Chronique

DarkStar: The Last
End of the Road

Blah Records - 2012

DarkStar: The Last est un MC new-yorkais, affilié depuis quelques années au collectif anglais Children of the Damned et au label Blah Records. Le garçon s’est particulièrement fait remarquer l’an dernier, avec l’EP Beginning of the End, porté par le glacial King Lunacy. Produit par Reklews, l’un des beatmakers de COTD, le projet laissait augurer du meilleur pour l’album censé sortir dans la foulée. Plus de six mois après, End of the Road est enfin arrivé. Et l’attente valait le coup.

Un rapide regard au tracklisting et au titre du second morceau, « 90’s Horror Movie », ne laisse guère de doute quant aux influences. Les délires enfumés de Children of the Damned apparaissent tout d’un coup bien loin. Le flow est agressif, la voix éraillée. Inspiré autant par les plus grands slashers que par le rap new-yorkais du siècle dernier, DarkStar fait dans le genre brutal. Comme les plus grands tueurs du cinéma d’horreur, le MC est très énervé sans que l’on sache réellement pourquoi, et entend bien attenter à la vie de quiconque croisera son chemin. Il nous emmène donc avec lui pour une virée nocturne dans les rues crasseuses de la Grosse Pomme à la recherche de sa prochaine proie, façon Frank Zito dans Maniac. Le lampadaire de la pochette est bien la seule source de lumière du projet, et la philosophie du bonhomme se résume en quelques mots pleins d’optimisme, « I got no friends, only enemies« . Pourtant, d’autres rappeurs sont tout de même invités à partager le micro, et tous s’acquittent plutôt bien de leur tâche, quel que soit le côté de l’Atlantique d’où ils arrivent.

Pour coller à ces récits meurtriers et à cette identité très tranchée, il fallait des supports musicaux adaptés. Et c’est donc Reklews qui s’y colle, ayant ainsi la chance de s’exprimer sur un terrain de jeu moins caillouteux que les projets un peu décousus de ses collègues de Blah Records. Orientant sa patte habituelle vers des dimensions plus crasseuses et crépusculaires qu’à l’accoutumée, l’Anglais s’en sort avec brio. Pas de beats épiques ou de guitares électriques : comme un bon réalisateur de film d’horreur, Reklews sait suggérer la violence et le danger plutôt que de se lancer dans un déferlement de brutalité. Les prods sont donc inquiétantes et dépouillées, à base de lourdes lignes de basse et de samples étranges dont le garçon s’est fait une spécialité. Mentions spéciales au véritable classique du gouffre en puissance qu’est « King Lunacy », au nerveux « End of the Road », à « Causin’ Effects » ou « Everyday War ».

Bien sûr, l’album n’est pas exempt de défauts : il aurait ainsi été appréciable d’entendre plus de scratches, ou que DarkStar se montre plus versatile au micro. Mais le principal bémol à apporter reste l’absence de sortie en CD, une habitude franchement désagréable chez Blah Records. A leur décharge tout de même, Lee Scott et les siens ont dû chercher à donner à End of the Road une existence physique avant de renoncer, ce qui expliquerait que la date de sortie, visiblement fixée au 30 octobre dernier, ait finalement été repoussée à la fin-février 2012.

A l’heure où les différences entre les divers types de projets (EP, LP, mixtapes, etc.) sont de plus en plus difficiles à cerner, End of the Road est donc un vrai album, sérieux, cohérent et dense. DarkStar a un univers qui sera certes rédhibitoire pour beaucoup, mais qui est maîtrisé et lui est propre. Reklews fournit un excellent travail en modelant son identité sonore pour coller au registre du MC, et l’alchimie entre les deux fonctionne à merveille. Il faudra donc se lever tôt, et surtout rôder tard, pour faire mieux dans le registre « rap de coupe-gorge » dans les prochains temps.

Écouter l’album ici.

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