Ol Tenzano
Extralarge
Avant l’hypothétique sortie de l’album de Less’ du Neuf, Ol’ Tenzano pose ses marques et fait circuler son nom grâce à cette mixtape, « Extralarge ». Derrière ce titre un peu pataud se cache une incroyable panoplie d’artistes renommés. Akhenaton, FF, Ärsenik, Disiz, Pit Bacardi : omniprésents sur les ondes, Ol’ Tenzano cherche à dépasser le public classique des mixtapes. Mais, loin de s’en contenter, il désire aussi satisfaire des auditeurs plus pointus en invitant d’autres artistes engagés et/ou talentueux, moins exposés, mais très prometteurs. Le thème conducteur est « Qu’est-ce que j’ai apporté au rap de puis le début ? », mais il n’est que peu exploité.
Devant un tel plateau de gros calibres, l’attente est immense. Et la première écoute décevante. Certes, les productions, toutes créées pour l’occasion (la grande majorité par Ol’ Tenzano, les autres par Logilo, Finger, Ol’ Kainry, JMDee, Pone), ce qui change des sons habituellement tirés des derniers tubes américains, sont de bonne qualité. Variées, tant par les rythmes que par les mélodies, elles manquent néanmoins de personnalité, de surprise, de fraîcheur. Les artistes se suivent et renforcent un à un cette impression de faiblesse musicale par la qualité de leurs interventions, à travers lesquelles on perçoit une expérience détonnante pour une mixtape. S’adaptant au style sonore imposé, ils donnent envie de réécouter leurs prestations… sur d’autres supports.
Les impatients s’arrêteront là. Les autres découvriront le « double effet Tenzano ».
Dès la deuxième écoute, la surprise s’amorce. Tout apparaît plus fluide et plus raffiné. Des détails surgissent à chaque morceau, étonnamment passés inaperçus la première fois. Si la bonification avec le temps est signe de qualité, « Extralarge » est alors un grand cru ; tout au moins les productions d’Ol’Tenzano. Car le renversement de rôle est total : les rappeurs, satisfaisants au départ, apparaissent tout à coup bien conservateurs et dépourvus d’imagination.
Le son d’Ol’Tenzano, classique en apparence, est truffé d’innovations, ignorées par des invités qui, sans démériter, ne remettent à aucun moment leur phrasé en cause. Leurs textes sont à la hauteur, mais, habitués à des mixtapes formatées, ils passent à côté d’une merveilleuse occasion de prouver leur aptitude à varier l’interprétation de thèmes habituels. Peur de prendre des risques ? Réflexe ancré ? « Je reste persuadé, qu’on se perd tous à force, de pas être persuasifs. » Jeep N°12
Ce constat global effectué, il faut mettre en avant certains artistes, qui, non-plébiscités par l’acheteur type de mixtapes (à l’inverse de Rocé, La Rumeur, Sheryo, Vasquez…qui ici brillent par leur immobilisme), dépassent le registre dans lequel on les avait cantonné. On notera ainsi :
– Calbo, qui se démarque enfin de Lino, grâce à une étrange aptitude à couper les mots et les phrases en dehors des rimes et donc à créer un décalage avec notre attente
– Akhenaton, qui réveille le flow étonnamment terne de ses partenaires de la Cosca (Samm, Le A, Sako) par des rimes riches et abondantes (« Jeune, j’ai fait mes classes écoutant les premiers maxis de Nasty Nas, à Stuttgart, ils se disent : Was ist das ? C’est rien, c’est juste mon groupe pénétrant par effraction par le vasistas »)
– R. Can, humble, mélancolique et virtuose du rap simpliste
– Swan, décidément attachant par sa voix râpeuse et teintée d’amertume (« Le temps perdu se calcule en années et je le regrette chaque jour »)
Une semi-réussite, donc, pour un producteur talentueux. On attend »Extralarge 2 » avec curiosité.
Pas de commentaire