Classique

Oxmo Puccino
Opéra Puccino

Delabel - 1998

Oxmo Puccino, c’est la valeur sûre du rap français, l’imposant rimeur qu’on n’ose même plus présenter. Son premier album résume à lui seul tout le personnage. Opéra Puccino, c’est l’éclosion identitaire d’un artiste majeur ; c’est l’avènement individuel d’un rappeur resté fidèle à sa clique, Time Bomb, avec qui il a tourné quelques une des plus belles pages d’une époque devenue mythique. Après avoir vécu l’insouciance des freestyles entre potes, Oxmo se retrouve face à la riche perspective d’évoluer seul au micro, et impose dès les premières notes sa « Vision de Vie » : « Pour naître de ma mère, j’ai pas attendu l’autre. Moi j’suis ma propre poutre, je me soutiens seul, rien à foutre. »

« Oxmo se joue des masques, et affirme avec théâtralité une identité hors-norme.  »

Tourmenté sous des airs facétieux, aussi charismatique dans ses envolées que touchant lorsqu’il se met à nu, lyrique autant que concret, Oxmo se joue des masques – à l’image de la pochette de l’album – et affirme avec théâtralité une identité hors-norme. Il confirme ici son talent de story-teller en faisant des ses « Pucc’ Fiction » une véritable marque de fabrique (« Alias Jon Smoke », « Hitman »). Surtout, il s’affirme comme un observateur attentif des rapports humains et du monde qui l’entoure. Parfois mélancolique (« L’enfant seul »), voire désabusé (« Qui peut le nier ! ») mais jamais moralisateur. Juste une lucidité aiguisée qui traverse les enceintes comme un souffle. Les quelques featurings amènent dès lors une touche de naïveté et de fraîcheur bienvenue, malgré les prestations peu glorieuses de Pit Baccardi et Freeman sur « 24 heures à vivre ». Même K-Reen, qui agace sur « Mensongeur », parvient à tirer son épingle du jeu et trouver l’interprétation qu’il fallait pour « Le jour où tu partiras ».

Dans un contexte d’éclatement de l’entité Time Bomb, Oxmo maintient une fidélité sans faille à l’égard de DJ Mars et DJ Sek, à l’origine de l’intégralité des productions de l’album. Un seul duo pour mettre en musique sur la longueur les accents de la plume du rimeur. Des mélodies moins lugubres que pour son successeur L’amour est mort, des beats plus imposants que sur le dernier en date Cactus de Sibérie. Le travail pour effacer le travail. On note au passage l’excellent échantillonnage du « Power of the Gospel » de Ben Harper, un sample sur mesure pour un échange épique entre Oxmo et un Lino au sommet de son art (« La loi du point final »). Au final, on se retrouve face à un album d’une impressionnante densité. A tel point qu’on apprécie la légèreté de quelques titres moins marquants, au milieu de l’album (« Sacré samedi soir », « Sortilège ») – une manière d’aérer le disque pour mieux l’apprécier en profondeur, pour mieux en saisir l’essence.

Il est des disques qui rendent compte à eux seul de l’esprit d’une époque, comme autant de bornes qui servent de repères. Des disques qui laissent une inaltérable empreinte, des disques fondateurs. S’il faut les appeler des classiques, alors Opéra Puccino en est un, sans l’ombre d’un doute ; l’un des rares, du reste, à avoir jalonné l’histoire du rap français. Dégageant avec classe des thèmes et des formules qui le suivront au fil des albums suivants, tout en s’appuyant sur des bases techniques et instrumentales qui avaient déjà fait leurs preuves, le Black Cyrano releva ce premier lever de rideau en solo avec brio. Masqué ou à visage découvert, Monsieur Puccino s’y imposa comme une valeur sûre du rap français, comme l’imposant rimeur qu’on n’en finit plus d’écouter.

Fermer les commentaires

Pas de commentaire

Laisser un commentaire

* Champs obligatoire

*