Chronique

Termanology
Politics as usual

Nature Sounds - 2008

Politics as usual a beau être un premier album, Termanology n’est pas exactement un nouveau venu pour autant. Depuis que ‘Watch how it go down’ a été clipé et regardé des centaines de milliers de fois sur Youtube, Termanology est immédiatement devenu un de ces espoirs new yorkais grâce notamment aux Hood Politics, série de mixtapes qui ont contribué à l’installer et ont permis d’en savoir un peu plus sur ses qualités microphoniques. Le risque étant évidemment qu’il se « papooise » et finisse dans l’oubli général après avoir paradé dans un clip tourné au caméscope de trop. Plus chanceux ou, au choix, plus futé, Term a finit par sortir son album après avoir joué au chat et à la souris avec les maisons de disques, qui ont mis du temps avant de lui proposer un deal avantageux. Un premier constat s’impose d’emblée : Termanology sait s’entourer.

Easy Mo Bee pour produire une intro sur laquelle Termanology se permet même de ne pas rapper, DJ Premier, Buckwild, Alchemist, Nottz, Hi-Tek, Large Professor, Pete Rock & Havoc aux machines. Pour un premier album, on n’avait pas vu un pareil casting de producteurs depuis le premier The Game. Si l’on se restreint à New York, il faut sans doute revenir à Illmatic pour retrouver un parrainage aussi prestigieux. Ca tombe bien, la qualité du premier album de Nas est une sorte d’objectif avoué après lequel court Termanology. Côte featurings, ce dernier s’est encore entouré de valeurs sûres, côtoyant légendes vénérées (Prodigy, Bun B) et MC’s respectés (Lil Fame, Sheek Louch, Freeway). Sur le papier, Politics as usual a tout pour raviver la flamme des plus nostalgiques et contenter ceux qui ont suivi le parcours de Termanology.

Le parallèle avec The Game peut être poursuivi tant Termanology s’apparente à son pendant new-yorkais. Car peu importe que le rappeur soit originaire de Boston, c’est bien à New York qu’il compte rendre ses lettres de noblesse tout comme The Game avait à cœur de remettre Los Angeles au goût du jour. Tous les deux adoubés par des figures emblématiques et prestigieuses (DJ Premier pour l’un, Dr.Dre pour l’autre), ils ne cachent pas le fait qu’ils ont d’abord été de gros fans avant de prendre le micro pour parler du rap et de son microcosme. Enfin, ils partagent un goût certain pour le name-dropping et remplissent leurs textes de références musicales. Pour son premier album, une bonne partie du gotha rap/r&b est reprise dans les couplets de Termanology. En vrac, on entend parler de Tupac, Kanye West, Jay-Z, Dr.Dre, Canibus, Akon, Treyz Songz, Lil Wayne, Havoc, The Game et bien sûr Big Pun dont il aime à se voir comme sa réincarnation. Le point culminant étant évidemment ‘So amazing’, egotrip explosif sur lequel il n’hésite pas à apostropher Dre (« Yo Dre, you should hit me with some beats, I’ll write the whole Detox in one week« ) où à invoquer les plus fameux esprits (« I’m in the lab, just me & Preemo, the ghost of James Brown and the soul of Chris Rios« ). La comparaison avec l’auteur de The Documentary ne s’arrête pas là puisque, comme lui, Termanology ne se gêne pas pour emprunter des rimes célèbres en forme d’hommage. Ici, le couplet de Biggie sur ‘Victory’ est détourné (« Just look how they bagged Michael/Which one ? Any one/Jordan, Jackson, Action, pack guns/Ridiculous, how they shipped to us« ) ainsi que quelques unes des plus célèbres phases de Jay-Z (« I ain’t lookin’ at you dudes, I’m lookin’ past ya« , « I got 99 problems but you just ain’t one« ).

