Stalley
Honest Cowboy
Derrière son allure de seigneur féodal et son empire teinté de luxe et luxure, Rick Ross est un fin tacticien. Il continue à mener sa barque – enfin son yacht – avec une conviction sans limite et un goût certain pour l’autocélébration. Celle avec laquelle il a forgé son propre mythe. Et même quand le maton le guettait, le bawse n’a cessé d’avancer, ignorant les railleries plus ou moins légitimes. Roi omnipotent avec des carrosses de première catégorie, il a construit MMG en posant ses pièces sur son échiquier. Avec un fou notoire (Gunplay), une tour fonceuse (Meek Mill) et quelques pions, des soldats au futur incertain. Sur cet échiquier, Stalley serait probablement un cavalier : une pièce à part, mystique et mesurée. Malgré plusieurs mixtapes de choix (notamment Lincoln way nights), Stalley reste aujourd’hui une figure de second plan de MMG, avec une identité qui dénote.
Contrairement à ce que ce titre Honest Cowboy pourrait laisser entendre, Stalley n’est pas un cowboy solitaire. Et comme Bill « The Butcher » Cutting, il n’est pas venu accompagné de (bandits) manchots, pour concocter une ambiance toute en maitrise, lente, sans être nonchalante. Poussive par instants, sans s’étendre dans le vaporeux, les rythmiques des Block Beataz et autres Black Diamond semblent avant tout au service d’un propos hypnotique. Cohérent jusqu’au bout des ongles, Honest Cowboy suit une rythmique très uniforme mais joliment mêlée au timbre de voix du rappeur de l’Ohio. Une harmonie en phase avec les kilotonnes d’herbes qu’il promet griller régulièrement. Miracle improbable, il lui reste assez de neurones pour sortir quelques récits sérieusement chiadés. Des années faites de peu (« Gettin’ by ») jusqu’à cette ascension sociale, partie du plus bas (« Long way down »).
« They say that I’m the last of a dying breed, and this generation is in a dying need. » (« Raise your weapons« )
Avec la barbe de Fidel Castro mais sans gros Beretta, Stalley n’est pas un extravagant. Plutôt un homme de foi, fin et réfléchi. Et son rap, consistant et chargé d’une forte conscience sociale, mais dénué de folie, correspond pleinement à son image. Accompagné d’une caution morale incontestable (Scarface) et d’un Black Hippy affûté (ScHoolboy Q), Stalley semble compter les coups, comme pour tirer à bon escient. Parmi les très bons moments de cette échappée de cowboy on retiendra « Samson » avec sa boucle épurée mais addictive signée Rashad et son refrain calibré comme un hommage au patron. Dans un autre registre, on gardera aussi « Long Way Down », chargé d’une conviction positive décrite par son auteur comme de la « True warrior music ». Tout un programme. En grand échalas, Stalley sait prendre de la hauteur.
De sa carrière avortée de basketteur, il reste des références en série (« Passionate about my game like Joakim Noah, I’m a bull« ) et une ressemblance physique marquante avec James Harden. Le shoot de gaucher en moins, le phrasé chirurgical en plus. Précis et amateur de rimes choisies, Stalley n’est définitivement pas la figure la plus clinquante de l’équipée Maybach Music. Il n’est pas non plus un porteur d’herbe – si c’était vraiment le cas, a priori, il aurait tout fumé. Un bon cran au-dessus de Savage journey to the American dream, Honest Cowboy ne fait pas dans le tape à l’oeil. Mais il dévoile son lot de nouvelles réjouissances à chaque écoute. Entre portrait social et figures de style, il reflète bien la personnalité atypique et attachante de Stalley : un cavalier sur un échiquier pas forcément adapté.
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