The Carter : la vie Lil Wayne
Plongée fascinante dans le quotidien de Lil Wayne, le documentaire The Carter fait le portrait d’un artiste unique en son genre. Entretien avec Adam Bhala Lough, réalisateur du film et témoin du phénomène.
Abcdr du Son : Qu’est-ce qui vous a amené à réaliser ce documentaire sur Lil Wayne ?
Adam Bhala Lough : Pour répondre à cette question, je dois revenir un peu en arrière. J’ai eu vent qu’il existait une scène rap à la Nouvelle Orléans pendant mon année Junior au lycée, en 1995. J’ai grandi en Virginie et je travaillais chez Records Town, un magasin de disques situé dans un centre commercial en périphérie de Washington. Le rap sudiste n’était pas du tout populaire aux Etats-Unis, la rivalité East Coast / West Coast battait son plein et tout ce qui passait à la radio, c’était soit Bad Boy, soit Death Row. Mais en Virginie, les radios se sont mises à passer « Bout It bout It », le morceau d’un rappeur de la Nouvelle Orléans appelé Master P. Le morceau cartonnait, et peu de temps après, on a commencé à vendre Bout it Bout it, le film, en VHS. Quand je l’ai vu pour la première fois, je me suis dit que c’était le pire film de l’histoire. Sans rire. C’était un mélange entre le cinéma Blaxploitation des années 70, le pire des films hip-hop 80 type Tougher than Leather de Run DMC et New Jack City, mais tourné avez zéro budget au fin fond de la Nouvelle Orléans. Malgré ça, le film a cartonné. Ça a fait connaître la Nouvelle Orléans et No Limit – au moins en Virginie – et depuis je le considère comme un film culte.
A cette époque, j’ai entendu parler d’un collectif rival, Cash Money Records. Dans une ville comme la Nouvelle Orléans, il suffit de deux labels pour mettre le feu à toute la ville. Il y avait du buzz autour d’un nouveau MC appelé Juvenile. Son premier album allait sortir chez Cash Money dans les mois à venir. La première fois que je l’ai entendu, il me semble que c’était sur le morceau « Soulja Rag ». J’ai été stupéfait par son style et le timbre de sa voix. Sa voix était unique, elle sortait vraiment du lot au milieu des rappeurs new-yorkais ou sud-californiens qui occupaient les ondes pendant les années 90. J’ai commencé à le suivre de très près. Son deuxième album a cassé les barrières régionales : non seulement les grosses radios l’ont joué, mais ça a aussi été un succès critique. La label devait beaucoup à Mannie Fresh et ses productions qui mélangeaient le Booty Bounce du 2 Live Crew, des charleys pétaradants et de l’électro. Avec lui, tout ce qui pouvait sortir de chez Cash Money finissait disque d’or. Vers 1998, ils ont changé le rap avec leur première sortie des Hot Boys, leur « supergroupe » : Juvenile, Turk, BG et leur « bébé », Lil Wayne.
A : A l’époque, que pensiez-vous de lui ?
ABL : A la différence des autres MC’s pubères de l’époque, Lil Wayne ne portait pas ses habits à l’envers, il ne parlait pas des filles qu’il avait rencontré sur le terrain de jeu. A la place, il balançait des trucs hardcore à mort. Des histoires de drogues et de flingues. Le problème, c’est que ses textes étaient limités et sa voix pas encore assez développée. Il était dans l’ombre de Juvenile et BG. Pire : c’était la cinquième roue du carrosse, le genre de type qu’on oublierait dès que le groupe se séparerait. Au mieux il allait sortir un ou deux albums solo avant de disparaître dans l’oubli. Quand les Hot Boys ont sorti Get It How U Live !!, je n’avais aucune idée de ce qu’allait devenir Wayne dix ans plus tard. Personne n’en avait idée. Mais en dix ans, il a bossé dix fois plus dur que n’importe quel autre rappeur pour progresser, devenir le « Best Rapper Alive ». Et c’est arrivé.
A mon avis, le fait qu’il soit resté solidaire de Baby et Slim alors que Juvenile et BG sont partis, ça l’a énormément aidé. Ils lui ont donné du temps et de l’espace pour se développer en tant qu’artiste. Et surtout, il a pu éviter la prison. Entre 1998 et 2008 Wayne a bossé tranquillement dans son coin pour devenir le plus grand rappeur en activité. QD3 Entertainment avait déjà en tête de faire un documentaire sur lui. Ils m’ont contacté pour que j’en sois le réalisateur. Vu ma passion pour le rap de la Nouvelle Orléans, j’ai sauté sur l’opportunité.
