Chronique

Action Bronson
SAAAB Stories

Vice / Atlantic - 2013

Il est désormais partout. Sur toutes les scènes d’Amérique et d’Europe, sur tous les réseaux sociaux et sur quelques-uns des albums qui comptent vraiment. Et si les fourneaux semblent définitivement derrière lui, Bronsolino semble avoir trouvé une certaine recette pour le succès. Un succès qui tiendrait à une alchimie entre un rythme de stakhanoviste, un goût pour la mise en scène déjantée et un enthousiasme contagieux. L’écho donné à chacune de ses nouvelles sorties semble à l’image de sa barbe rousse : il parait un peu plus volumineux chaque jour, jusqu’à se demander où cela va pouvoir s’arrêter.

Dernier né d’un cerveau agité, SAAAB Stories ne vante pas les mérites de la bagnole suédoise. Il déroule plutôt le tapis extensible de l’univers d’Action Bronson. Un monde où il est régulièrement question de bouffe, de femmes et de sportifs de second plan. Le catcheur Marty Jannetty, les grandes tiges Dikembe Mutumbo et Shawn Kemp, le batteur Jose Canseco, tous apparaissent brièvement dans cette mosaïque ponctuée de références inattendues. Un grand patchwork porté par une imagerie forte, où même les démonstrations de force flirtent entre le premier et le second degré.

« I been a grown man since I had a baby dick. » (« 72 Virgins »)

Un peu charmeur de serpent absurde, Bronson n’est pas juste une bête de cirque qui aurait troqué un nez rouge contre la barbe de Zangief. Il sert également des portraits plus sombres avec Flushing (Queens) en toile de fond. Avec l’appui de quelques hauts gradés pour donner le change – Prodigy et Raekwon notamment – notre fils d’immigré albanais n’œuvre pas tout à fait en solo. Mais les renforts sont en roue libre et leurs apparitions s’avèrent aussi dispensables qu’éphémères. Seul Wiz sort du lot sur « The Rockers »  avec un nouveau couplet chargé en THC et à la forme impeccable.

Au-delà de ces collaborations ponctuelles servies en pilotage automatique, SAAAB Stories est l’affaire d’un duo. Celui que l’ancien cuistot forme avec le prolifique producteur de Brooklyn Harry Fraud, à l’origine de l’ensemble des productions de cet EP. Une approche qui s’inscrit dans une certaine lignée, une continuité pour Action Bronson qui avait mené le séminal Dr. Lecter avec Tommy Mas, l’excellent Blue Chips avec Party Supplies et l’inégal Rare Chandeliers avec Alchemist. Sept titres, sept productions aux petits oignons et le reflet de l’étendue de la palette de Harry, l’autre magicien. « La musica de Harry Fraud » mêle adroitement le boom-bap brut (« Strictly 4 My Jeeps »), les envolées enfumées (« Triple Backflip », « The Rockers ») et les petites boucles sombres et minimalistes qu’on croirait extraites de H.N.I.C. (« Seven Series Triplets »). L’alchimie opère et laisse place à quelques moments franchement jouissifs – « The Rockers » et « 2 Virgins » en tête.

Concis et bien mené, SAAAB Stories se déguste comme un antipasto, à mi-chemin entre une entrée et un vrai plat de résistance. Aussi savoureux soit-il, il laisse cependant un goût de trop peu. On peut néanmoins compter sur l’appétit gargantuesque du gros rouquemoute pour ne pas nous laisser sur notre faim.

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