« Plus I’m/5 mixtapes deep, 20 song eachs, did it all unsigned »

S’il serait légèrement injuste de dire que les mixtapes ont essoufflé le rappeur, force est de constater que l’album a perdu la spontanéité qu’on trouvait dans ses précédentes galettes. Comme beaucoup d’autres, Termanology s’est comme qui dirait plié aux codes du passage à l’album. Pour rentrer dans les clous, il a fait son morceau pour les filles (‘Please don’t go’), son hymne à la défonce (‘Float’), son titre introspectif (‘Sorry I lied to you’) et ses collaborations respectueuses avec des MC’s confirmés (‘Hood shit’, ‘In the streets’, ‘How we rock’, ‘Drugs, crime & Gorillaz’).

Le seul problème étant que Termanology n’a pas la palette d’un Nas ou d’un AZ pour explorer ces différentes thématiques avec la même réussite. A partir de là, c’est comme s’il y avait deux rappeurs en un. Le premier est capable de lâcher des flows étonnants, des egotrips aux punchlines bien acérées (« Marry two bitches, go and cop em the same ring« ) et parle du milieu rap avec un enthousiasme rare. Parce qu’au micro, Termanology a l’allure d’un gamin à qui les parents ont donné la permission de se joindre à un repas d’adultes. L’occasion pour le bambin de se frotter à ces grandes personnes qu’il écoute régulièrement en cachette, de vérifier si ce qu’on raconte sur eux est bien vrai et s’il va pouvoir leur parler sans complexes. Et puis, dès que Termanology abandonne cette posture de fan et cherche à faire autre chose que citer ses MC’s préférés sur un instru boom-bap, on le sent tout de suite plus limité. Le symbole de ce phénomène étant un morceau comme ‘We killin’ ourselves’ et son histoire de rue classique mollement racontée sur une production sans surprises de Pete Rock. Dès que Term sort de son carcan et pond des textes plus « urbains », il donne soit l’impression de se répéter ou se fait éclipser par des invités plus à l’aise que lui. C’est le cas sur ‘Hood shit’, morceau poisseux par excellence et porté par la prod scorsesienne d’Alchemist. Si Termanology paraît tout heureux de cocher la case « featuring avec Pee », ce dernier développe une forme de nonchalance agressive épatante (« And we never vacation/ It’s a video or movie/ Man we stay on location/Be on your sets with our uzis« ) caractéristique de bon nombre de ses récentes apparitions. Il en est de même sur ‘How we rock’ lors duquel Bun B rappe avec l’autorité d’un père qui sermonne son enfant.

Côté productions, en revanche, la machine est bien huilée et ne s’enraye pas. Hormis Pete Rock qui se contente du service minimum, les différents intervenants s’en sont donné à cœur joie. Qu’il s’agisse d’Hi-Tek et de son beat souterrain terriblement entêtant (‘In the streets’), des ensoleillements musicaux de Nottz (‘Float’, ‘Please don’t go’), de la mélancolie très « rentrée des classes » de Large Pro (‘Sorry I lied to you’) ou des rouleaux compresseurs façonnés par Primo, le travail est bien fait et permet au disque de s’écouter d’une traite sans difficultés. Toutefois, si la qualité générale de l’album est indéniable, on peut logiquement se poser des questions quand on voit que deux des meilleurs morceaux, ‘Watch how it go down’ et ‘So amazing’, étaient connus depuis un moment de par leurs présences sur les mixtapes. A vouloir remplir un rôle pour lequel il n’est sans doute pas encore taillé, Termanology s’emmêle parfois les pinceaux et empêche certains morceaux d’être davantage que de simples « bons titres ».

On dit parfois qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Il semblerait finalement que, dans le cas de Termanology, la maxime ne soit pas respectée. En effet, la pochette de l’album est assez symptomatique des réserves qu’on peut émettre à l’écoute du disque. Photoshopée avec les pieds et d’un mauvais goût évident, elle est à peine plus soignée que celles des Hood Politics. Un peu comme l’album qui souffre forcément de la comparaison avec les mixtapes précédentes. D’ailleurs, à l’heure où ces lignes sont écrites, Hood Politics VI est disponible. Et sa pochette est plus réussie que celle de Politics as usual.

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