Chronique

J Dilla
Ruff Draft

Stones Throw Records - 2007

« Mort à jamais ? Qui peut le dire ? »

Depuis la disparition de James Yancey en février 2006, on a vu fleurir massivement les hommages tardifs et les projets post-mortem. De Donuts, testament de fin de vie chargé en émotion, à The Shining entamé par Dilla, tristement finalisé par son pote Karriem Riggins, et en attendant la sortie imminente d’une nouvelle édition de Champion Sound (Jaylib), Jay Dee demeure omniprésent. Etrange contradiction. La réalité nous rappelle que l’on demeure tous inégaux, même face à la mort.

Animé par des sentiments qu’on situe vaguement entre hommage sincère et exploitation mortuaire, Stones Throw contribue à cette production massive en offrant une virginité toute neuve au bien-nommé Ruff Draft. Un EP sorti à l’origine début 2003, sur le label alors fraîchement créé Mummy Records, dans un anonymat certain. Entièrement remasterisé, gonflé de quelques inédits, d’un packaging soigné et d’une version instrumentale, Ruff Draft se voit offrir une seconde chance et une meilleure exposition. Et au-delà des motivations autour de cette réédition il faut resituer cet album dans son contexte. Comprendre que ce Ruff Draft marque une étape dans l’évolution musicale de Jay Dee ; une étape symbolisée par son exil de Detroit pour Los Angeles. Une nouvelle facette de son travail après l’échec commercial de Electric circus (Common), donnant déjà de claires indications de ce que serait Champion Sound.

L’introduction donne d’emblée le ton, en promettant du brut de décoffrage chauffé pour agiter les Hummer et en exploser les enceintes. « DJs that play that real live shit. You wanna bounce in your whip with that real live shit« . Concrètement, Ruff Draft fait la part belle aux sonorités plus synthétiques, flirtant parfois avec l’électro, associées à des breakbeats massifs et des samples crades et poussiéreux. Le tout en s’autorisant quelques références aux standards du genre, à l’image de ‘Make’em NV’ et ‘Reckless Driving’ qui reprennent respectivement M.O.P. et B.I.G. Il laisse peu de place au emceeing, ce qui tombe plutôt bien vu que Dilla n’est pas franchement le plus palpitant des MCs. L’intérêt est évidemment ailleurs.

Electrique sur le briseur de nuques ‘Nothing like this’, hypnotique sur ‘Reckless Driving’, Ruff Draft comporte également son lot de passages moins accrocheurs (‘Crushin’ (Yeeeeaah!)’). Les quatre inédits qui complètent cette réédition, bien que succincts, concluent brillamment un album qui dépasse à peine la trentaine de minutes. ‘Take Notice’ avec l’énergique Guilty Simpson et ‘Shouts’, conclusion symbolique, retiennent ainsi particulièrement l’attention.

Peut-être surévalué par les sentimentaux et autres cratediggers acharnés en quête d’un album introuvable, Ruff Draft demeure une étape clef dans le parcours de Jay Dee. Un album « straight from the muh’fuckin cassette » charnière à défaut d’être indispensable.

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