Chronique

D&D Project 2

D&D Records - 2002

A Manhattan, le 26 février 2003, tout un pan de l’histoire du rap s’est écroulé. Le légendaire D&D Studio, lieu de prédilection de l’underground new-yorkais a définitivement fermé ses portes, devenu obsolète et coûteux à l’heure du numérique et de l’avènement du logiciel Pro Tools. Ouvert en 1983, il a vu défiler toute la crème du rap new-yorkais, de Big Daddy Kane à Notorious BIG, à la recherche de ce son brut, idéal pour les « dope singles for the streets« , comme le revendiquait récemment DJ Premier, figure emblématique du studio, à The Source. La bannière D&D survit aujourd’hui via le label D&D Record, inauguré avec la compilation D&D project II, sortie fin 2002. Elle réunit signatures du label (Craig G, QNC, Krumb Snatcha), vétérans sur le retour (Big Daddy Kane, Jaz-O), anciens espoirs (RA the rugged man, Agallah) et jeunes loups affamés (Scram Jones). Un casting rafistolé qui ne laisse pas présager le meilleur pour la densité de la compilation.

Les nombreuses combinaisons et la multiplicité des producteurs (11 pour 14 titres) condamne le tracklisting à errer entre coups d’éclats et ennui profond. En solo, Craig G et Jack « Uh-oh » Venom délivrent respectivement un bon titre (‘The Raw’, ‘The executioner song’) et un raté (le synthétique ‘Say what ya want’ et ‘Itz nuttin » aux accents latino) qui ont le malheur d’être placés en début de compilation. Krumb Snatcha apparaît de façon anecdotique, et seul Buddhakai parvient à marquer les esprits au micro et à la production lugubre de ‘When it comes to a war’ et son envolée de violons dramatique.

En dépit de productions labellisées D&D, les instrus manquent souvent de fraîcheur et d’inspiration. Même DJ Premier délivre un beat fade et emprunté (tout est relatif) à Jaz-O & The Immobilarie pour ‘Love is gone’, titre également présent sur le dernier album de celui qui donna à sa chance à un certain Shawn Carter. Dans le même univers sonore que Primo, c’est Curt Cazal, producteur associé du projet qui tire son épingle du jeu. En grande forme, il ouvre la compil’ avec un ‘How it soundz’ digne de ‘Ante Up’ (avec Ruck, Jimmy Grand & AG) et produit également le dernier titre, ‘2 Hits & Pass’. Seul morceau à vraiment traduire l’esprit du D&D Studio, ce freestyle géant voit se croiser pendant près de 11’30 un DJ portoricain (Tony Touch), une star de la radio (Big Tigger), l’ex-« Unsigned Hype » Scram Jones, un comparse de Premier (Afu-Ra), une moitié des High and Mighty (Mr Eon) ainsi que Buckshot, Smuv, Serch, Steele et Agallah.

La véritable réussite de ce D&D Project 2 intervient à mi-album, entre deux posse cuts sans saveur (‘The usual suspects’ et ‘Hot sh*t’, déjà entend sur la compilation Fat Beats). Dans le bien nommé ‘Kill it’, Channel Live, Craig-G, Agallah et RA The Rugged Man viennent souiller une typique et géniale production d’Alchemist, toujours apte à puiser ses ambiances sombres et solennels dans les vieux films policiers -ici, « Le Marginal », avec Jean-Paul Belmondo.

Au final, il faut traverser plusieurs tunnels pour entrevoir la lumière dans ce second volet du D&D project. Les artistes du label, sans être honteux, ne se démarquent pas particulièrement de la quarantaine d’invités de l’album, et la sauce prend rarement, le temps de quelques sursauts comme ‘Kill it’, ‘How it soundz’ et ‘When it comes to a war’. Les associations de circonstances et les productions de seconde main ne rendent pas justice au prestigieux studio, qui aurait pu rêver de meilleurs collaborations pour une compilation qui demeurera comme son chant du cygne.

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