Special Teamz
Stereotypez
Un Afro-Américain, un Latino et un Irlandais, tous issus de Boston, ville décrite comme l’une des plus en proie aux tensions raciales des Etats-Unis. Voilà pour le concept Special Teamz. Ce qui nous intéressera plus : un vétéran (Edo. G), une valeur sûre de la scène locale (Jaysaun) et une figure montante aux dents rayant l’asphalte (Slaine). Tel est le roster de cette équipe spéciale, prête à porter haut les couleurs de Beantown, façon triplette Garnett-Pierce-Allen du rap. Sur la feuille de match, ça se présente pas mal. Et Duck Down, label de la légendaire Boot Camp Click ne s’y est pas trompé, en signant tout ce beau monde pour son « debut album ». Ce qui peut paraître en soi un peu inquiétant, l’écurie de Buckshot et Dru Ha ayant déjà assez de mal à promouvoir les artistes de la B.C.C.
Car comme le dit la formule consacrée, ce serait dommage qu’un opus contenant de si bons moments passe inaperçu. L’album commence très fort, à l’excellent ‘Get Down’ succédant ‘Three Kingz’, son instru très « cour du Roi » et ses scratchs dévastateurs accompagnant un refrain plein de modestie : « We are Beantown royalty there is none higher, All sucka MCs gotta call us Sire ». Une véritable pépite. Au même titre que ‘Race Riot’ du reste, morceau aux relents de rythm’n’blues, dont les cuivres puissants parviennent à sublimer un chorus aussi beau que naïf : « This is Hip-Hop music music that we blastin’ right, this is one world spinnin’ and we black and white, this is our world now when we pass the mic, this is our race riot we don’t have to fight, put your fist in the air if you down with us, put your fist in the air and surround the bus, ‘cuz look around this must have been what he seen, when Martin Luther King had a dream ». Autres bons titres, ‘Classical’, le déjà connu ‘Main Event’ (produit par Primo himself) et ‘One Call’. On regrettera par ailleurs que la collaboration avec Pete Rock, Buckshot et l’ubiquiste Sean Price n’ait pas été mieux travaillée, le morceau sonnant comme un vulgaire titre de mixtape.
Hormis ces morceaux phares de l’album, quelques pistes intéressantes, mais aussi plusieurs titres plutôt médicores, voire franchement mauvais. La faute à des refrains chantés sans aucun relief (‘Story of my Life’) ou à des instrus quelconques, conjugués à un certain manque de niaque de la part des MCs (‘Pushaman’, ‘Fight Club’). Autant de temps faibles plutôt gênants, tous situés dans la seconde moitié de l’album, alors que la première partie avait été d’une qualité remarquable. On regrettera également qu’Ill Bill n’ait pas été utilisé pour autre chose que pour un refrain insignifiant, qu’il a apparemment, de surcroit, posé enrhumé (‘Dirty Money’), et que le morceau ayant donné le titre de l’album (‘Stereotypez’) n’ait pas bénéficié d’une meilleure prod.
Parmi les membres de l’équipe, inévitablement, Slaine est celui qui se fait le plus remarquer. Dans la foulée de son excellente mixtape « The White Man is the Devil Vol.2 », chacun de ses couplets fait la différence, et devrait convaincre les derniers sceptiques ne voyant en lui qu’un Eminem du pauvre. Un vécu, un univers et les bonnes connexions, ce garçon serait déjà en rotation sur MTV sans un faciès de boucher ukrainien et un rapport surprenant à la coke. Edo. G quant à lui fait le métier, fort de son expérience et toujours faussement pataud, ses prestations empreintes d’une certaine bonhommie le rendant attachant, même sans être un monstre de technique. Jaysaun, peut-être le moins connu du trio, se révèle dans un style plus « brut de décoffrage », moins dans la nuance : « Jaysaun’s deep in your blind spot, but everyone can see what’s comin’, when your brain is on the sidewalk ».
« The Mixtape », mixtape officielle du crew sortie en 2005 le laissait entendre, et « Stereotypez » le confirme dès les premières pistes : Special Teamz est dépositaire d’un réel savoir faire, d’une science du banger quasi-imparable. Utilisée malheureusement avec parcimonie ici, plusieurs temps faibles venant un peu plomber le bilan d’ensemble. En tout cas, rien n’est fait à moitié, quand c’est mauvais c’est difficilement supportable (‘Story of my Life’, Pushaman’, ‘Fight Club’), et quand c’est bon ça tutoie le splendide (‘Get Down’, ‘Three Kingz’, ‘Race Riot’). Le trio semble n’avoir pas su se décider entre faire un album dans un registre où il excelle (le boom-bap/rap hardcore classique) ou un LP plus « crossover », genre dans lequel ceux qui ne savent pas y faire ont vite fait de tomber dans le « quelconque ». Du coup, il a choisi la voie du milieu, livrant une copie qui se révèle franchement bonne mais aurait pu être excellente.
Pas de commentaire