Aelpéacha
Val II Marne Rider
« Y’en a qui rêvent de buildings, de doudounes et de Tim, moi c’est juste un petit bain au soleil et barbecue en famille »
Sans retracer l’historique complet du rap français, il est facile de reconnaître que, très rapidement, les productions hexagonales ont largement puisé leurs influences du côté de la grisaille de la Grosse Pomme plutôt que vers le soleil californien. Assassin, NTM, IAM ou encore Solaar, tous revendiquaient un héritage sonore exclusivement New-Yorkais, citant pêle-mêle les incontournables que sont Rakim, Kool G Rap, Grandmaster Flash ou Krs-One quand on leur demandait qui étaient leurs modèles. Et si N.W.A pouvait parfois se lire sur certaines lèvres, c’était davantage pour le fond de leurs disques, fortement contestataire, que pour la forme et les beats du Docteur et de Dj Yella. Il aura fallu attendre l’avènement de groupes comme Tout Simplement Noir et, bien sûr, le Ministère Amer pour sortir un peu de la tendance jazzy/boom bap qui semblait encore être la norme à l’époque.
Aujourd’hui, la « Westcoast française » est installée et hyperproductive. Avec 187 Prod comme point d’ancrage, des artistes comme les Sales Blancs, Driver, Southcide 13 et, bien sûr, Aelpéacha, ont multiplié les projets depuis quelques temps. Entre albums solos et compilations familiales (West rider ou Bandana music), ils ont développé un univers propre qui mériterait presque un lexique pour les non-initiés.
– Aelpéacha : Pseudonyme du principal acteur de la scène westcoast française. Pour connaître son origine, il suffit de prononcer à voix haute A.L.P.H.A.
– Black Pimp Thomas : une sorte de personnage récurrent sur les albums westcoast, entre Dj Easy Dick et Rick James. A noter que c’est Thomas N’gijol qui se cache derrière le costume de Pimp fatigué.
– LB (ou liquide bienfaisant) : Simplement la tise qui coule à flots dans les textes de nos riders hexagonaux.
– Splifton : Le fief. Pourquoi ce nom ? C’est une traduction améliorée de Joinville-Le-Pont.
– …
« Qu’on me traite de clown, je m’en tape, en France, qui n’est pas une copie dans le rap? »
Loin du « rap français qui ne sympathise pas« , Aelpéacha se fait donc le porte-parole d’un mouvement décomplexé. Reconnaissant pleinement aux Américains la paternité du rap, il se positionne comme un descendant légitime des Dj Quik et autres Daz Dillinger. Le programmes est donc clair : des grosses basses, des claps en pagaille, des voix féminines souvent utilisées en guise de refrains et des sonorités funk et soul.
Cela dit, il s’agit autant de G-Funk et de talk box que de lowrider et de bandanas. Car c’est tout un style de vie qui est fantasmé, rappé et même chanté lors d’un interlude à la gloire de Monsieur Soleil (‘Dédicacer pour vous’). A Splifton, on ne fait pas de politique (« Démago est la France Black-Blanc Beur, je lève mon verre pour tous les riders car ils ne voient pas la couleur« ) mais on roule à 40 kilomètres heures le regard braqué vers les cités pavillonnaires de Compton, cherchant à se trouver des points communs avec ses héros californiens. Entre hymne à la débauche (‘On se fout en l’air’), célébration des symboles westcoast (« Le soleil brille, les barbecues grillent« ) et une pléiade de bons mots et de références qui provoqueront un sourire chez l’auditeur (« Sors ta poitrine comme si tu voulais passer au zapping« ), les lyrics d’Aelpéacha n’ont d’autre prétention que de constituer l’accompagnement parfait d’une journée ensoleillée. Journées ensoleillées qui, selon Alpha, devraient être plus nombreuses si l’on en croît le morceau ‘Pour le réchauffement’ qui « souhaite la bienvenue aux mini jupes de février » et suffirait à s’attirer les foudres de n’importe quel lobby écologiste.
Qu’il tente une incursion dans le reggae (‘Summertime’) ou qu’il reprenne une célèbre mélodie de Julien Clerc (‘La Californie’), Aelpéacha demeure le chef d’orchestre d’une ballade de 21 pistes en forme d’hommage à tout un pan du rap, qu’il soit américain ou hexagonal. Les noms qui jalonnent le disque (Spice 1, Kurupt, N.W.A, Ministère Amer…) rappellent qu’Aelpéacha est avant tout un passionné qui joue sur le terrain du rap comme dans une cour de récréation : profiter au maximum du temps imparti, s’amuser, rêver avant que la platine ou que la sonnerie ne nous ramène à la réalité.
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