Atmosphere
God loves ugly
Des pensées les plus sombres jaillissent souvent les créations les plus brillantes. En partant de ce constat et de celui que les émotions fortes constituent le moteur de toute création artistique, il ne serait pas erroné de soutenir que les pensées les plus malsaines ne sont jamais très loin des œuvres les plus personnelles, mais aussi les plus sincères. Nul n’oserait en douter après l’écoute d’un album d’Atmosphere et plus particulièrement des textes de Slug. En effet, ce natif de Minneapolis avait déjà surpris tout le monde avec deux albums aussi profonds qu’intenses : Overcast !, en 1998 et surtout The Lucy Ford EP’s en 2001, qui était une compilation de trois EP traitant de sa relation complexe avec son ancienne petite amie.
S’il est désormais acquis que Sean Daley est un jeune homme pour le moins fantasque et torturé, la qualité de ses prestations est quant à elle tout à fait aléatoire. Capable du meilleur comme du plus insipide, Slug durant God loves ugly use à outrance de ce qui l’avait naguère rapproché de Sole, Dose One et Alias pour « Deep Puddle Dynamics » : le désepoir et l’anxiété névrotique couchés sur papier, et au micro. Si on ne peut remettre en cause la sincérité de la démarche (‘One of a kind’), on peut légitimement s’interroger sur l’utilité de celle-ci lorsqu’elle est utilisée démesurément. Car cette année 2002 sera définitivement à classer sous le signe de l’introspection du côté de l’underground américain après un Personal journals et surtout un The other side of the looking glass très personnels et impudiques. Si il serait malhonnête de taxer Slug d’oppotunisme (‘Lucy Ford’ est basé sur le même concept), on peut regretter l’absence de renouvellement dans certains de ses thèmes, surtout lorsque l’on connaît l’étendu des possibilités du rappeur.
Ne nous attardons pas sur le fond donc, et voyons si les sons de ce God loves ugly constituent, eux, une agréable surprise. Premier point important, Ant (aka Anthony Davis) est l’unique producteur sur cet album. L’enjeu est alors de taille pour lui, lorsque l’on sait que Slug est le seul à officier au micro sur ces dix-huit titres. L’aspect positif est que Ant a énormément varié ses choix sonores… mais c’est aussi l’aspect négatif. En effet, à trop vouloir offrir de possibilités à un Slug s’essayant à peu près à tout, Ant s’est passablement égaré en chemin sur certains titres. C’est notamment le cas pour l’interminable ‘Flesh I self divine’ ou le soporifique ‘A song about a friend’ ou encore le peu inspiré ‘Modern man’s hustle’. Trois titres parmis d’autres paraîssant dispensables voir même pernicieux quant à la qualité globale et l’homogénéité de l’album.
Heureusement, d’excellents titres sont présents pour contrebalancer tout cela. Citons par exemple le premier titre et son intro très ‘blaxploitation’, ‘Onemosphere’, porteur d’espoirs pour le reste de l’abum. On évoquait la multiplicité des influences présentes sur cet album, le panel est en effet très large. Cela va des boucles de piano les plus traditionnelles et dignes de figurer aux côtés de Drop a gem on ’em (‘Godlovesugly’) au morceau les plus hip hop (‘One of a kind’), en passant par les samples de voix très soigné (‘A girl named hope’). Une excursion joliment réussie vers le dub (‘Blamegame’), avec basse ample et clavier, vient clore cet émaillement sonore et achever de confirmer, si besoin en était, que Slug est capable de se mesurer à tous types d’instrumentaux.
Au final God loves ugly laisse une impression mitigée, de superbes morceaux viennent en effet se perdre maladroitement au milieu de titres assez insignifiants sur la forme, en dépit d’émotions et d’un désarroi quasi palpables. Avec quatre ou six titres en moins l’album aurait sans nul doute gagné en densité et sûrement en cohérence. Néanmoins, ne serait-ce que pour un ‘F*@k you lucy’ ou un ‘Godlovesugly’, cet album vaut la peine d’être écouter avec un certain intérêt.
Pas de commentaire