Diam's
Dans ma bulle
Plus d’un million de personnes ont acheté Dans ma bulle, le troisième album de Diam’s. Le chiffre, impressionnant en cette période de vaches maigres dans l’industrie musicale, a fait de la rappeuse essonnienne la chanteuse la plus populaire de France. Qui dit succès, dit suspicion, idolâtrie et rejet. Peut-on vraiment donner tort à un disque de diamant ? Est-il possible de pinailler face à une artiste complètement en phase avec son public ? Aujourd’hui Mélanie n’est plus une rappeuse comme les autres, elle n’est pas loin d’être un phénomène de société, et Dans ma bulle porte les marques du tiraillement provoqué par son incroyable succès.
Sorti début 2006, l’album a eu son lot de singles : l’hymne générationnel (‘La Boulette’), la bluette pour filles (‘Jeune demoiselle’), les poings en l’air (‘Marine’, ‘Ma France à moi’) et bien sûr l’inénarrable ‘Confessions nocturnes’, soap-opera grossier dont on se demande si la seule raison d’être n’était pas d’être parodié par Michael Youn. Au fil de ces quatre extraits, Diam’s semble animée d’un tel désir de faire corps avec l’air du temps qu’il est par moment difficile de faire le tri entre la sincérité franche et le calcul commercial, l’introspection thérapeutique et la fiction larmoyante.
Il faut dire que la rappeuse a cette capacité admirable de s’attaquer à ses sujets comme une poupée de crash-test. Dans ‘Ma France à moi’, elle prend le risque de se faire porte-drapeau, mais pour défendre cette jeunesse tant décriée, elle bâtit une forteresse de clichés en croyant les combattre. Pire, elle emprisonne son auditoire dans un miroir terne, sans lui laisser d’autre choix de n’être qu’une cible marketing qui idolâtre Zidane, Jamel et Booba, tchatte sur MSN, crache sur le FN, et – placement de produit ! – consomme chez Foot Locker. La réalisation lêchée et les impeccables arrangements de guitare ne dissipent pas le malaise, celui de voir l’artiste creuser un fossé au beau milieu de son parterre de fans.
« Avec elle, on ne sait pas si on frissonne d’agacement ou d’émotion, mais on frissonne quand même. »
Mais pour chaque dérapage réac’ (dans la bulle de Diam’s, les filles ne sont visiblement que mamans ou putains), pour chaque couplet sucré qui transforme cette jeune femme de 26 ans en petite midinette (on aimerait d’ailleurs lire les lettres de son amoureux qui aurait « la plume de Booba »), il reste l’énergie et l’émotion, ce sens de la narration précise et enflammée, et dans tous ces domaines, Diam’s est redoutable. Quand elle évoque le démon de l’écriture (‘Feuille blanche’) ou l’enfant de ses rêves (‘Car tu portes mon nom’), son rap redevient féminin, juste et touchant. Diam’s rit, Diam’s crie, Diam’s pleure. Théâtrale, gouailleuse, elle en fait beaucoup, souvent trop, mais remplit son interprétation d’une désarmante sincérité qui peut provoquer une réaction étrange chez l’auditeur sceptique : avec elle, on ne sait pas si on frissonne d’agacement ou d’émotion, mais on frissonne quand même.
Finalement, c’est en toute fin d’album, dans ‘Petite banlieusarde’, que le phénomène Diam’s semble se réconcilier avec Diam’s la rappeuse : « J’n’ai que le rap, et personne peut m’en vouloir d’avoir apprécié la gloire ne serait-ce que pour un soir« . La bulle se referme dans la foulée de ce titre-fleuve, sur un « Je rappe » elliptique qui résume l’essentiel : Diam’s rappe. Avec fougue, générosité et sans aucun complexe. Son rap à succès, populaire ou populiste selon l’intention qu’on lui donne, est bouleversant de naïveté, de lourdeur et de grâce. Petite rappeuse devenue chanteuse de variété, Diam’s n’a pas besoin d’un piano ni d’un étendard pour être une artiste respectable, donnez-lui juste un microphone. Et tendez l’oreille. Elle rappe.
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