Chronique

Brotha Lynch Hung
Season of da Siccness

Black Market Records - 1995

Dans les années 90, il n’était pas facile pour un rappeur issu d’une agglomération secondaire des Etats-Unis de se faire remarquer. Avant l’entrée d’Internet dans le business de la musique, les regards étaient majoritairement tournés vers New York et Los Angeles, mégalopoles régnant sans partage. Les artistes venus de villes de moindre importance ont ainsi dû trouver des moyens, souvent pas très subtils, d’attirer l’attention sur eux. Pas étonnant donc que certains des lyrics les plus choquants de l’histoire du genre aient été les « œuvres » de certains de ces MCs (Geto Boys, Three 6 Mafia, Ganksta N-I-P ou encore Esham). Dans le genre borderline, Brotha Lynch Hung, avec son premier album Season of da Siccness, a placé la barre plutôt haut.

Lynch est originaire de Sacramento, Californie. Il s’est lancé dans le rap au milieu des années 80, avec son demi-frère Sicx et X-Raided. Ces deux derniers sont aujourd’hui en taule, et ont encore quelques dizaines d’années à tirer. Le premier a été condamné pour pédophilie, le second pour le meutre au premier degré d’une mère de famille. A priori donc, Lynch n’aurait même pas eu besoin d’en rajouter pour choquer. Une fois digéré certains excès un peu caricaturaux, on touche avec lui à la face la plus sombre du gangsta rap.

La pression ne retombe que rarement sur Season of da Siccness. Pas de morceau dansant pour aérer l’esprit, ou d’airs à reprendre à chœur. Loin du côté mélancolique et dépressif qui constituera quelquefois sa marque de fabrique par la suite, les sonorités proposées par BLH évoque surtout ici le danger, la tension. Les sirènes stridentes se succèdent, torturées de mille façons différentes, mais sans jamais lasser. Elles sont  généralement couplées à des lignes de basse bien rondes et à des breaks lourds et lents. Pour des résultats toujours efficaces, et parfois vraiment sublimes (‘Siccmade’, ‘Rest in Piss’, ‘Season of da Sicc’).

Le support est idéal pour permettre à Lynch de raconter sa vie de gangbanger aux visions franchement troublantes. Le garçon est en tous cas loin de n’être qu’un énième rappeur à donner joyeusement dans la surenchère hardcore. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter son second couplet dans ‘Rest in Piss’, et de s’accrocher. Car Lynch va vite, très vite. Et évite judicieusement d’abuser du flow double-time. Il accélère et décélère avec facilité, colle au beat ou s’en détache toujours à bon escient, se permet quelques escapades ragga (‘Season of da Sicc’, ‘Welcome 2 Your Own Death’) ou des refrains chantés (‘Welcome 2 Your Own Death’, ‘Liquor Sicc’). La voix est chaude et agréable, rappelant un peu celle de Snoop Dogg.

Les invités (Mr. Doctor en tête) n’étant pas d’affreux tocards non plus, on peut réellement considérer Season of da Siccness comme un sommet en matière de rapping. Il s’agit en tout cas de la pièce majeure de la discographie de Brotha Lynch Hung. Par la suite, malgré quelques sorties convaincantes, le Californien n’est jamais parvenu à sortir un opus d’aussi bonne facture. Même s’il faut supporter l’abondance de sirènes, l’atmosphère pesante et les propos très crus pour pouvoir les apprécier, Season of da Siccness est donc une galette regorgeant de qualités, et peut à bien des égards être considéré comme un album majeur.

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