Chronique

Jedi Mind Tricks
Visions of Gandhi

Babygrande Records - 2003

Gandhi voit rouge…après s’être réapproprié la musique Hip-Hop à travers l’incontournable « Psycho Social LP », les Jedi Mind Tricks semblent donc avoir décidé de donner leur propre version de l’Histoire, en faisant se côtoyer le Mahatma, Mike Tyson, Kublai Kahn et tant d’autres au sein d’une galette dont le nom ne trahit que peu le contenu et les intentions du binôme : il s’agit de revenir fort, très fort, et de fournir tout simplement un album des plus hardcores et violents pour remettre les pendules du rap à l’heure. Connaissant la propension de Stoupe à faire des beats qui tapent dur, et celle de Vinnie Paz à y gueuler tellement qu’on ne les entende plus, le pari ne paraît, à première vue, pas trop risqué. Pourtant, le duo est loin d’emprunter la voie de la facilité qui amènerait à sortir un « Violent by Design » bis.

En effet, finie l’utilisation sempiternelle de la boucle de violon ultra grillée, recette que Stoupe a eu le mérite de jeter aux oubliettes avant de commencer à tourner en rond. Semblant s’être soudainement rappellé de ses origines porto-ricaines, l’enemy of mankind puise ici beaucoup dans la musique hispanique pour un résultat, il faut le dire, un peu mitigé : si ‘Blood In, Blood Out’ convainc d’entrée, on ne pourra pas en dire autant de ‘Walk with Me’, ‘What’s really Good’ ou ‘Raw is War 2003’ que seule la rage de Vinnie empêchent de tomber dans la médiocrité.

Trois morceaux moyens, cela interdit d’emblée à « Visions of Gandhi » d’atteindre le panthéon de la musique Hip-Hop que ses prédécesseurs étaient parvenus à rejoindre : néanmoins, album de Jedi Mind Tricks oblige, les perles sont bel et bien présentes, pour peu que l’on se donne le mal de tendre l’oreille. ‘Rise of the Machines’ est l’une de celles-ci, réhabilitant Ras Kass le taulard, qui montre ici quel peut être son niveau lorsqu’on lui offre une prod de qualité. Comptons également l’oppressant ‘The Wolf’, où l’alchimie avec Ill Bill et Sabac Red se fait de façon grandiose. Enfin, Kublai Kahn offre à Vinnie Paz un terrain de jeu à la mesure de sa rage, Stoupe y lâchant un beat très dur, dans la lignée du Gengis Kahn présent sur « Violent by Design ». Les morceaux cachés fournissent également de bonnes surprises : si le titre de l’Army of the Pharahos est loin d’être inoubliable, c’est avec plaisir qu’on entendra la nouvelle version de ‘I against I’, où le couplet du dissident Jus Allah a été remplacé par l’intervention des Crypt the Warchild d’Outerspace, qui confirme qu’il est une des puissances montantes de l’underground East Coast. Evoquons aussi le remix d »Animal Rap’, qui semble se bonifier au fil des écoutes.

Tout celà suffit donc à conférer à cet album un intérêt certain, d’autant que Vinnie Paz n’avait en aucun cas menti quand il parlait de d’un album 100% « raw Hip-Hop » : il est même probable qu’à trop vouloir être hardcore, il finisse par se faire des ennemis. En effet, ceux qui n’ont pas trop apprécié sa phase sur les bibles qui doivent brûler dans Heavenly Divine ne goûteront probablement guère plus au « I’m the one who hammered the first nail in Jesus ». Ses phases sur Mussolini (« I’m like Mussolini, I rule with a iron fist/ I stab you in the bladder with a dagger and watch you die in piss ») et autres dictateurs ne transpirant pas non plus le bon goût, il sera de plus en plus difficile de convaincre les sceptiques par l’argument (qui a fort bon dos au demeurant) du concept. Pour le reste, Vinnie multiplie les louanges à Allah ainsi que ses habituelles vociférations va-t’en-guerre, à tel point que la présence de Gandhi au milieu de tout ça semble plus tenir du kidnapping qu’autre chose. Mais ne boudons cependant pas notre plaisir d’entendre encore une fois Paz hurler comme un trépané, car même si ce nouvel épisode dans sa folie mystico-thuggesque enterre définitivement Ikon the Verbal Hologramm, le garçon n’en demeure pas moins un des MCs les plus charismatiques du moment.

Au final, si « Visions of Gandhi » n’aura probablement pas la postérité des précédents albums du binôme, il n’en demeure pas moins une touche d’une qualité très correcte apportée à l’œuvre d’un groupe mythique en beaucoup de points. Stoupe y confirme sa volonté de se renouveler, sans toutefois parvenir au succès escompté. Vinnie quant à lui reste indéniablement fidèle à lui-même. A venir maintenant pour le duo de Philly le LP de l’Army of the Pharaohs (JMT, Apathy, 7L & Esoteric, Outerspace, King Syze), dont le mix CD « Rare Shit, Collabos & Freestyles » est parvenu à mettre l’eau à la bouche même aux nostalgiques de l’ancien roster de l’AOTP…

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