de spontané, pas de se poser pour conceptualiser.

AL : 3010 a posé hier par exemple. S’il n’était pas venu, on faisait le morceau à deux. Samedi, on a fait quatre ou cinq heures de studio pour enregistrer des voix. On avait rendez-vous ici à 15 heures, A2H se pointe chez moi à 15 heures, j’étais encore sous la douche, je sors, il me dit qu’il a paumé ses textes ! On ride, on fait cinq cent mètres, je lui dis « tiens, ce serait pas des textes, là, sur le trottoir ? « , il y va, « ah ouais, c’est mes textes », et là on va au studio pour enregistrer.

A2H : True story ! [rires]

AL : C’est comme ça que cet album s’est fait !

A : Et c’était comment de collaborer ensemble sur tout un album ? 

AL : C’est très plaisant de travailler avec des artistes comme A2, qui vivent la musique, qui le font parce qu’ils ont envie de le faire, et pas parce qu’ils veulent se placer. Et d’aller au studio, d’écrire au studio, de poser, de lancer une idée, d’enchaîner, de créer une émulation… Il y a des mecs comme ça qui donnent de leur personne et qui te communiquent une énergie, mais qui sont assez professionnels pour pouvoir permettre un équilibre dans l’improvisation. C’est bien de mouiller le maillot, mais il faut aussi que ce soit bien fait. Quand tu retrouves ces deux composantes chez les gens, l’énergie et la technique, c’est très agréable de bosser avec eux.

A2H : Moi, c’est la première fois que je taffe avec un « réa », un référent si l’on veut. D’habitude je bosse avec plein de beatmakers différents et même si j’ai une équipe, c’est toujours moi qui fais les arrangements, qui rejoue des éléments, qui suis là pour le mix et le mastering. Je reviens quasiment sur toutes les productions que je prends, je rajoute des instruments dessus, etc. Et là c’est la première fois, depuis douze ans que je rappe, que je ne fais rien. C’est quelque chose qui va changer ma manière de travailler à l’avenir je crois.

Je suis un autodidacte, je suis vraiment dans le home studio, à expérimenter et ainsi de suite… Là en taffant avec Alpha qui avait déjà des instrus, des idées, moi j’ai laissé faire. Il m’a même conseillé de poser plus comme ci ou comme ça sur tel morceau, alors que d’habitude je me fais ma propre idée. Du coup, ça m’a permis d’essayer des choses différentes et de faire des choix que je n’aurais pas faits tout seul et ça c’est enrichissant. Moi, ça fait cinq ans que je suis avec la même équipe et tu prends forcément des automatismes. Certains sont bons, mais d’autres sont des réflexes qui te poussent à aller au plus simple et à éviter les choses que tu maîtrises moins. Sortir de ces automatismes, c’est vraiment ce que je mettrais en avant dans le fait de partir bosser avec des gens que tu ne connais pas.

Quand j’ai commencé à bosser avec Alpha, je ne le connaissais ni humainement, ni musicalement. Je n’avais entendu que « String-volant » et « Pavillonner » ! Je ne connaissais pas son œuvre. Je suis allé bosser avec Alpha parce que je le sentais. C’est pour ça que la spontanéité est vraiment le maître mot du projet. Je suis venu, je ne savais pas ce qu’on allait faire ! [rires]

AL : Et je n’avais même pas de weed pourtant !