Ocean Wisdom
Chaos 93′
Il est peu de dire que la sortie de Chaos 93′ était attendue par beaucoup. Depuis deux ans et la mise en ligne du clip de « Walkin », l’intérêt n’avait fait que grandir autour des projets d’Ocean Wisdom. Avec son fast flow, son énergie et sa bonne tronche, le jeune résident de Brighton avait séduit tous les fans de rap anglais et pouvait légitimement viser au-delà. À l’aise sur du boom-bap comme sur du grime, avec la machine High Focus Records derrière lui, Ocean Wisdom devait confirmer, avec ce premier long format, qu’il était bien le futur du UK Hip-Hop.
Ne laissons pas le suspense s’installer : oui, Chaos 93′ est un bon album. Qui aurait pu être meilleur néanmoins. Soixante-quinze minutes pour un projet, c’était trop long en 1993 et ça l’est encore plus de nos jours. Commencer le disque par les quatre premiers singles est également un choix étrange mais qui en dit beaucoup sur la nature réelle du projet, qui se révèle être finalement plus une carte de visite, une façon de mettre le pied dans la porte, qu’une œuvre aboutie se suffisant à elle-même.
La production, entièrement signée par Dirty Dike, confirme l’idée : on navigue sans cesse entre registres classiques (« Gone », « O Kiddi K », « One Take », « Real Smooth ») et beats plus lents et lourds (« High Street », « Devilish », « Freeze », « Mazin’ Hazin’ « ), sur lesquels Wizzy peut lâcher les chevaux et étaler toutes ses qualités de flow. Au final, aucun instrumental ne tape à côté, certains sont même brillants (« Doolally », « Heskey », « One Take »), et on ne peut qu’admirer la capacité de Dike à se diversifier et à s’éloigner avec brio de sa zone de confort.
« Si l’objectif de Chaos 93′ était de nous convaincre définitivement qu’Ocean Wisdom est de la trempe des meilleurs, c’est réussi même si on n’en doutait déjà plus vraiment. »
Mais, et ça parait encore plus évident en décrivant le disque, un regret se fait de moins en moins sous-jacent : il est dommage de ne pas avoir donné plus de cohérence à Chaos 93′ , de ne pas avoir cherché à lui conférer une identité plus clairement définie. La volonté pour un jeune artiste (ou pour son entourage) de ne pas brûler les étapes est louable. Pourtant il parait évident qu’Ocean Wisdom a des qualités assez extraordinaires et une personnalité qui devaient lui permettre de s’écarter de la mixtape déguisée tout en restant pertinent.
Wizzy finit d’ailleurs par banaliser l’exploit, enchaînant des phases de flow toutes plus impressionnantes les unes que les autres, avec quand même des pointes remarquables sur « O Kiddi K » ou « Splittin’ the Racket », qu’on connaissait déjà mais dont on ne se lassera probablement jamais. Ne se contentant pas non plus uniquement de rapper, il chantonne également plutôt bien (« 4U », « Gone », « Freeze »). Les invités sont chevronnés (Klashnekoff, Remus, Foreign Beggars et les collègues d’High Focus) et, ne voulant visiblement se faire éclipser par le rookie, ont su se mettre au niveau, sans pour autant chercher à concurrencer Wizzy sur son terrain.
Si l’objectif de Chaos 93′ était de nous convaincre définitivement qu’Ocean Wisdow est de la trempe des meilleurs, c’est réussi même si on n’en doutait déjà plus vraiment. Le choix de ne pas avoir réalisé un projet avec une direction artistique plus ferme est légèrement frustrant mais l’essentiel est là : le disque est réussi, et Ocean Wisdom a désormais une première référence discographique majeure pour continuer à aller de l’avant. Et à vingt-deux ans, il a tout le temps devant lui pour sortir de grands albums.
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