Living Legends
The Gathering
Mais que deviennent ces piliers de la scène californienne que sont les Living Legends ? On les a quittés sur une série inégale : des solos très moyens mais, en groupe, un Classic (2005) au titre évidemment usurpé, mais d’une bonne tenue. Eh bien apparemment, on a affaire à une rareté. Après dix ans d’existence et un nombre incalculable de projets et d’apparitions, le groupe est visiblement toujours soudé et le label Legendary Music bien vivant (The Grouch sort même son solo à peu près en même temps). Sans faire mentir son titre fédérateur, The Gathering voit chacun des huit rappeurs du groupe y aller de son couplet sur chacun des sept morceaux. Bref, s’il ne s’agit que d’un amuse-bouche d’à peine plus d’une demi-heure, en attendant un album plus consistant (prévu, normalement, à la fin de l’année), voilà un disque vraiment collectif : les LL signalent clairement qu’ils veulent éviter la dérive du patchwork, qui les a souvent desservis.
Si les légendes vivantes n’ont pas pu attendre le long format pour sortir cette poignée de morceaux, est-ce parce qu’ils ont concocté de telles pépites qu’ils ne pouvaient pas décemment les garder pour eux ? N’exagérons rien. Mais il faut bien dire que ce rassemblement avant l’heure est efficace et prometteur. Avec un tel arsenal de MCs, par le nombre comme par la qualité, il n’est pas facile d’endormir l’auditeur, surtout avec le débit élevé cultivé par Eligh, Murs et consorts. Au-delà des préférences de chacun et des différences de niveau, qui semblent d’ailleurs moins marquées que par le passé, les LL sont réunis par un indéniable savoir-faire. Vélocité, dextérité : tout ça est foutrement bien rappé. Le track éponyme met tout de site dans le bain. Les rappeurs se succèdent au micro sans refrain, juste quelques pauses, sur une prod d’Eligh construite autour d’une boucle de synthé aiguë et entêtante, complétée notamment d’un petit riff de guitare et de perçus en arrière-fond.
Le même Eligh sait trouver les bons enchaînements de boucles (sur ‘War & Peace’, gentil hymne anti-guerre, il place un petit sample de guitare avec effet reverse) et place des modulations discrètes mais notables. Idem pour the Grouch, qui décroche la palme de la diversité : à côté d’un ‘Pants on Fire’ sombre, sur le mensonge généralisé (des nanas au gouvernement en passant par les profs..), il associe son nom au très bon final jazzy (‘After Hours’), agréablement parsemé d’un renfort de trompette. En bas de l’échelle, Bicasso est de loin le moins inspiré. Un ‘Samba’ complètement insipide, un ‘Luva Changer’ pas déplaisant mais un peu facile : après ce doublé, il faudrait que ses camarades ne le laissent pas trop jouer au musicien.
The Gathering est au total un bon petit EP, assuré de faire bouger les têtes avec une ambiance funky faussement minimaliste. On regrette les refrains chantés attendus, comme souvent trop présents, mais qui restent ici plutôt accrocheurs (avec même une bonne vieille sirène sur ‘Pants on Fire’). De l’entertainment pur avec le supplément d’âme politique que permettent les piques anti-Bush, sur des sonorités bien maîtrisées, pas trop synthétiques, évitant surtout la vilaine soupe bounce qui gâchait le décevant Creative Differences de 2004. Puisse cette sommation être suivie d’un feu nourri.
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