A : Selon vous, qu’est-ce qui distingue Lil Wayne de ses pairs ?
ABL : A peu près tout. Il n’a vraiment pas d’égal. Mon opinion est sans doute biaisée étant donné que je n’ai pas eu la chance de passer un an à suivre la vie d’autres rappeurs de son niveau. Cela dit, de mon petit point de vue, la différence la plus évidente entre Lil Wayne et ses pairs, c’est son éthique de travail et son processus artistique. Il bosse 24 heures sur 24. Et suite à des circonstances qu’il ne contrôle pas forcément, on l’a placé dans une situation où tout ce qui compte pour lui est d’enregistrer le prochain morceau. Créer la prochaine œuvre. Il faut bien comprendre que tout, j’ai bien dit tout lui est fourni : la nourriture, les vêtements, le logis, le divertissement… Toutes les nécessités de la vie sont gérées par le groupe de soutien qu’il a bâti autour de lui afin que rien ne puisse l’empêcher à travailler. C’est précisément la situation que lui et son entourage souhaitent, le temps pour lui de décrocher un milliard de dollars… ou alors de s’autodétruire. La plupart des artistes doivent s’occuper des factures, aller trouver de la bonne weed, acheter un truc à manger – Wayne ne fait rien de tout ça. Il dispose d’un chef cuisinier à plein temps, et quand le chef n’est pas là, son équipe d’assistants se charge de lui rapporter tout ce qu’il veut dans son bus ou au studio. Il n’a même pas besoin d’acheter des fringues, tout lui est envoyé. Gratos. Ça lui laisse tout le temps pour se concentrer sur sa musique. Après avoir vu ça, je comprends mieux pourquoi il tatoué la phrase « I am music » sur son visage.
A : Comment travaille-t-il ?
ABL : Son processus artistique est assez unique dans le sens où il n’écrit pas ses textes sur papier, ça lui vient comme ça et il les enregistre rime par rime. Ce n’est pas du freestyle au sens traditionnel du terme mais quelque chose de nouveau et différent. C’est le futur du rap, tout simplement. Il a une telle compréhension de la technologie qu’il a trouvé un nouveau moyen d’enregistrer ses textes. Il enregistre une pensée, s’arrête, la réécoute en boucle et puis il en enregistre une deuxième qui n’aura peut-être pas de lien conscient avec la précédente – mais certainement un lien inconscient. Le processus se répète jusqu’à ce que la chanson soit terminée. C’est pour cette raison que ses meilleurs morceaux ressemblent à des poèmes sortis de son inconscient. Ça le distingue complètement de ses contemporains qui écrivent encore avec des structures habituelles – seize mesures/refrain/seize mesures/refrain… Je ne dis pas qu’il n’emploie pas aussi cette méthode là, mais ses meilleurs morceaux sont ceux où il se retrouve dans sa zone, en cabine d’enregistrement, et qu’il se met à créer des connections mentales bizarres entre des choses aléatoires : le sexe, les flingues, la drogue ou le Ice Road Truckers show (c’est un reality show honteux aux États-Unis).
Et puis surtout, Wayne rappe depuis qu’il a huit ans. Il est célèbre depuis ses douze, treize ans. Il a fait ses premières tournées vers quatorze ans et il ne s’est jamais arrêté depuis. Donc voilà quelqu’un qui fait du rap à plein temps depuis quinze ans. Son succès n’a rien d’instantané : beaucoup de gens ne réalisent pas qu’il n’a rien d’un nouveau venu. Il n’est pas le produit d’une maison de disques, il est un vétéran de vingt-huit ans et tout musicien désireux de progresser ferait bien de l’observer de très près.
« On a placé Lil Wayne dans une situation où tout ce qui compte pour lui est d’enregistrer le prochain morceau. »
A : Quelle est la chose la plus surprenante que vous avez découverte sur Lil Wayne en faisant ce film ?
ABL : Ce qui m’a le plus surpris, c’est que Wayne ne sort pas du tout dans les clubs, il ne passe pas ses nuits à boire du champagne hors de prix en courtisant des femmes elles aussi hors de prix. En fait, la seule fois où nous nous sommes retrouvés en club, c’est le jour où Tha Carter III a atteint le million d’exemplaires vendus. Ils ont loué le Lucky Strike à Hollywood rien que pour lui mais il n’est même pas venu y faire un tour. Il était dans son bus, entrain d’enregistrer « A Milli Sold ». Baby, Slim, tout le monde était là, sauf lui. Ça m’a choqué.
