Koshface Jackson
Old Man Strength
Inattendues, les premières mesures de l’intro (ça pourrait être du DJ Shadow) captent immédiatement l’attention. Elles plantent le décor de façon cinématographique, avant de faire prendre à l’auditeur un virage électro bientôt enrichi des scratches ravageurs de PF Cuttin’ (Blahzay Blahzay), lequel remet le couvert quelques morceaux plus loin. Au bout des trois minutes et des brouettes, on a autant envie de repasser la piste que de passer à la suivante. En tout cas, le nom de Koshface Jackson – contraction du nom du rappeur, KoshFace, et de celui du producteur, Jon Jackson – vient de pénétrer dans notre crâne. On s’en voudrait presque d’avoir failli passer à côté simplement à cause d’une pochette un peu, disons, déroutante. Et on devine déjà pourquoi il est question d’une « heavy, sci-fi influenced production ».
Car c’est elle qui se distingue. Certes les rappeurs ne déméritent pas, et ça fait un peu de monde, car derrière le nom de Koshface Jackson se cache en fait plus qu’un duo : toute une bande issue de l’underground de la Caroline du Nord, qui se présente elle-même comme une bande de vétérans (d’où aussi le nom de l’opus) malgré des noms peu connus à l’exception peut-être du (sage?) poète de la rue King Poetic. Ils ne sont pas pour rien (surtout les deux invités 1100 Hunters puis Seven da Pantha, en fait, dont le rapping éclipse celui de leur hôte) dans la réussite d’un « Veteran’s Day », du boom-bap efficace qui, avec sa poussée de cuivre, séduit tout de suite l’oreille.
Pour le reste, Jon Jackson concocte un son dense et qui cogne dur, soutenu par des nappes synthétiques saisissantes, des beats percutants et pas mal de gratte électrique. On en perçoit en même temps d’emblée la richesse. Il y a de quoi démêler les couches, des éclats de guitare sur le refrain de « Liquid Fire » jusqu’au sample de sax doublé de tirs de vaisseau spatial façon jeu vidéo sur « Simpleton », en passant par le piano d’arrière-fond qui donne son ambiance morose à « Target practice ». Un son qui n’est pas sans rappeler parfois un certain El-P – on remarque que le nom de « Def Jux » figure parmi les mots-clés du disque. Au-delà de l’intro les scratches y jouent un rôle de premier plan (on y reconnaît les voix de Redman, Guru, KRS One, Jay-Z, etc.) ; de quoi donner une dimension supplémentaire à un morceau comme « Come Clean ».
Rien de bien neuf ni de substantiel dans le discours : de l’egotrip furax. Du « smack-you-in-the-face rap », comme promis à juste titre au début de « Dirtbomb ». Mais rien de lassant, surtout compacté en onze pistes et trente-cinq minutes. Un très bon défouloir, donc, qui donne l’occasion de saluer le boulot du label A Night on Canopy qui, comme son nom ne l’indique pas, est français et plus exactement rennais. On l’espère pour vous, les gars, que Björk et Tom Waits finiront par frapper à votre porte.
Pas de commentaire