Chronique

J-Zone
A Job ain’t Nuthin but Work

Old Maid Entertainment/Fat Beats - 2004

A la question « Who the fuck independent been around six years, dropped five LP’s and still here? » posée dans ‘Zone Report’, J-Zone ne trouve pas de réponse. A vrai dire, nous non plus. Cinq albums en six ans, tous de bonne qualité, ce n’est pas courant. Et pourtant, si tous les connaisseurs saluent unanimement la créativité et le talent du MC/producteur new-yorkais, sa renommée n’a guère dépassé le petit monde de l’underground. Il faut dire que quelqu’un qui se moquerait totalement du succès commercial ne s’y prendrait pas autrement : vulgaire, crade, farfelu et franchement barré, le style de J-Zone n’a que très peu d’atomes crochus avec les standards actuellement en vigueur dans la musique Hip-Hop. Et ce n’est pas « A Job ain’t nuthin’ but Work » qui amorcera un quelconque changement.

Après nous avoir accueilli par un magnifique rot, quelques provocations et une prestation des « Zone-ettes », Zone nous fait très vite replonger dans son univers sonore si particulier : breaks de batterie saccadés, stabs vocaux et boucles improbables s’enchevêtrent et se chevauchent pour créer un joyeux bordel, interrompu de temps à autre par des dialogues de vieux films inconnus ou autres conversations surréalistes. Le Captain Back$lap conserve cette incroyable aptitude à empiler sauvagement une multitude de samples sans pour autant trop alourdir l’instru. Et si la recette est restée la même depuis le début, nul ne pourra contester que J-Zone reste un OVNI en matière de production. En témoignent les beats de ‘$poiled Rotten’, ‘Oops! (I’m Sorry, B*tch)’ ou du remix de ‘Lightweight’. Zone sait aussi s’illustrer dans un registre moins complexe, comme dans ‘Heavy Metal’ et ‘Greater Later’.

S’il a toujours prétendu être un rappeur « par défaut », force est de constater que J-Zone n’aurait en aucun cas à rougir de ses prestations au micro si on les comparait à celles des autres MCs du moment. Le flow s’est fait plus technique au fur et à mesure des disques, le jeu des intonations plus complet. Et Zone reste le lyriciste le plus hilarant du rap game : plus encore que sa créativité en matière de production, sa capacité à ne pas changer de formule en matière de textes (beaucoup de cynisme, de grossierté et de second degré) tout en évitant de tourner en rond est sidérante : elle s’illustre principalement par une grande variété de sujets aussi inédits que futiles. Dans ‘Baldylocks’, Zone s’attaque aux filles ayant le crâne rasé : « She went from Alicia Keys to Sinead O’Connor, Then I got soft when I had flashbacks of Onyx ». Dans ‘A Friendly Game Of Basketball’ ce sont les rappeurs/basketteurs et les basketteurs/rappeurs qui en prennent pour leur grade : « Ball players wanna rap, Rappers wanna ball, Make my day, I’m laughin’ at them all, I‘m just out to get fame, So if I’m dissin’ your game, I’m just looking for attention by callin’ your name ». Citons également le cours d’hygiène dispensé dans ‘Xactly’, ou le récit de sa relation conflictuelle avec sa grosse pomme natale dans ‘Bulls**t City’.

Bien évidemment, l’auto-dérision a droit de citer : dans ‘Kill Pretty’, Zone nous raconte comment il s’y prend pour tout de même obtenir les faveurs de demoiselles malgré un physique peu avantageux : « Not a supermodel, more like a primate, Bitch talking about the situation is moot, You should’ve called you last album « Sick Of Being Cute » ». On devient plus sérieux en fin de disque, l’excellent ‘Zone Report’ voyant J-Zone commenter sa propre carrière, en pourfendant ses détracteurs bien évidemment, mais également en effectuant une auto critique assez intéressante. Le meilleur moment de l’album était le plus attendu : la nouvelle prestation des Gorilla Pimp$, duo formé par Zone et Dick $tallion. ‘Disco Ho’ raconte une sortie en boîte bien arrosée, dont le Captain Back$lap sortira en gerbant, avec la cheville fracturée après s’être majestueusement viandé devant tout le monde. Parfaitement calibré pour les dancefloors, refrain chanté par $tallion aidant, on devine pourtant que le morceau ne deviendra pas le nouvel hymne des fiévreux du samedi soir.

Au final, J-Zone poursuit un parcours quasi sans faute, qui, à défaut de mieux, le confirme comme une valeur sûre de l’underground actuel. Son univers si particulier trouve une parfaite déclinaison dans « A Job ain’t Nuthin but Work”, album jouissif, plein d’humour, sans réel temps mort : ajoutons à cela des invités (Celph Titled, Devin the Dude, Al-Shid, Dick $tallion) en bonne forme, et l’on obtient là le digne successeur des géniaux « Pimps don’t pay Taxes » et « A Bottle of Whup Ass ». En attendant le sixième, qui, gageons-le, ne tardera pas.

Fermer les commentaires

Pas de commentaire

Laisser un commentaire

* Champs obligatoire

*