Stoupe
Decalogue
Admettons-le, l’époque est à la surenchère. Surenchère dans le clinquant, l’arrogance ou la démonstration. On en viendrait même à tomber dans un constat troublant : des séquences les plus fantasmées de Pimp my ride aux bureaux de l’Elysée, une forme d’unisson demeure.
Pierre angulaire de l’univers sonore de Jedi Mind Tricks depuis le fondateur Psycho-Social LP, inspiration première de ses affiliations diverses – Army of the Pharaohs, Snowgoons, Hitfarmers – Stoupe est, lui, un homme de peu de mots. Discret et peu loquace en interview, l’autoproclamé Enemy of Mankind se réfugie depuis toujours dans un mystère entretenu, préférant laisser ses hymnes guerriers perclus de boom-bap parler pour lui. Quelques mois après la sortie officielle de A history of violence, dernier opus plutôt inégal du quator Vinnie Paz-Jus Allah-Stoupe-DJ Kwestion, voici enfin son échappée solo, jusqu’ici régulièrement annoncée et repoussée.
L’improbable devenu réalité, on découvre avec Decalogue un album condensé. Dix morceaux, avec un semblant d’introduction et aucun interlude. Dix morceaux sonnant comme autant d’échos aux nombreuses munitions déversées depuis des années par le maestro de Philly. Si ces titres ressemblent avant tout à une compilation d’inédits issus d’époques dispersées, ils ont le mérite de dévoiler toute l’étendue de la palette de l’Enemy of Mankind. Les envolées de violons bien marqués années quatre-vingt dix (‘Allison James’, ‘Transition of Power’) succèdent ainsi aux gros samples de musique latine (‘The Truth’, ‘That’s me’) et autres ambiances d’opérette (‘The Torch’) ponctuées par instants de voix pitchées (‘When the sun goes down’). Cette diversité associée à une qualité quasi-constante rappelle l’héritage passé – six albums de JMT, soit des états de service de premier ordre – tout en l’assurant d’une certaine cohérence.
L’ensemble, efficace sans être génial, connaît ses hauts et ses bas. Une oscillation manifeste née d’une sélection d’invités assez large. Là où Saigon impressionne par sa maîtrise et son explosivité – ‘When the sun goes down’ s’impose comme LE morceau phare – Outerspace (‘Speakeasy’) et M.O.P. (‘Transition of Power’) jouent du mortier, tout en force et sans délicatesse. Le style est éprouvé et connait ses adeptes, massivement regroupés sur cet album. Sauf que tous n’apparaissent au sommet, la jouant même parfois minimum syndical, à l’image de Joell Ortiz (‘That’s me’), Supastition (‘The Truth’) ou Des Devious (‘Evil Deeds’). Autant de couplets anecdotiques sur des productions affûtées de Stoupe, forcément ça laisse des regrets. Tout en nous rappelant au passage que Vinnie Paz, l’artificier en chef de Jedi Mind et complètement absent de ce projet, reste un sacré bon client.
Bien foutu à défaut d’être surprenant, Decalogue ne marquera pas l’histoire, ni même une année 2009 déjà riche en événements. Il reste néanmoins un aparté sanglant et malgré tout plutôt jouissif dans la discographie sans faille de Jedi Mind Tricks. Les aficionados du genre sauront s’en contenter; en attendant le prochain Army of the Pharaohs annoncé pour la fin d’année.
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