Chronique

Propo'88 & Blabbermouf
From the Top of the Stacks

Auto-produit - 2012

L’an dernier, on avait senti un truc étrange avec « Fast Forward Remix« . C’est désormais confirmé : dans un coin des Pays-Bas du nom d’Utrecht, le temps s’est arrêté en 1992. Et c’est pile de là qu’arrivent Propo’88, Blabbermouf et leurs amis. Pas grand-chose à faire d’un quelconque héritage de Mobb Deep ou de l’avènement du Cloud Rap, les Néerlandais sont là pour lâcher les chevaux, et en anglais. Accélérations, roulements, avalanches de scratches, prods uptempo gorgées de cuivres, refrains gueulés à l’unisson : à défaut d’être reposant, c’est impressionnant d’énergie. Difficile de s’en sortir avec les cervicales intactes.

Instinctivement, on serait tenté de se dire que From the Top of the Stacks a tous les atouts pour être l’un des meilleurs albums de ces dernières années. Techniquement, c’est irréprochable : malgré leur jeune âge, Blabbermouf et ses collègues ont dû bouffer des quantités impressionnantes de mics pour en arriver à ce niveau de maîtrise. De son côté, Propo’88 assure toutes les prods et parvient à donner une réelle couleur à l’album, en évitant les passages à vide et en laissant suffisamment de place à la virtuosité des MCs. Cette efficacité au micro et derrière les machines donnent une belle ribambelle de bangers : citons « FlabberGasted », « Pass it ova here », ou « Punks’n’all da Suckaz ». Et bien sûr, puisqu’on est revenu vingt ans en arrière, l’album s’achève par un posse-cut magistral (« Step into da Cypher »), où les rappeurs se relaient pour étaler leurs flows.

Vous l’aurez deviné : il y a un « mais ». En dehors de quelques références contemporaines dans les textes, rien n’indique vraiment que nous sommes en 2012 à l’écoute de From the Top of the Stacks. L’album ressemble fort à l’un de ces projets qu’un label n’a jamais voulu sortir, et qui se retrouve comme par magie sur le net lorsque tout le monde, ses auteurs y compris, l’a oublié. Cette volonté de Propo’88 et de Blabbermouf de coller aux codes d’une époque qu’ils n’ont pas connue est troublante. Pourquoi ne pas consacrer cette folle énergie à créer quelque chose de nouveau, en cherchant à se réapproprier la musique Hip-Hop ?

Ce qui interpellait chez Mac Miller ou 1995 est ici poussé à son paroxysme. A tel point donc que, malgré la qualité indéniable de l’album, il est difficile d’en terminer l’écoute sans se poser de questions. Propo’88 et Blabbermouf sont deux jeunes adultes amateurs de (bon et vieux) rap, de meufs, de défonce, comme il doit en exister des centaines de milliers dans le pays de Marco Van Basten (pour rester dans le contexte). A part ça, qui se cache derrière ces blazes ? Tout occupés à copier leurs idoles, les garçons ont oublié de nous parler d’eux. Voilà qui est tout de même assez gênant, et malheureusement assez caractéristique du rap « à l’ancienne » connaissant un certain succès en ce moment.

Toutefois, finir cette chronique sur une note négative serait injuste : malgré ces réserves From the Top of the Stacks est un très bon premier projet, à la durée de vie assurée par des morceaux franchement plaisants à écouter. Propo’88 et Blabbermouf ont tout le temps devant eux pour grandir et devenir eux-mêmes en tant qu’artistes. Et s’ils parviennent à conserver ce talent et à rendre leur musique un peu plus personnelle, nul doute que leurs disques resteront en haut de la pile pour un bail.

Écouter l’album ici.

Fermer les commentaires

Pas de commentaire

Laisser un commentaire

* Champs obligatoire

*