Zone Libre vs Casey vs Hamé
L’Angle Mort
« C’est vrai qu’à l’époque on faisait bloc, tout le monde voulait tuer le rock, le vrai combat a toujours été là, d’ailleurs, pas ailleurs. »
En trois rimes, Kool Shen résumait sur ‘Respire’ l’esprit de la fin des années quatre-vingts et cette obsession d’enfoncer ce rock régulièrement raillé. Aujourd’hui, ces combats d’avant-garde désormais complètement dépassés témoignent d’au moins une avancée : la reconnaissance de notre bon vieux peu-ra ne passe plus par la confrontation à un courant musical dominant.
2009. L’angle mort. Casey, Hamé, Zone Libre.
L’association Hamé-Casey n’a franchement rien du duo de circonstance, plutôt une évidence née de lames longuement aiguisées autour de La Rumeur. Le regroupement avec le collectif Zone Libre porté par le guitariste de Noir Désir, Serge Teyssot-Gay, s’inscrit dans le prolongement de deux essais transformés (‘Paris nous nourrit, Paris nous affame’ sur Regain de tension et ‘Je suis une bande ethnique à moi tout seul’ sur Du cœur à l’outrage). L’angle mort n’est pas un essai hasardeux ni un projet expérimental. C’est une parenthèse inscrite dans une certaine forme de continuité. Une parenthèse qui comportait son lot d’interrogations.
Passé les premières minutes, ces interrogations et précautions se retrouvent balayées par ce blindé lancé à pleine vitesse en direction de cibles bien établies. Le poids du colonialisme, l’immobilisme social et ses frustrations hexagonales sont autant d’institutions placées dans le viseur. Neuf titres. Une pression omniprésente enrichie par un art de la métaphore sombre (‘Le Mur’, ‘La chanson du mort vivant’) doublé d’un martèlement maîtrisé des assonances et des allitérations.
« On se moque de mes œdèmes et de mes états d’âme, tout m’ordonne en fait de ne pas vivre à l’état d’homme » (‘Purger ma peine’.)
Il y a un acharnement perceptible, une brutalité quasi thérapeutique dans le phrasé de Casey. Une haine constante associée à une énergie sublimée ici par les guitares saturées et les basses omniprésentes. Une cohérence textuelle avec Hamé, réussissant à associer une critique sociale poussée, une attitude punk et une multitude de références aux intellectuels dissidents (Frantz Fanon, Kateb Yacine, Aimé Césaire). Ces grands écarts assumés sont l’essence de L’angle mort, explosive sur disque et annonciatrice d’un brasier sur les planches.
« J’ai cramé seul l’auréole que j’aurais pu exhiber au col » (1/20.)
En avril 2006, peu après la sortie de Ennemi de l’ordre, barillet de six titres abrasifs à souhait, Casey nous promettait que son album arrivait « comme une grenade dans les couilles ». Aujourd’hui, on réitère l’avertissement. Rangez vos couilles, L’Angle mort est une grenade prête à exploser.
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