A : Dans le film, Brian « Baby » Williams apparaît comme une figure à la fois discrete mais très influente sur Lil Wayne. Quel regard portez-vous sur leur relation ?
ABL : De ce que j’ai vu, ils ont véritablement une relation père-fils, ce n’est pas qu’un coup publicitaire. Partout où ils vont, ils sont ensemble et Baby prend soin de lui comme un vrai père – il fait d’ailleurs la même chose avec les enfants de Wayne. Les deux jouent à la Playstation ensemble, ils peuvent parier des dizaines de milliers de dollars sur une seule partie. Leurs échanges sont incroyables. Lil Wayne compte énormément pour Baby, ça ne fait aucun doute. Et c’est vraiment grâce à Baby que Wayne est devenu l’artiste et l’homme qu’il est aujourd’hui. De mon point de vue, leur relation est solide comme un roc.
A : Lil Wayne est passé de rookie chez Cash Money à star mondiale. Maintenant, il tente de se réinventer avec un album rock. Que pensez-vous de cette évolution ?
ABL : Pour moi, c’est une démarche identique à celle de Bob Dylan qui passe de la folk acoustique au rock. Tous ses fans de plus de 50 ans vont lui rire au nez mais rien à foutre : il est blasé de ce qu’il fait, il en a fait le tour. De toute façon, les genres sont entrain de converger les uns vers les autres donc c’est une progression naturelle. Bientôt il n’y aura plus de genres du tout. Si tu te considères comme un artiste, alors tu dois pouvoir tout faire. Wayne est aux avant-postes de ce mouvement. Un Lil B est l’un des effets directs de l’influence de Lil Wayne sur la musique et la culture populaire. Lil B couvre tous les styles. Tout est mélangé, il n’y a plus de règles. D’un côté, c’est assez terrifiant mais aussi incroyablement libérateur. C’est merveilleux de pouvoir observer un tel phénomène. D’ailleurs, à propos de Dylan : j’ai signé pour le projet The Carter en décembre 2007. J’ai alors entendu dire que Wayne avait sorti une guitare électrique sur scène pendant un concert à New York et s’était mis à jouer. Quand j’ai appris ça, je me suis dit que quelque chose de vraiment intéressant était entrain de se passer.
A : L’entourage de Lil Wayne, son manager en particulier, semble avoir été particulièrement ouvert avec vous pendant le tournage. Le degré d’intimité que vous avez réussi à obtenir est assez impressionnant. A votre avis, pour quelle raison s’est-il désolidarisé du film au final ?
ABL : Je ne sais pas s’il s’est lui-même désolidarisé ou si son « équipe » s’en est chargée à sa place. Je ne suis pas dans le secret des dieux, on n’a rien voulu me dire. Tout ce que je sais, c’est qu’il a adoré le film. Quand on lui a projeté le film, on m’a dit qu’il sautait partout, il se marrait et rappait sur les images. Des proches de l’équipe Young Money m’ont même dit que le film passait en boucle dans son bus. Il le montre aux amis de passage. Donc je vais plutôt dire que ses « gestionnaires » ont du trouver plus judicieux de retirer son soutien.
A : Au début du film, on apprend que Wayne ne vous a accordé aucune interview en tant que telle pendant le tournage. Si vous pouviez vous retrouver face à lui aujourd’hui, que lui demanderiez-vous ?
ABL : J’ai toujours voulu savoir comment il faisait pour rester aussi mince. Je ne l’ai jamais vu faire des pompes ni soulever des poids, et pourtant il réussit à être toujours en forme. Ça m’intrigue vraiment.
A : Qu’avez-vous appris de Lil Wayne en interrogeant sa fille ?
ABL : Sa fille sait rapper. Elle est douée à ça, c’est une gamine extrêmement intelligente et talentueuse. Dans ce sens, elle ressemble beaucoup à son père. Elle est un enfant prodige comme lui l’a été. Bien sûr, son père lui manque beaucoup, elle aimerait l’avoir plus souvent auprès d’elle mais son emploi du temps est tellement rigoureux que ça rend les choses difficiles. Dès le début du tournage, on a essayé de les avoir tous les deux ensemble pour une scène mais même en neuf mois, on n’a pas pu y arriver.
