Deltron 3030
The Instrumentals
Comment peut-on parvenir à surprendre lorsque l’on a déjà atteint des sommets ? C’est l’interrogation légitime que tout auditeur de Deltron 3030 (Dan the Automator, Del Tha Funky Homosapien et Kid Koala) est en droit de se poser au regard de cette version instrumentale. Véritable odyssée sonore, cet album avait pour lors remis en question les préceptes hip hop les plus figés en marchant sur la voie ouverte par Dr Octagon quelques trois années plus tôt. Les orchestrations impeccables de Dan the Automator, alliées au flow et au charisme d’un Del alors à l’apogée de sa forme, avaient donné naissance à un album dépourvu d’influence et de tout repère temporel, à mi chemin entre ballades oniriques et futurs apocalyptiques…
Le fait de sortir ce disque « culte » en version instrumentale pouvait s’avérer superflu voir même présomptueux, nombreux étant ceux qui pouvaient appréhender les boucles étirées sur quatre minutes. Et Del, y multipliant les prouesses et l’ayant marqué ce de son empreinte (‘Virus’, ‘Upgrade’…), il était délicat d’en faire véritablement abstraction. Pari osé et des plus difficiles donc mais, les fans, nombreux et conquis d’avance, ne pouvait manifestement qu’y tendre une oreille curieuse avec une attention non dissimulée.
Si tous les sons de cette version instrumentale sont en toute logique familiers, il est toutefois indéniable qu’ils constituent une véritable re-découverte. Le premier morceau, ‘3030’, en est le l’exemple le plus parlant : orchestration parfaite de sept minutes au cours desquelles Automator déploie tout son savoir : échantillonages parfaits, gradations, beat discret mais incisif… et le tout sans effet de manche redondant. A l’instar de ‘Battle song’, le producteur dirige ses samples à la manière d’un chef d’orchestre, régulant ceux-ci d’une main experte et sans jamais rebuter l’auditeur malgré leur éclectisme. Des cuivres classiques (‘Memory Loss’), un solo d’harmanica (‘Time Keeps on Slipping’) viennent ainsi se fondrent parfaitement aux sons futuristes les plus énigmatiques.
Si un autre morceau devait ressortir de cet album, ce serait ‘Things you can do’, sample aigu accompagné de cloches mis en contrepoids d’un beat lourd. Il est l’illustration type du travail d’Automator : un univers perpétuellement en décalage et en opposition.
Plusieurs détails que l’on aurait pu laisser passer avec leur version originale respective sont désormais distinguable. Les sonorités, voulues résolument avant gardistes (visionnaires ?) ne dégagent jamais autant de puissance que lorsqu’elles figurent seules, arrivant par la même à instaurer plus efficacement cette atmosphère aux perspectives ténébreuses. Autre point qui diffère de la version classique, la perception des scratchs de Kid Koala. Ceux-ci sont en effet davantage perçus et appréciés, à l’image de ‘Mastermind’ sur lequel ils viennent apporter une réelle contribution instrumentale.
Même si Automator avait déjà entamer ce concept avec Dr Octagon (The Instrumentalyst : Octagon Beats), l’idée de ressortir « Deltron 3030 » en version instrumentale est somme toute remarquable. Pour peu que l’on se prête au jeu, l’écoute de ces deux albums peut être totalement transformée, chose assez singulière pour faire de cette version un véritable album à part entière. En outre, la réussite de Deltron 3030 : The instrumentals est aussi quelque part celle du hip hop, nul n’osera en effet prétendre que c’est une musique sans âme après en avoir fait l’écoute. Et, si cet EP est une perte, celles des voix et des textes (et par extension de l’humain, comme le rappel la pochette où les Hommes en sont absents par rapport à l’original), c’est aussi pour mettre en lumière et bonifier une autre composante plus obscure : la production. Automator voit loin, très loin, et son inspiration semble s’étendre à perte de vue.
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