Sage Francis
Dr. Feel Nathan
Après un « Personal journals » qui aura étonnamment séduit un auditoire au spectre assez large, allant des plus fanatiques adeptes d’Anticon au difficile public de la scène indépendante, Sage Francis sort ce trois titres en 45 tours édition limitée. Aussi original que cela puisse paraître, ce format aura au moins le mérite de ravir puristes et crate-diggers, mais aussi d’intriguer le chaland…
S’il est désormais acquis que Sage Francis est un des meilleurs MCs de ces dernières années, certaines mauvaises langues argueront toujours qu’il est largement mis en valeur par les productions qui l’accompagnent. Il est vrai que la liste des beatmakers de son dernier opus avait de quoi laisser rêveur : Jel, Sixtoo, Mayonnaise, Mr Dibbs, Alias, Odd Nosdam, Controller 7, pour ne citer qu’eux. Mais cet argument ne tiendra pas longtemps à l’écoute de ce 45 tours, car il s’agit ici de trois poèmes, clamés en spoken word et enregistrés à l’occasion d’un des live du MC à New York en 2002. Passé maître dans l’art de surprendre (ses concerts sont constitués de son unique présence et de Mini Discs qu’il remplit d’instrus), Sage Francis se livre complètement lorsqu’il est sur scène. C’est là qu’il a fait ses premières armes, en arpentant concours de freestyles et autres battles.
Voilà donc tout l’attrait de ce disque : entendre une performance live et accapella. Pour ce qui est du contenu, au regard de la splendide pochette et de son titre, on comprendra qu’il s’agit d’Amour (il s’en amuse d’ailleurs en se pastichant sur la pochette et en détournant son blaze). Mais bien loin de verser dans l’eau de rose, Sage Francis ne manque pas d’humour (noir) lorsqu’il aborde ce sujet (‘Ode to My Bitches’). Les rimes sont tantôt touchantes, tantôt cyniques, et ne manquent pas de susciter l’intérêt du public.
Bien qu’il soit quasiment impossible de décrire l’énergie que Sage Francis dégage sur scène, l’écoute de ce 45 tours (pressé à 750 exemplaires seulement) peut toutefois donner un aperçu de ses dispositions face à un public. Comme ces mots, il ne suffira toutefois pas à retranscrire la théâtralisation, les longues tirades, les beats boxs effrénés ou encore les hurlements de rage qu’il peut émettre, tant tout cela paraît dépourvu de comparaison. Mais derrière cette pochette kitsch, l’occasion nous est donnée d’apprécier une performance qui peut donner une esquisse (la réalité est difficilement transcriptible) de l’intensité dégagée par le rappeur, l’énergie qu’il fournit et l’émotion qu’il tente de faire passer, tant il semble possédé par ce qu’il dit, par ce qu’il vit.
Pas de commentaire