Iswhat?!
Things That Go Bump In The Dark
Pour qui aurait pu croire que le groupe surferait sur la vague Big Appetite, leur précédent album et le plus accessible à ce jour, le premier morceau, « foul », avec ses pépiements d’oiseau, met tout de suite points sur les i : Iswhat ?! ne s’est pas décidé à rentrer sagement dans le rang. Le trio formé par le MC Napoleon Maddox, le saxophoniste Jack Walker et le percussionniste Hamid Drake, ainsi que la ribambelle d’invité(e)s qui les accompagne (les saxophonistes étant à l’honneur), continue à faire son chemin hors des sentiers battus.
Certes, Things That Go Bump In The Dark, mixé par Bob Power (maître d’œuvre des trois premiers albums d’ATCQ et du Buhloone Mind State de De La Soul, entre autres), compte quelques morceaux accrocheurs, aussi bien dans un registre enlevé (« The good fight », chargé d’instruments et qui démarre sur les prémices d’un combat ; le single « Hands up quick ») que plus tranquille (l’envoûtant « Dawn », avec ses deux sax, ou « Meant somethin’ », l’un des morceaux les plus doux de leur discographie, qui convie comme sur deux autres morceaux le rappeur Boogie Bang, déjà présent sur Big Appetite). Cependant, même pour ceux-là, on est loin du formatage, comme on est loin des formules jazz-rap plus ou moins standardisées. La construction des morceaux est toujours aussi travaillée, et l’esprit free jazz irrigue toujours l’inspiration (l’un des meilleurs exemples étant l’imprévisible « Get up in the night », dans lequel déboule sans crier gare à 1’44 Marc Nammour de La Canaille, parmi d’autres surprises).
Autant dire que même avec les meilleures intentions du monde, les tentatives de cataloguer ce groupe à géométrie variable, ou de l’assimiler à un mélange d’artistes existants (on en trouve toute une liste ici, à laquelle on pourrait ajouter au moins certaines escapades de Steve Coleman), sont vouées à l’échec. Sur cet album, on reconnaît immédiatement le groupe (aucun autre ne sonne vraiment comme ça, il y a une « patte » bien reconnaissable), et en même temps le disque demeure singulier, comme le suggère une pochette (signée Julien Bourgeois) qui ne ressemble à aucune de celles des opus précédents. Si le beat box est nettement moins présent qu’avant, l’album est en revanche truffé de samples vocaux. De manière générale, là où Big Appetite jouait sur l’humour, Things that go bump in the dark est toujours métaphorique mais plus sombre et peut-être plus direct. Et, dès l’intro apparemment désespérée (« As I try to survive / around from the earth / considering of all the predators / mankind is the worst« ), il est garni de messages sociopolitiques, comme dans l’ensorcelant « wtf » contre le militarisme couvert par le secret d’État.
Entrer dans l’univers d’Iswhat?!, groupe incroyablement méconnu et sous-exposé, n’est pas forcément chose facile quand on vient du rap le plus traditionnel. Mais s’y aventurer vaut le coup d’essayer, surtout si on a l’impression de tourner en rond. Pour écouter autre chose, c’est ici que ça se passe.
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