Chronique

Q-Tip
Renaissance

Universal Motown - 2008

Q-Tip est un symbole. Un symbole du mouvement Native Tongues porté par les Jungle Brothers, De La Soul, et donc A Tribe Called Quest. Un mouvement émergeant à la fin des années quatre-vingt, connu pour son approche afro centriste et ses réflexions volontairement positives sur les réalités du quotidien. Parfois profond, parfois un peu naïf, Q-Tip reste à l’image de ce mouvement. Q-Tip est également un symbole du rap New-Yorkais que ce soit en solo ou avec ATCQ – groupe dont il reste le leader charismatique. Symbole aussi de ces rappeurs passés par la case cinéma dans des films pas toujours inoubliables (Poetic Justice, She hate me). Symbole enfin du récent retour de ces icônes passées, pour certaines d’entres elles un peu dépassées.

Pas moins de neuf années se sont écoulées depuis Amplified, le premier album solo du plus célèbre des cotons tiges. Une éternité à peine compensée par la sortie sous le manteau – ou plutôt sous le clavier – de sa suite Kamaal the Abstract. Alors forcément avec un tel historique et des apparitions assez comptées ces dernières années, la sortie annoncée de ce nouvel album laissait un sentiment mitigé. Par mitigé, comprenez un mélange entre inquiétude, scepticisme et légère excitation – tendance demie-molle pour les plus irréductibles.

Oui, mitigé… sauf qu’au final The Renaissance ne joue pas dans la cour de ces retours foireux. Il justifie même plutôt très bien son nom un peu pompeux. Porté par la voix unique – nasale et fragile – de son auteur, The Renaissance ressuscite en quelques secondes un paquet de (très bons) souvenirs liés – principalement – à ATCQ. Accompagné ponctuellement de quelques voix soulful de choix – Norah Jones, Raphael Saadiq  ou D’Angelo – il balaie rapidement les doutes pour déclencher l’enthousiasme. En 2008 Tip a définitivement dézingué son double, celui qui était à l’origine de cet affreux et incompréhensible Amplified, cette caricature du flambeur reniant dix années de cohérence. A quasiment quarante balais, il revient apaisé et libéré de ses doutes et contradictions.

« I’m not a deity, I’m far from perfect, see » (‘Johnny is dead’.)

Plus qu’aucun autre morceau ‘Life is better’ est à l’image de ce retour inattendu. A la fois empreint d’une certaine légèreté et de beaucoup de bon sens, il porte un recul salvateur sur le passé et ses compagnons de route énumérés un à un apparaissent comme autant de repères sur un parcours tardivement sinueux. Mais, franchement, retrouver ce mélange entre richesse et simplicité, c’est aussi se rappeler pourquoi on a autant aimé le rap.

Oui, pas besoin de fulminer sur des grandes théories complexes pour essayer de rationnaliser les sentiments qui nous traversent la cervelle à son écoute. Ecouter Q-Tip kicker du gros boom-bap joyeusement funk sur ‘Won’t trade’ ou ‘Manwomanboogie’, croyez-le ça fait putain de plaisir. Retrouver ce rap épuré, bâti autour de boucles toujours inspirées par le jazz et les breaks de funk, l’est tout autant. La MPC2000XL portée – symboliquement – en étendard rappelle judicieusement que Tip est à l’origine de la quasi-intégralité des productions de son album. Elle fait également écho à Head Hunters, album clef de Herbie Hancock, cité par Tip comme une référence et une vraie source d’inspiration. Seul maestro à bord, le natif de Harlem partage juste les crédits de ‘Move/Renaissance Rap’ avec le défunt J-Dilla dans un ultime clin d’œil à son ancien partenaire d’affaire (rappel conseillé Beats, Rhymes and Life.)

Achevé par un extrait de discours de Barack Obama – ‘Shaka’ en version remixée – The Renaissance s’inscrit finalement tout à fait dans l’air du temps. Vaste ironie mais aussi symbole à méditer, il s’impose même comme le meilleur album de l’année écoulée. Cette fois c’est dit.

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