Chronique

MC Eiht
Which Way iz West

Blue Stamp Music/Year Round - 2017

Ça faisait une bonne décennie que MC Eiht n’avait pas sorti d’album en bonne et due forme. Un sacré creux pour quelqu’un qui livrait grosso modo un disque solo par an entre le milieu des années 1990 et celui des années 2000. Si on y ajoute que la période 2000-2010 peut être considérée comme sa « décennie oubliée » malgré quelques apparitions remarquées (en particulier sur Good Kid, m.A.A.d. City), il y avait une petite pente à remonter pour le natif de… Augusta, en Géorgie — car ce n’est qu’enfant que celui qui ne s’appelait encore qu’Aaron Tyler déménagea en Californie.

Un retour qui exhibe quelques signes extérieurs de qualité, à commencer par une pochette originale et réussie, avec son découpage du Golden State (ses flics, ses palmiers) sur fond blanc illustrant un titre sans point d’interrogation. Vient ensuite le haut patronage d’un certain DJ Premier, coproducteur exécutif de l’ensemble ; une collaboration pas tellement surprenante si on se souvient que, dès 1992, époque Compton’s Most Wanted (le groupe est ici réuni sur « Last Ones Left »), les deux hommes collaboraient sur un remix de « Def Wish II ». Primo ne produit que trois morceaux sur quinze ; pour le reste, c’est le beatmaker Brenk Sinatra, avec lequel MC Eiht bosse depuis plusieurs années (c’était le cas sur le maxi Keep it Hood sorti il y a cinq ans), qui s’y colle. Mais la moitié de Gang Starr a aussi la riche idée de manifester sa présence par scratches interposés sur la plupart des autres titres, parmi lesquels le très efficace single « Compton Zoo » et son clip ensoleillé, intervenant même vocalement sur le refrain du tout aussi entraînant « Got That ».

Si tout n’est pas aussi accrocheur que ces deux morceaux, Which Way iz West (écoutable en ligne ici) est effectivement une bonne surprise. Qu’il s’agisse de sa voix ou de son flow, l’âge a plutôt réussi à MC Eiht en tant que rappeur, même si son fameux gimmick (« geah! ») est lassant à la longue. Brenk Sinatra quant à lui fait le job, avec un son qui trouve un bon équilibre entre synthés et samples. Le Viennois sait varier les ambiances, entre celle nocturne et carcérale qui attaque le disque (« Shut’em Down ») et celle, laidback et un rien blasée, qui le termine (« You Nia’z »). On passe des influences G-Funk (« Represent Like This ») à du battle rap tendu (« Heart Cold », en compagnie de The Lady of Rage qui confirme là l’esprit de son pseudo), avec même des chœurs chantés sur « Born to Hustle ». Quelques trouvailles sympa en prime, comme le boulot sur les voix funk-soul d’ « As I Proceed », mises sous tension pendant les couplets puis relâchées sur les refrains.

Ce qui contribue à maintenir l’attention est aussi le fait que MC Eiht est souvent accompagné au micro. Parler de who’s who du rap des années 1990 est un brin exagéré. Mais il est vrai que les invités de marque sont nombreux, presque un par morceau, dont WC, Kurupt, Xzibit, le vieux compère B-Real (plus de vingt ans après leur collaboration sur le remix de « Throw your Hands in the Air ») et le New-Yorkais Freddie Foxxx sur un « 4 Tha OG’z » mélancolique à souhait.

Comme ces noms le suggèrent, il ne faut s’attendre à rien de nouveau ; rien d’étonnant pour celui qui, selon certaines sources, viendrait de passer le seuil des cinquante piges. Au contraire, MC Eiht est un gars à l’ancienne, un « real b-boy » qui revendique crânement l’héritage du gangsta rap des années 1990, continuant à rapper sa vie et ses environs au ras du bitume. En l’occurrence, ici, il le fait bien.

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