Chronique

KHM
Game 2

Junkadelic - 2003

Oui, cet album n’est pas réellement une nouveauté. Game est en effet sorti il y a un an maintenant, mais uniquement aux Etats-Unis et en version CD. Cet album n’est pas réellement une nouveauté mais pour nous, européens, il nous a été impossible de l’écouter, exception faite bien entendu pour les inconditionnels de Kool Keith prêts à débourser des sommes folles en import. Remercions donc Junkadelic Zikmu, jeune label français, d’avoir réédité cet album dans les deux formats (CD et vinyl) en prenant soin d’y ajouter deux titres supplémentaires (deux remixs de DJ Junkaz Lou) et en relookant la pochette pour l’occasion.

A défaut d’avoir sorti ce projet sous le nom d’Analog Brothers comme cela aura pu être le cas, Kool Keith, H Bomb et Marc Live ont préfèré le conduire sous la bannière de KHM (acronyme de Kool, H et Marc). Et bien que KHM soit avant tout un groupe, un trio, chacun s’attardera bien entendu sur les performences de l’ex Ultramagnetic MCs. Il faut en effet reconnaître que Kool Keith accapare l’attention sur tous les projets auxquels il prend part : A much better tomorow et Doctor Octagon avec Dan the Automator, sur le Master of Illusion de Kut Master Kut, ou encore sur Pimp To Eat des Analog Brothers.

Kool Keith nous surprend donc une fois de plus avec un concept dont il a le secret : la défense des valeurs de l’underground et le fait que le hip hop n’est pas un ‘jeu’. Pour illustrer son propos, il s’en remet à la recette qui a fait de lui une icône du rap : la paranoïa. Dr Doom étale donc sa folie en posant des textes hallucinés sur des instrus dépouillés, à la fois synthétiques et sombres, parfaits en somme pour donner naissance à des ambiances angoissantes. Si l’adaptation est quelque peu hasardeuse de prime abord, les écoutes suivantes se révèlent être beaucoup plus agréables. Peu à peu, on prend la mesure du travail réalisé par le concepteur sonore de l’album : Marc Live, qui a vraiment pris le soin de donner une grande homogénéité à l’ensemble. L’essentiel de ses efforts s’est porté sur l’élaboration de nappes vaporeuses assez sales et sur des beats très secs. Inutile de dire que Kool Keith se plait à poser son flow spacial sur ces instrus aux accents futuristes. On pourrait tomber dans la caricature, voire dans des rythmiques bounces cheaps, mais le trio sait fleurter avec aisance sur cette corde raide.

Des trois membres du groupe on ne retiendra bien sûr que les prestations de Kool Keith, son charisme anihilant tout ce qui se passe à ses côtés. H Bomb, même s’il pose de très bons couplets, souffre malheureusement de la comparaison avec le Black Elvis. Pour prétendre s’élever à son niveau il faut une personnalité forte, torturée et un brin déjantée, à son image. Et c’est hors des terres du hip hop qu’il faut aller chercher cet ‘animal’. Du côté de Bristol. Du côté de Tricky. Présent sur ‘Run Dem Red’, l’ex Massive Attack donne la réplique avec talent dans un registre qu’on lui connaît peu (lui qui dit pourtant vouloir sortir un album rap depuis des années), excepté pour son featuring avec Gravediggaz sur ‘Hell is round the corner’. C’est en quelque sorte un renvoi d’ascenceur puisque Kool Keith avait collaboré avec Tricky sur le remix de ‘Evolution Revolution Love’ de l’album  »Blow Back. Sombre » et pesant, l’instru supporte un refrain murmuré particulièrement inquiétant et qui se révèle être une des grande réussites de Game.

Si de très bons titres sortent du lot, comme le superbe ‘Game’, ‘Run Dem Red’, ‘U Jerk Chickens’ ou encore ‘Space’, quelques titres tels que ‘Gotta Do’ et son refrain chanté viennent toutefois ternir l’ensemble de l’album. La démarche globale du projet excuse cependant ces petites fautes de goût. Si le style surprend quelque peu aux premières écoutes, cet album au concept fouillé est finalement très bon et ravira naturellement tous les fans de Kool Keith. Les autres devront s’efforcer de passer outre les sons synthétiques, les beats éclatés et les délires en tous genres pour pouvoir apprécier l’album. Autant dire qu’ils passent à côté de l’essentiel.

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