Chronique

Mr. J. Medeiros
Of Gods and Girls

Rawkus Records - 2007

Mr. J. Medeiros et The Procussions se sont fait connaître à un large public par un morceau et son clip, ‘Hip-Hop’, aux côtés de Hocus Pocus. Depuis, le groupe n’est plus qu’un duo, Res ayant décidé de laisser le rap de côté (reste Stro the 89th Key, qui signe quatre productions). Quoiqu’il en soit, on était loin du coup de business auquel se réduit généralement ce genre de collaborations, puisque 20Syl participe ici non seulement comme rappeur, mais aussi comme producteur sur trois titres. Plus que ‘Amelle’ et ‘Half a Dream’, agréables mais trop doucereux (c’est l’été, mais quand même), on retient ‘Apathy’ : un composé de cordes, de percus et de scratchs proche du style des Sound Providers ; une référence auquel fait aussi penser ‘Change’, produit par Illmind.

Ces noms situent Of Gods and Girls au sein d’une famille où l’on trouverait, parmi d’autres, les Strange Fruit Project (ça tombe bien, ils sont invités), Kenn Starr, Supastition, les Lightheaded (Ohmega Watts signe un remix, inférieur à l’original) ou les Blue Scholars, dont l’album est sorti également chez Rawkus cette année. Si l’on veut un alter ego français à Mr. J. Medeiros et Of Gods and Girls, on pourrait se tourner vers le dernier album de Kohndo. La proximité est manifeste quand on compare ‘Apathy’ à ‘Un monde parallèle’, et plus généralement la faculté des deux rappeurs à alterner le paisible et l’énervé, en soignant toujours leurs textes, un point sur lequel le rappeur de The Procussions surclasse bon nombre de ses confrères.

Comme le titre de l’album le suggère, Mr. J. Medeiros les emplit de considérations sur la spiritualité et sur la condition féminine et, plus largement, sur la situation sociale et politique. L’humour de ‘Money’, dynamisé par le couplet entraînant de Pigeon John, masque le fait que pendant la mise sur pied de cet album, Mr. J. Medeiros galérait sans domicile fixe… Faire part des qualités de cet album est donc d’autant plus facile qu’au-delà du strict plan artistique, Mr. J. Medeiros se présente sous un jour sympathique : celui d’un rappeur progressiste (« Je veux que ma musique parle avec dignité et inspire le changement social« ), très impliqué dans plusieurs mouvements sociaux étasuniens et internationaux. Il s’attaque alors à des thèmes délicats, en particulier la pornographie et de la prostitution infantiles sur ‘Constance’, où la marchandisation humaine est facilitée par l’intermédiaire de la « toile » : mise à distance pour les bourreaux, piège pour les victimes. Le violon lancinant et l’écho de voix triste sur le refrain offrent un très bon support à la portée dramatique du propos.

De plus, si le natif du Colorado ne fait peut-être pas dans la prouesse technique, son flow est toujours carré, sur les beats tranquilles comme sur ceux qui le sont moins, dont ‘Keep Pace’, où ses montées en puissance se doublent de celles des samples. La bonne prestation de Mr. J. Medeiros au micro se complète par les talents qu’il révèle aux manettes, dans des registres assez différents, du péchu ‘Silent Earth’ à ses penchants plus introspectifs, dont l’évocation de ses parents sur ‘Call You’. Alliée à la charge du propos, la présence de titres plus abrasifs, tel que ‘King of Rock Bottom’, construit autour d’un scratch de Run D.M.C., éloigne Of Gods and Girls de l’écueil qui guette le rap estampillé cool-jazzy-soulful-conscientisé : l’emmerdement bon teint. Un profil des plus recommandables, donc, et un album solide qui, sans déborder d’originalité, ne l’est pas moins.

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