Dreyf
Same player shoot again
En 2005 Dreyf sortait Son d’automne, un sept titres uniforme, parfois morne, rongé par la mélancolie. Sans arracher le bitume, le résultat était plutôt plaisant et sujet à une suite plus aboutie. Quatre années plus tard, quelques projets enterrés au passage sur les chemins de traverses, voici la suite : Same Player Shoot Again vol.1. Au-delà du plébiscite accordé d’emblée par une partie du microcosme Internet, on pouvait très simplement se poser cette question : quels résultats attendre de ce nouveau départ ? La réponse tient en quelques évidences.
Une première : Dreyf a franchi plusieurs caps quand à la qualité de son rap. La rythmique est maitrisée, variée et associée à un timbre de voix marquant. L’évolution s’avère d’autant plus bluffante qu’elle contraste avec la faiblesse de la très grande majorité des invités ; dont le principal mérite reste de mettre un peu plus en valeur l’aisance du taulier. Cette réalité devient encore plus marquante dans une fin d’album particulièrement chaotique.
Une seconde : Dreyf a bouffé du rap français par les racines (« Tellement j’ai arpenté ce rap, si bien qu’j’m’en lasse« .) Il en maitrise pleinement l’univers, avec ses codes et contradictions, jusqu’à glisser régulièrement dans ses textes des références aux pontes du milieu (« On est venu faire parler le cuir usé d’une mallette » (La Rumeur), « Pour cortège, fidèle à mon contexte » (Flynt), « Des quartiers neufs, bref au fond tous le même caisson » (Oxmo). Ces clins d’œil rappellent que derrière le rappeur, il y a encore l’auditeur, traumatisé par les albums de ces dix-quinze dernières années.
Mais au-delà de ces références et détournements, Dreyf confirme un vrai talent d’écriture. Récits, images marquantes (« Déchirer le mic à l’aide du fantôme de Raspoutine« ) et un paquet de références diverses et assumées. L’univers fantasmé des super-héros fait écho aux Star Wars, Retour vers le futur, mais aussi à une identité non-dissimulée (« Je porte mon étoile jaune dans mes gênes« ).
Une troisième : la qualité globale des productions. Si quelques ratés viennent ternir un peu l’ensemble, ce patchwork de producteurs de l’ombre occasionne non seulement une certaine diversité musicale, riches de ses influences éparses, mais également de vraies réussites. Aux premiers rangs desquelles figure incontestablement ‘Le blues de Neverland’, un authentique rouleau compresseur guerrier, ‘Golden gun’ dont l’univers low-fi et indien rappelle Madlib, et ‘Comme dans un coin du Bronx’, caché en fin de parcours et heureusement pas passé à la trappe.
Bien plus varié et rentre-dedans que son prédécesseur, Same player shoot again vol.1 parait, lui, calibré pour survivre à toutes les saisons. Il a enfin le grand mérite de s’apprécier à la fois pour ce qu’il est, mais aussi pour ce qu’il laisse présager.
Pas de commentaire