Chronique

Romstick
Du Silence au Vacarme

Flehome Prod / Fatskin / Skyzominus - 2006

« Je dis ce que je pense et ce que je crois penser. Je dis ma petite vérité qui ne va pas très loin, d’ailleurs, qui n’est pas à moi ; mais je la dis avec mon caractère, avec ma nature. Je prends des idées qui sont à tout le monde et je les traduis selon ma propre nature. Ça ne va pas plus loin que ça : je n’ai pas la prétention de changer le monde, je ne sais pas comment il faut faire pour le changer. »

Ces quelques phrases de Georges Brassens pourraient résumer l’approche de « l’école stéphanoise ». En 2003, le magnifique Derrière nos feuilles blanches avait permis d’attirer l’attention sur la scène rap de Saint-Étienne, d’en déceler peu à peu les richesses autour de ses deux groupes phares, feu la Cinquième Kolonne et Hasta Siempre. Ceux-ci ont en commun un goût pour les ambiances mélancoliques, les textes froids et désabusés sur les relations humaines, l’introspection, tout en conservant chacun leurs spécificités (l’autodérision et les escapades jazz pour Fisto et 12Mé, l’horrorcore ou death hip-hop pour Piloophaz…).

Rappeur au sein du collectif Hasta Siempre (12Mé, Mash, Mans, DJ O’Legg, Zedka), Romstick est enfin mis en avant via un EP sept titres, « Du Silence au Vacarme ». Auparavant entendu notamment sur le ‘Ethiliquement Incorrect’ de Piloophaz (Nature Morte, 2004, également présent en bonus track sur ce disque), le MC stéphanois n’est pas du genre à passer inaperçu tant son débit haché et sa voix écorchée le distinguent de ses collègues.

« Du Silence au Vacarme » confirme son talent. S’il faudra plusieurs écoutes aux non-initiés pour s’habituer à son style – ou le rejeter définitivement -, l’atmosphère lugubre et le caractère écorché vif des textes de ce « clown rarement drôle, comme Krusty« , parfaitement véhiculés par son timbre de voix rauque, prennent à la gorge et deviennent vite envoûtants. Rarement fond et forme ont semblé en si parfaite adéquation : les instrus signés Mans, Fleow ou Piloophaz évoluent logiquement dans un veine sombre, des boucles variées de cordes (piano, guitare, violons…) aux micro-samples de cuivres et voix pitchées. DJ O’Legg est une nouvelle fois très présent (six titres sur sept) et se montre impeccable, qu’il cutte quelques phases de rap US (Method Man, Mobb Deep…) ou scratche divers sons en arrière-plan.

Deux beats viennent néanmoins apporter une touche un peu moins pesante : celui du dynamique ‘Tout sort du coffre’, produit par Fleow à base de samples du ‘Come To Mama’ d’Ann Peebles, et ensuite celui de ‘Une guerre éclate’, aux faux airs de ‘Shook Ones part.2’ ralenti.

Comme Des Lumières sous la pluie, Mille et un fantômes ou Derrière nos feuilles blanches, Du Silence au vacarme parvient au bout de quelques titres à retranscrire une atmosphère nocturne et froide, pleine de spleen. Mettant en avant sa part d’ombre, Romstick se montre convaincant sur les sept titres composant ce disque solide. « Anti-star du phonographe« , il se livre via une écriture sèche fortement empreinte de pessimisme, que la courte durée de ce EP empêche de devenir trop étouffante pour l’auditeur. Dans la droite lignée des ambiances créées par Piloophaz, le rappeur stéphanois se démarque toutefois par sa voix grave et son rap à la fois traînant et agité, comme s’il craignait de suffoquer. Il prend des idées qui sont à tout le monde et les traduit selon sa propre nature : indéniablement, Romstick vise juste.

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