Vinnie Paz
Season of the Assassin
La parcours de Vinnie Paz dans le rap est exemplaire à bien des égards. Quinze ans de carrière, six albums avec son groupe, trois avec son crew AOTP, des centaines de concerts à travers le monde. Le natif de Philadelphie s’est imposé au fil des années comme l’une des figures majeures du rap indépendant de la côte est, alors que tant d’artistes ayant fait leurs débuts à la même période que lui sont aujourd’hui portés disparus. Mais toutes les bonnes choses ont une fin : A History of Violence, dernier opus en date de JMT, et The unholy Terror, celui d’AOTP, n’ont pas convaincu, et une certaine lassitude du public a semblé poindre. Pour ne pas se condamner, il allait falloir reconquérir les fans les plus endurcis, mais aussi se renouveler. La marge de manœuvre s’avère ainsi relativement mince. Mais l’exercice du solo, jamais exploré jusque là, paraît idéal pour répondre à cette double tâche.
Vinnie Paz débarque donc avec Season of the Assassin. Vingt-et-un titres, des invités prestigieux, autant au micro (Clipse, Freeway, Beanie Siegel, Paul Wall) que derrière les machines (Lord Finesse, DJ Muggs, Madlib, Da Beatminerz). Et un constat, qui s’impose dès les premières secondes d’écoute : le manque d’ambition et le côté un peu tristounet de A History of Violence est loin, très loin. Vinnie a musclé son jeu, et fournit le gros son pour les autoradios. Les prods de ‘Beautiful Love’, ‘ Street Wars’ ou ‘Kill’em All’, entre autres, sont d’une puissance redoutable. Et parce que soixante-seize minutes à plein régime c’est difficilement tenable, des morceaux comme ‘Keep movin’on’ ou ‘Bad Day’ sont prévus pour apaiser l’ambiance et y parviennent aisément, sans paraître hors-de-propos.
Côté rap, il a fallu se mettre au diapason des bangers proposés par les différents producteurs. Vinnie Paz a donc sorti ses punchlines et egotrips habituels, simples mais efficaces, pour les beats les plus costauds, et gardé ses textes introspectifs pour les instrus les plus tranquilles (‘Keep movin’on’, ‘Bad Day’, ‘Same Story (My Dedication)’). Le flow ne bouge que très peu d’un titre à l’autre, mais l’avalanche d’invités talentueux fait finalement passer ce défaut au second plan. Parmi les prestations des convives, on retiendra particulièrement celles des frangins Malice et Pusha-T (Clipse), de Freeway, Beanie Siegel ou encore Sick Jacken. A l’instar de ‘Beautiful Love’ ou ‘Drag You to Hell’, les morceaux où ces garçons s’illustrent s’imposent comme les meilleurs moments de l’opus. A l’inverse, la collaboration avec Paul Wall tombe un peu à plat. Et si les refrains chantés par Liz Fullerton ou Shara Worden donnent une dimension différente aux morceaux, ceux étant l’œuvre de Block Mc Cloud s’avèrent, encore une fois, un peu superflus.
Derrière des allures de fieffé bourrin, Vinnie Paz est donc un gars plus subtil et intelligent qu’on le croyait. Il s’est donné les moyens d’accéder à un autre niveau, et de ne pas s’enfermer définitivement dans une niche. Les instrus de l’album séduiront toute personne un tant soit peu sensible aux sonorités traditionnelles du rap de la côte est, proposant ce qui se fait de mieux à l’heure actuelle en la matière. Ceux que les refrains chantés rebuteront auront toute une ribambelle de morceaux hardcore à se mettre sous la dent. Le flow répétitif de Paz est gommé par la variété des MCs invités. Le seul défaut, inévitable puisqu’il a fallu contenter tout le monde, est la longueur de l’album. Plus de scratches n’auraient pas non plus nui à l’ensemble. On espère toutefois que l’effort sera salué par le succès, mais aussi qu’il se prolongera sur les projets à venir de Paz et des siens.
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