Chronique

Wildchild
Secondary Protocol

Stones Throw Records - 2003

Rappeur du groupe Lootpack aux côtés de Madlib et DJ Romes, Wildchild se décide enfin à sortir son premier album solo, annoncé depuis quelques mois maintenant. Si cette attente est essentiellement du au fait que Madlib ait été très occupé avec ses différents projets (JayLib avec Jay Dee, Madvillainy avec MF Doom, A Lil’ Light avec Dudley Perkins, Shades of Blue sur Blue Note…), le fait que trio soit continuellement en train d’enregistrer des titres pour le successeur du classique Soundpieces : Da Antidote a également représenté un frein. Quoiqu’il en soit, la préparation de cet album et du prochain Pack semble tout de même relativement liée. Dès lors, bien plus qu’un premier solo, Secondary Protocol se révèle être une nouvelle étape discographique de Lootpack et un réel avant goût du second opus, qui ne devrait désormais plus tarder à sortir.

A l’évidence, bien que Wildchild décide de faire route seul le temps d’un LP, ce n’est certainement pas en terrain inconnu car celui-ci porte définitivement le sceau de Lootpack. Un rapide coup d’œil du côté des producteurs suffit à comprendre que ce Secondary Protocol ne peut être que dans la continuité des travaux entrepris par ces originaires d’Oxnard. C’en est même une nouvelle étape logique. Madlib signe en effet dix productions, le restant étant assuré par son jeune frère, Oh No. Ajoutez à cela que les scratches sont tous signés par DJ Romes, et vous obtenez en quelque sorte une version updated de Lootpack.

Et si Babu et DJ Rhettmatic (Beat Junkies) devaient tous deux produire un son (celui de ‘Rhettmatic’ sera finalement sur le prochain album de Supernatural), on ne peut que se réjouir de retrouver les deux frères à la confection des beats de ce seize titres. Si d’aventure on pouvait craindre un certain mimétisme quant aux sons proposés par les deux producteurs, on est d’emblée rassuré car Oh No, à défaut d’être trop inspiré par Madlib, a définitivement trouvé une touche qui lui est propre. Même si ce qu’il fait au sein de Kali Wild et Epitome laissait déjà entrevoir de solides aptitudes, il ne souffre pas de la comparaison avec son prodige de frère. Il se hisse même à un niveau supérieur par rapport à ce qu’il avait produit auparavant. Les beats sont dans leur ensemble assez clairs, voir simplistes à la première écoute, mais recèlent de subtilités très fines à mesure que le disque tourne. Quelques titres funkys, à l’image de ‘Secondary Protocol’ (Madlib), ‘The come off ‘(Oh No) et surtout ‘Knicknack 2002’ (Madlib), viennent contrebalancer quelques instrus assez dépouillés et desquels il est parfois difficile de dégager une réelle chaleur, en dépit des efforts fournis par Wilchild.

Côté Mcing, Jack Brown apporte la fraîcheur et la spontanéité que l’on attend de lui, à l’image des singles ‘Code Red’ et ‘Knicknack 2002 ‘en featuring avec son pote Medaphoar et Percee P. A l’instar de ces deux titres sortis en maxi il y a quelques temps déjà et d’autres tels que Secondary Protocol, on sent que Wildchild se fait un devoir de redonner ses lettres de noblesse au terme de Maître de Cérémonie. Reprendre en effet la célèbre boucle de piano d’EPMD et inviter le vétéran New-Yorkais Percee P (véritable exploseur de mix-tapes) relève bien plus que du clin d’œil, c’est un véritable hymnes aux valeurs originelles du hip hop. En ce sens le featuring avec Tha Alkaholiks, ‘The Come Off’, est également une forme de retour aux sources puisque Wildchild (ou Lootpack) a débuté sa carrière il y a tout juste dix ans, en 1993, en featuring avec ces mêmes Alkaholiks. Mais ces valeurs ne se veulent ni strictes, ni même figées. Wildchild propose en effet un panel de styles assez surprenants où des morceaux plus techniques et freestyles côtoient des titres beaucoup plus bounces. C’est notamment le cas de ‘Party Up’ avec la chanteuse Vinia Mojica et surtout ‘Bounce’ avec Planet Asia, Aceyalone, Spontaneous et l’instru complétement fou de Madlib. Les thèmes sont eux-aussi assez variés. Wildchild se permet en effet de parler de choses beaucoup plus personnelles et qu’il n’aurait peut-être pas développé sur un album de Lootpack. C’est le cas de ‘Kiana’, qui parle de sa relation avec sa fille. Et bien que le refrain chanté (‘Morsha’) devienne particulièrement exaspérant au bout de deux couplets, le morceau est une grande réussite.

Jamais une prestation de Lootpack n’a réellement déçu. Il ne pouvait en être autrement avec ce Secondary Protocol, qui s’inscrit totalement dans la continuité de ce que s’efforce de produire le groupe. Exception faite toutefois pour les quelques morceaux disons plus « festifs » qu’à l’accoutumée. La sortie de ce premier solo est une excellente occasion pour Wildchild de proposer au public de Lootpack un hors d’œuvre de qualité avant la sortie du second opus tant attendu depuis quatre ans. Et l’écoute de cet LP ne saurait nous rendre plus impatient.

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