Jonwayne
Rap Album Two
Jonwayne avait annoncé sa retraite en 2015, traversant une phase difficile. Avec Rap Album Two, il montre que la bouteille n’a pas eu raison de lui.
Il avait annoncé sa retraite en avril 2015 par maxi interposé. Elle paraissait douteuse, ne serait-ce que parce que le maxi en question sortait sur un nouveau label créé par ses soins. Depuis, il s’était fait discret, sans être tout à fait inactif. On retrouvait son nom en tant que producteur du morceau inaugural de l’album Kindness for Weakness de Homeboy Sandman. Surtout, Jonwayne avait lâché, au cours de 2016, quatre morceaux (de « Wonka » à « 40 Winks ») qui semblaient préfigurer un album, au moins rappeler que l’ancienne recrue de Stones Throw était encore là. Plus tard dans l’année, c’était au tour d’un opus instrumental en téléchargement gratuit (sans compter une sortie limitée en vinyle), Here you go, uniquement conçu à base de samples.
Pas totalement retiré des affaires, donc, Jonwayne traversait en fait une phase difficile, comme il l’a expliqué par lettre en même temps qu’il annonçait ce nouvel album. Il n’est pas parti longtemps (on a connu traversées du désert plus longues) ; pourtant, à l’en croire, Rap Album Two est l’album d’un revenant. Alcoolique, dépressif, celui qui, en pleine tournée, s’est réveillé dans son vomi une nuit de mai 2014 s’est efforcé dès lors de changer de cap, et en premier lieu d’arrêter de picoler comme un trou. Plusieurs morceaux l’évoquent, à commencer par « Out of Sight », qui convie Sofie Fatouretchi et Juan Alderete, lesquels participent d’ailleurs à d’autres morceaux. Car les invités sont nombreux (une bonne quinzaine, de DJ Babu à Zeroh sur deux morceaux) sur ce disque traversé par le thème de l’amitié. Un ouvrage collectif, donc, qui est cependant le premier, confie Jonwayne, qu’il a l’impression d’avoir maîtrisé de bout en bout.
Pour une maîtrise, c’est une maîtrise. Le morceau d’entrée, « TED Talk », avec ses clins d’œil à Kant et Van Gogh, avec son cut de Biz Markie qui prend à contre-pied l’ambiance pesante et la gravité du propos par une note sarcastique, est d’emblée une réussite. On retrouve chez le Californien cette voix sans pareille (surtout pour quelqu’un qui est encore loin de la trentaine), cette prédilection pour le piano (de « TED Talk » à « Blue Green »), mais aussi ce sens de la rupture et de la modulation. Tout ça au service d’un album soigné aussi bien dans l’ensemble (il est conçu comme un ensemble cohérent et même indivisible) que dans le détail, comme l’illustrent les transitions entre les morceaux.
Le plus intéressant est sans doute la façon dont Jonwayne continue de prendre ses libertés avec les codes et conventions du genre et ce bien au-delà de son look. L’équilibre formel, les morceaux formatés façon couplets/refrains sagement alignés, c’est pas son truc. Lui fait des morceaux qui vont de 1’40 à 7’25 (« Afraid of us » et sa boucle de voix soul aussi simple qu’envoûtante). Se passe de beat ou de refrain, s’accorde des ponts instrumentaux, détourne les pistes en cours de route. Dès la deuxième, il produit un hybride moitié sketch, moitié chanson. Plus loin, il donne l’impression de s’être endormi sur ses machines au beau milieu de « Rainbow » (idem sur « Hills », mais l’effet est moins réussi, ce qui en fait le maillon faible du LP). Quant à « The Single », il porte délibérément mal son nom : peu emballé par la corvée de faire un morceau accrocheur, Jonwayne se loupe trois fois dans son couplet et préfère laisser tomber l’enregistrement.
Il a bien fait de ne pas tout abandonner pour de bon.
Ah merci pour l’info. Bien vu comme d’hab’, même si je trouve l’ajout du « light » un poil dur.
Chronique sympa et plus enthousiaste ici : http://thebackpackerz.com/chronique-jonwayne-rap-album-two/
Anthony Fantano a dit « light 7 ». Donc quand meme hein.
Très bel album. J’ai en revanche particulièrement aimé Hills, à la différence de vous.