Reks
In Between The Lines
La carrière de Reks n’a pas été un long fleuve tranquille. Plutôt un sinueux tunnel, dont le MC semble aujourd’hui voir le bout. Issu de la même génération dorée que Mr. Lif, Akrobatik ou Esoteric, le rappeur de Bean-Town a frappé fort d’entrée. Son premier album, Along Came the Chosen, sorti en 2001, est considéré comme un classique par les aficionados de la scène de Boston. Mais c’est bien connu, les éloges ne suffisent pas pour faire carrière. Pour son second album, Rekless (2003), Reks ne trouvera ni label ni distributeur, et sera contraint d’autoproduire son disque et de le vendre de main à main.
S’ensuit une période où Reks se fait rare. On se dit qu’il a trouvé un day-job, qu’il va doucement s’éloigner de la musique. Mais le garçon croise la route de Statik Selektah, le DJ qui monte sur la côte est. Celui-ci va faire de Reks son poulain. En 2008 sort Grey Hairs : des prods de DJ Premier et Large Professor, featurings de Lil’Fame ou Big Shug. Probablement une part de rêve pour un MC arrivé aux affaires au début des années 2000. Toutefois, à cause de refrains un peu faciles, Grey Hairs est juste un bon album. Son sequel, More Grey Hairs, épuré de ce défaut, ne laisse plus planer de doutes : Reks fait désormais partie de ceux avec qui il faut compter, et son album suivant est attendu avec impatience.
C’est justement celui-ci, nommé très simplement R.E.K.S. (Rhythmatic Eternal King Supreme), que In Between the Lines est censé annoncer. Format mixtape oblige, on trouve une pléthore d’invités au micro. La production incombe elle surtout à un homme, Statik Selektah, dont la productivité ces dernières années renverrait presque aux infatigables beatmakers sudistes. Qui dit omniprésence dit inévitablement du déchet, les projets solos du CEO de Showoff Records en témoignent. Mais Reks est bon pour choisir ses beats et, malgré la longueur du projet, on ne s’ennuie jamais. Les instrus très orientés boom-bap ne paraissent aucunement désuets, et on apprécie la place laissée aux scratches.
Niveau rapping, Reks est un MC efficace : les placements sont toujours bons, les rimes tombent où il faut. Mais les envolées techniques et les couplets en double-time, assez peu pour lui. Dans un timbre de voix qui rappelle un peu Brother Ali, le garçon est plus doué pour transmettre des émotions, pour toucher l’auditeur avec des mots simples plutôt qu’avec des punchlines carnassières. A ce titre, pas étonnant que le MC paraisse le plus à son aise sur des prods teintées de mélancolie : ‘Self Titled’, ‘Down Like That’ et ‘Rap-A-Nomics’ s’imposent ainsi comme les meilleurs moments de la tape. Dans des styles différents, ‘God Damn !’, ‘Banner City’ et ‘Lucky Man’ se révèlent aussi très plaisants.
Au rayon invités, on appréciera particulièrement de voir le mythique El da Sensei ou le trop sous-estimé Insight. Pour le reste, hormis la présence de Freddie Gibbs pas vraiment de surprise : on retrouve les têtes d’affiche de Boston (Slaine, Termanology), la jeune garde new-yorkaise (Torae, Curt@ins), les proches (Lucky Dice, Chi Knox). A noter également l’apparition de the one and only Ron-Ron, rappeur à ses heures, sur « Henessy @ Halftime ». Voilà un titre qui fera plaisir à ses employeurs et à David Stern.
La multiplication des œuvres mises en téléchargement libre a beaucoup de bon. Accéder gratuitement à des projets de la qualité de In Between the Lines, c’est réellement une aubaine. Reste que l’album de Reks, annoncé pour le 9 mars, n’est toujours pas sorti. Peut-être que l’accueil reçu par In Between the Lines a dépassé les espérances, et que Showoff Records entend capitaliser au maximum là-dessus. C’est tout ce que l’on souhaite à Reks. Et à nous aussi par la même occasion.
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