Common
Electric Circus
Après un dernier album, Like water for chocolate, décevant, beaucoup avaient déjà commencé à considérer Common (anciennement Common Sense) comme un artiste sur le déclin.
Sans être excessivement alarmiste, on pouvait tout de même assez légitimement s’interroger; Common allait-il lui aussi être la victime d’un enlisement putassier ? Electric Circus répond très clairement à cette question. Absolument pas, bien au contraire.
Dix ans après la sortie de son premier album Can I borrow a dollar ? en 1992, le natif de Chicago réussit encore à nous surprendre. Une nouvelle fois entouré de l’équipée (peu sauvage) des Soulquarians, composée de Jay Dee, James Poyser et Ahmir » ?uestlove » Thompson, plus les toujours prolifiques Neptunes, Common est au centre d’un splendide édifice musical, riche et bigarré. Repoussant les limites et barrières musicales, Common s’émancipe d’un seul cadre restrictif, pour se nourrir d’influences diverses, entre soul, funk et rock des années 70. L’électrique (et donc bien nommé) ‘Electric Wire Hustler’ côtoie ainsi le très soul ‘Come close’, le génial ‘I am music’ rappelant les sonorités des années trente ou encore le complexe et grand hommage à Jimi Hendrix ‘Jimi was a rock star’. Une véritable évolution musicale (mais pas révolution) bien exprimée avec cette rime extraite de ‘I got a right ta’ « Hip-Hop is changing, you all want me to remain the same ?« .
Common est soutenu dans son œuvre par une kyrielle de musiciens et chanteurs contribuant à l’élévation de cette œuvre atypique. Et si les invités prestigieux ont souvent tendance à nuire à l’unité d’un album, c’est ici tout à fait l’inverse. Placés en retrait, ils viennent enrichir une mosaïque d’influences d’où résulte la richesse de cet opus. On retrouve ainsi une partie des chefs de file de la scène Nu-Soul (Bilal, Erikah Badu Mary J.Blige, Jil Scott, Vinia Monica et Marie Daulne de Zap Mama), le polyvalent Cee-Lo, Omar et Dart Chillz (sur ‘Electric Wire Hustler’), Pharrell Williams et plusieurs musiciens reconnus tels Bobbi Humphrey, Damon Benett ou encore Prince (tout simplement.) Au sommet de cette pyramide, on trouve un Common plus assuré et mature que jamais.
Techniquement parlant, rien à redire. Le phrasé est assuré, encore plus délié que par le passé, du grand art. Common sait se faire incisif, comme sur l’excellent ‘Aquarius’, ou plus posé sur ‘Come Close’, véritable déclaration d’amour adressé à sa compagne Erykah Badu. Et si le talent d’écriture de Common nous est connu depuis longtemps, il brille ici de mille feux, regorgeant de métaphores et images inspirées. ‘Between me, you and liberation’ est à ce titre particulièrement remarquable et touchant. A travers les trois couplets de ce morceau, Common aborde trois thèmes très personnels, des expériences intimes, se recoupant sur le thème de la libération. Des abus sexuels subis à l’enfance par l’une de ses proches, ressurgissant à l’age adulte pour progressivement s’arranger, aux affres de la maladie et la mort d’une proche (en l’occurrence sa tante) jusqu’au récit de l’un de ses proches avouant son homosexualité. Libération et justesse dans l’écriture, à des années lumières du matérialisme et de l’ignorance gangrenant trop souvent le rap ces derniers temps.
Et si au final on peut dénoter (et regretter) quelques petites baisses de régime, elles demeurent beaucoup trop infimes pour gâcher notre bonheur. Reconnaissons donc Electric Circus pour ce qu’il est : un grand album, déroutant et justement novateur, à contre-courant des tendances actuelles. Un vrai bonheur en somme.
Pas de commentaire