Chronique

Grems, Trankil Trankil
BACKWASH

Gr lns / Grems Industry / south wave records - 2024

Disons le : le Pays Basque n’a jamais vraiment été une immense terre de rap français. À l’exception de quelques noms comme VII ou plus récemment Baby Neelou ou ØDEI, la Côte Basque n’a, dans son histoire, pas forcément su prendre la vague nationale du rap en France. Manque de synergie locale, soutien faible de la part des acteurs culturels de la région, prédominance d’autres musiques, tant de raisons qui ont sans doute alimenté un cercle vicieux n’ayant pas permis au genre de se faire une place localement. Un constat qui a probablement donné envie à Grems et Trankil Trankil de sortir BACKWASH : un EP dans lequel le duo tente d’inventer un véritable son et une identité au rap de la côte basque française. 

Si Grems n’a pas grandi sur le BAB (Biarritz-Anglet-Bayonne) il a pourtant été adopté par la région depuis plusieurs années. Déjà installé à ses débuts dans le rap et le graphisme à Bordeaux, le rappeur et graffeur inventeur du deepkho a en effet posé ses valises sur la Côte il y a treize ans maintenant (l’Abcdr l’avait d’ailleurs rencontré là-bas au bord de la plage en 2018). Avec le temps, l’auteur de “Chat con” a alors fait la rencontre de Trankil Trankil, un surfeur et rappeur du coin basé à Biarritz, réellement actif depuis 2019, qui revendique clairement son ancrage local. Ensemble, les collaborations vont alors s’accélérer, au point d’aujourd’hui déboucher sur un EP entier avec un objectif clair : revendiquer le Sud Ouest, et attester aussi du renouvellement constant de Grems depuis 25 ans. 

Nommé BACKWASH (en référence aux vagues à “contresens” qui viennent taper celles se dirigeant vers la côte), ce dix titres voit ainsi les deux rappeurs imaginer un “son” West Coast français, sans tomber dans les clichés habituels autour du Pays Basque. Loin des Reels qui veulent transformer la région en simple Californie française, ou en paradis pour Parisiens et Bordelais, l’EP des deux rappeurs laisse entendre une musique à la fois laidback et technique (en grande partie composée par Roland Jones mais aussi NxQuantize, Gasthem ou OffMike) reposant sur un équilibre entre sonorités rétros, et rythmiques plus modernes. Un mélange de samples funk, jazz ou phonk, sur des pulsations plus puissantes, qu’elles soient trap (“Backwash”, “Zoobida”) ou même drill à différents tempos (“Nine”, “Shauny”) qui appuie dans sa musicalité le côté ride au bord de l’océan de la région, tout en reconnaissant aussi sa part plus énervée, notamment dans son identité régionale locale.

Comme pour mieux montrer d’où viennent les auteurs de l’EP, tout BACKWASH est ainsi traversé dans ses textes par de nombreuses références aux revendications régionales, qu’elles soient identitaires (“Réduits à néant comme les vrais euskalduns”), anti-autorité (“fuck la flicaille en Clio”) ou en opposition à la gentrification (“Laisser les clés du Pays à des M.Burns, ça fait des Elliott, ça fait des Hugo Clément) tout en glissant quelques mots et expressions que seuls ceux qui vivent sur place auront (“kospei”). Un rap plein de références aux vagues et à la mer, mais aussi à la défense d’une culture locale, qui permet ainsi à BACKWASH de ne pas tomber dans le piège de la carte postale, tout en montrant ce qu’est vraiment le Pays Basque : une terre aussi détente qu’elle peut parfois être vener’. À l’image de cet EP, autant fait pour rider en été que pour survivre à la tempête en hiver. 

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