A : L’un des moments les plus marquants du film intervient quand Wayne met à la porte un journaliste qui veut lui parler de jazz, de poésie et de la musique à la Nouvelle Orléans. C’est juste la preuve que les médias généralistes ne comprennent rien au rap ou ça dit quelque chose de plus intime sur Wayne ?
ABL : Tout simplement, je pense que cette scène montre juste que Lil Wayne n’a pas envie qu’on lui parle de jazz ou de poésie en lien avec le rap ! Ce journaliste était vraiment au mauvais endroit au mauvais moment. Peut-être que si l’interview avait eu lieu plus tôt dans la journée, Wayne n’aurait pas réagit comme il l’a fait. Il avait enchaîné les interviews, la journée était longue, tout le monde commençait à fatiguer à ce moment-là. Même ses potes commençaient à s’endormir. Mais c’est pas comme si le journaliste n’avait posé qu’une seule question incongrue – il en a posé cinq à la suite et il est resté dans cette ligne. Il n’a pas vu les indices. Après que Wayne l’ait jeté, il y a eu comme un soupir collectif de soulagement dans la pièce. Chacun a repris ses esprits, Wayne a pris un moment pour souffler et il a été très gentil avec le reporter suivant. Ensuite un journaliste allemand est arrivé. J’avais prévenu le type que Wayne était un grand fan de FIFA soccer, du coup il lui a posé des questions sur le sujet et Wayne était super excité d’en parler. L’interview était très positive. Parfois, dans une interview, tout se joue sur la première question.
A : Il y une autre scène très ambiguë et déstabilisante : la séquence où Wayne raconte son « viol » [NDLR : le viol en question étant son dépucelage par une groupie à l’âge de 11 ans]. Avez-vous hésité à inclure cette scène dans le film ?
ABL : Pas un instant. Je me souviens, au moment où je filmais cette scène, je me suis dit « Ça, ça sera forcément dans le film. » C’était une histoire incroyable racontée par un narrateur incroyable. Quel cinéaste oserait couper une scène pareille au montage ? Ça va à l’encontre de toutes les règles de bonne mise en scène. Je me fous de savoir si les gens vont être choqués : c’est un moment emblématique du film, la scène est captivante. Elle divise énormément le public. Une partie des gens se marrent car ils s’y identifient. L’autre partie est horrifiée. Mais au-delà de ce qu’il raconte, la scène en elle-même est électrique uniquement par la façon dont Lil Wayne raconte son histoire.
« Je ne sais pas s’il s’est lui-même désolidarisé du film ou si son « équipe » s’en est chargée à sa place. Tout ce que je sais, c’est qu’il a adoré le film. »
Adam Bhala Lough, réalisateur
A : La réalisation de l’album « Rebirth » a eu l’air particulièrement chaotique. Quels souvenirs gardez-vous des sessions d’enregistrement auxquelles vous avez pu assister ?
ABL : J’ai assisté à la naissance de chansons incroyables et il nous a fait écouter de vraies pépites. Je l’ai vu enregistrer une demi-douzaine de chansons pour Rebirth. Aucune d’entre elles ne sont sur l’album. Elles étaient toutes géniales. Pour moi, ça ne fait aucun doute : le label va tout faire foirer. Et je n’ai aucun doute non plus sur le fait qu’il y aura 800 chansons inédites que personne n’entendra jamais – et 100 d’entres elles seront incroyables. Wayne ne choisit pas les titres qui apparaissent sur ses albums. S’il le pouvait, son disque durerait six heures, et ce serait du pur génie. C’est une honte mais les magouilles de l’industrie vont saboter cet album. On dirait même que le sabotage a déjà eu lieu…
A : De votre point de vue, quelle différence y a-t-il entre le Lil Wayne d’avant et après Tha Carter III ?
