Chronique

OFX
Roots

Source - 2004

Prenez une feuille de papier. Écrivez dessus « album d’OFX« .

Un « album d’OFX« , sur le papier, c’est – pour une poignée d’oreilles averties – de l’espoir en condensé.

Récapitulatif. OFX naît en 1996, rassemblant plusieurs rappeurs, dont KLR et Feniksi ; Vicelow intègre plus tard le groupe, qui se résume bientôt à eux trois. Enregistrant au Studio Nomad de Dj Fun, ils y rencontrent Sir Samuel, Sly the Mic Buddah et Explicit Samouraï (duo formé par Leeroy Kesiah et Specta). Le Saïan Supa Crew est formé. Alors que les premiers projets voient le jour, KLR décède en 1999 ; le collectif sort un album portant son nom. Le SSC continue pendant quelques années à enchaîner singles, maxis, EP et album ; on finit par penser que le crew est devenu groupe indivisible. A tort, puisque, pendant qu’Explicit Samouraï reprend son autonomie via Toxic Label, OFX poursuit discrètement sa route chez Source, avec un album en ligne de mire.

OFX, c’est le Saïan débarrassé du folklore qui a fait sa réputation (fusion rap-reggae, beat-box / scratches vocaux, image festive) et réduit à son essence la moins tape-à-l’œil.

En premier plan des points forts d’OFX, évidemment, la production. Fini L’Block, Feniksi se présente à découvert et confirme qu’il fournissait plus que sa part de travail au sein du pool de producteurs du SSC. D’ailleurs, pas de doute, on reconnaît la patte – d’autant plus que, comme X raisons, l’album a été enregistré et mixé par Mitch, DJ Fun et Troy Hightower. Toutefois, on note une légère évolution : la quête des racines éponymes passe pour Vicelow et Feniksi par une utilisation moins systématique du sampler. Ont donc été conviés à l’enregistrement trombone, bugle et chœurs gospel (‘Mon histoire’), flûte et balafon (‘Je rap’), violoncelle, hautbois, guitare (‘France’), etc.. Moins chargé que par le passé, le résultat est impeccable, à tel point qu’on regrette que Feniksi ait laissé la place à Prodtoo et Alsoprodby sur les décevants ‘Viens’ et ‘Ailleurs’.

Le retour aux sources se fait peut-être encore plus ressentir dans les textes d’OFX. Plutôt que d’asséner avec vigueur des messages sous formes de certitudes, Feniksi et Vicelow choisissent de parcourir un axe Afrique-France, s’asseyant de temps à autres pour nous conter une histoire, un conte, une légende. Avec l’affect comme biais de communication, ils transforment constats en témoignages, problèmes en chants et accusations en blessures.

La finesse des deux rappeurs ne s’en tient pas là, puisqu’elle se traduit également par une interprétation de qualité. Feniksi, qui cristallisait une bonne partie des attentes liées à OFX, répond présent. Rap mais aussi chant en guise de cordes à son arc, il confirme sa versatilité agile au micro. Toutefois, Roots est bien l’album-révélation de Vicelow et accessoirement l’occasion de réécouter avec une autre oreille tout son passé discographique. Tour à tour papa touchant, MC cinglant ou charmeur fendard, il commet un sans-faute indiscutable.

Au delà de cette description générale, « Roots », comme de coutume chez les membres du Saïan Supa Crew, fourmille de mille détails qui intriguent, époustouflent et ravissent : la rythmique de ‘Lady’, la prestation de M sur ‘Black rock’, l’intro de ‘Là où’, la double apparition discrète d’Ayo, le refrain inversé au début de ‘Trop tard, trop vite…’, la participation involontaire de Jean-Claude Annoux à ‘Jeunes loups’, le refrain de ‘Les sœurs J’, les interludes potaches de Sly the Mic Buddah, la réussite du casse-gueule ‘France’, la construction de ‘Mon histoire’, les haletantes quarante-sept premières secondes du morceau caché ‘Seul’… De l’ordre des morceaux jusqu’à l’artwork, tout semble avoir été peaufiné à l’extrême.

Devant tant d’énergie, il est vrai que l’on peut être découragé après la décoiffante première écoute du tourbillon Roots. Mais une fois l’œil du cyclone atteint, la patience se voit récompensée ; tous les morceaux s’imbriquent en une construction bluffante d’ambition et de maestria mêlées.

Sur le papier, un « album d’OFX », c’était grandiose. Roots est un excellent album. Que l’on réécoute en boucle sans jamais mettre le doigt sur ce qui le sépare du grandiose.

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1 commentaire

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  • paul lacau,

    j’avais envie de chialer en lisant..