Masta Ace
A long hot summer
L’année dernière, Masta Ace évoquait avec Cunninlynguists le printemps du Hip-Hop dans ‘Seasons’, superbe morceau métaphorique dans lequel le rap était décrit comme un cycle saisonnier où le froid hivernal de la médiocrité finit toujours par laisser la place à un soleil éclatant. La présence de Masta Ace sur ce titre était judicieuse, car l’increvable vétéran n’en finit pas, lui aussi, de revoir un printemps : rescapé du Juice Crew, Ace a sorti en 2001 le magistral Disposable Arts, et mène depuis la fin des années 80 une carrière exemplaire, qui prend aujourd’hui un nouveau départ avec le lancement de son propre label, M3 Hip hop.
Sorti en août, A long hot summer est présenté comme le prequel à Disposable Arts, qui racontait, sous la forme d’un exercice de style captivant, l’histoire d’un repris de justice inscrit à un institut de formation au Hip-Hop. Le LP narre donc les causes de l’incarcération du héros, en 1996 : dans la moiteur de l’été new-yorkais, Ace rencontre Fats Belvedere, malfrat italo-américain qui devient son « road manager » et l’entraîne alors dans ses combines risquées. D’entrée, on remarque que les interludes, repères narratifs du disque, n’ont pas toujours la précision de ceux qui faisaient de Disposable Arts un modèle de construction, mais le LP en conserve néanmoins la fluidité et l’homogénéité.
Éclectique, l’équipe de production a été presque entièrement renouvelée, pour un résultat sensiblement proche de la couleur musicale du précédent album : omniprésence des samples, sonorités hors-modes (‘Wutuwankno’), instrus poignantes (‘The grind’, superbe) et beats nerveux (‘Travelocity’). Outre le très demandé 9th Wonder, auteur d’un ‘Good ol’love’ haut de gamme, on retrouve ainsi plusieurs valeurs sûres de l’underground (DR Period, DJ Spinna, Dug Infinite), quelques inconnus (DJ Serious, Krysis, Marco Polo), les Français de Get Large et le croate Koolade, qui livre avec ‘Beautiful’ l’une des meilleures compositions de l’album.
La simplicité et la cohérence des productions vont de pair avec le grain de voix et le message de Masta Ace. Au micro, il possède une humanité et un charisme qui donnent envie de suivre attentivement les temps forts de son histoire : la description sans artifices de son univers urbain (‘H.O.O.D.’), sa rencontre avec une belle indienne (‘Brooklyn Masada’), sa frustration clamée avec hargne dans ‘FAY (Fuck All Y’all)’, et ses moments de doute (‘Revelations’, parfait final), autant de chapitres mis en scène avec brio par le MC-narrateur.
Classique et inventif, A long hot summer sonne juste. Album cinéphilique –inspiré par Le Canardeur, de Michael Cimino -, il se situe peut-être un cran en dessous de Disposable Arts, avec un déroulement plus linéaire et un scénario moins élaboré. En revanche, on ne peut que saluer la capacité de Masta Ace à créer des albums intemporels et savoureux. Son septième LP, annoncé comme le dernier, est non seulement l’une des meilleures sorties de l’année 2004, mais surtout un disque maîtrisé qui respire l’honnêteté et le vécu. Show him some love.
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