ABL : Je vois une différence majeure entre Lil Wayne avant la sortie de Carter III et les Grammy Awards. Ça correspond au moment où il a donné cette interview à Katie Couric [NDLR : journaliste américaine, réputée pour ses interviews de Sarah Palin en 2008]. Après les Grammy, son style a beaucoup changé. Mais à ce moment-là de l’histoire, je ne le voyais plus qu’à la télévision, et pas en personne. Mon point de vue n’était donc plus aussi proche de la vérité. En tout cas son image publique a beaucoup changé. Il est passé de rappeur gangsta Nouvelle Orléans – c’est le terme par défaut –à celui de rockstar marketée pour les ados. C’était étrange car la partie gangsta de Wayne était toujours présente, mais elle avait été un peu aseptisée. A mon avis, le fait qu’il se soit « désolidarisé » du film est l’une des conséquences directes de ce changement. Soyons clairs : si on était en 1992 et que je faisais un documentaire comme The Carter autour de 2Pac, Ice Cube ou Eazy E, il n’y aurait aucun problème. Mais 1992, c’était une époque où les rappeurs devaient absolument rester « vrais », sans quoi ils se faisaient laminés. Ça, c’est ma génération : keep it real. Ces gens-là sont la raison pour laquelle je fais des films comme The Carter. Mais dans le marché jeuniste d’aujourd’hui, le « Keep it real » n’existe plus. C’est considéré comme un vieux truc débile et démodé. Ce n’est plus cool d’être un gangster. Les jeunes portent des jeans serrés et chopent leur drogue à la pharmacie. Ça me va, je respecte, mais ce n’est pas ma génération.
A : Vous dites qu’une des choses les plus importantes pour Lil Wayne a été d’échapper à la prison. Maintenant qu’il s’apprête à purger sa peine, vous pensez que cette expérience pourrait lui être néfaste ?
ABL : Il va être intéressant de voir comment il réagit à la vie en prison. Sur un plan purement artistique, ça pourrait lui être bénéfique. Ce mois-ci dans Rolling Stone, Wayne évoque le fait de ne pas pouvoir enregistrer de morceaux dans la prison de Rikers, il va devoir se remettre à écrire avec un stylo et un bloc-notes. Ce changement pourrait faire naître une créativité nouvelle chez lui et le lancer vers d’autres directions musicales. Qui sait que ce qui arrivera ? Peut-être bien que ce sera une expérience positive pour lui au final.
A : Vous avez choisi d’aborder frontalement la question du Styrophoam Syrup, cette drogue que Wayne consomme à haute dose. Vous-mêmes, ressens-vous une inquiétude par rapport à ça ? Est-ce que Lil Wayne risque de finir comme ces icônes pop qui meurent jeunes ?
ABL : No comment.
A : Le film se termine par un plan sur le mot « Misunderstood » tatoué sur le visage de Lil Wayne. Selon vous, quel serait la plus grande incompréhension du public à son égard ?
ABL : Le film se termine sur une note triste. On juxtapose cette image de Wayne qui papillonne autour de Britney Spears, Lindsay Lohan et les Jonas Brothers avec cette image du mot « Misunderstood ». C’est imprimé sur son visage pour que tout le monde sache ce qu’il ressent à ce moment précis de sa vie. La scène en dit plus que tout ce que je pourrais dire sur les raisons qui font de Lil Wayne un incompris.
A : L’expérience The Carter a-t-elle changé votre regard sur les musiciens ?
ABL : Pas vraiment car j’avais déjà passé plusieurs années sur la route avec Lee « Scratch » Perry pour un documentaire appelé The Upsetter. Je connaissais déjà la vie d’artiste et ses enjeux. Mais ce film a changé mon regard sur la célébrité. C’est fascinant d’observer la façon dont les artistes naviguent dans la folie de leur vie. Cette expérience m’a rapproché des célébrités. Je veux travailler davantage avec des gens comme ça maintenant. J’adorerais faire un film comme The Carter avec George Clooney. Ce serait dingue. Imagine la vie que doit avoir ce mec. Ça m’intéresserait de documenter son quotidien en adoptant le même style que The Carter, façon cinéma vérité. Ou alors faire ça avec Prince. Ou bien un sportif, genre joueur de basket ou athlète olympique. Plus il est connu, mieux ce sera. La gloire est le catalyseur ultime en termes de dramaturgie. Avec la gloire, tu peux raconter un million d’histoires, qu’elles soient comiques ou tragiques.
A : Parmi toutes les images que vous avez en tête, laquelle résume le mieux Lil Wayne ?
ABL : Pour moi, l’instant parfait se trouve dans le film, quand il rappe le morceau « 30 Minutes to New Orleans » face caméra. Il est dans son bus entrain de mater les playoffs NBA – un match des Lakers, son équipe préférée – on lui fait un tatouage, il fume un joint, il boit son sirop en écoutant sa musique. Je n’ai jamais vu quelqu’un autant dans son élément que Wayne à ce moment-là. Je suis sûr que si je lui montre cette scène dans trente ans, il sera d’accord avec moi : ce moment le résume parfaitement.
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