Fdy Phenomen
Ça d’vait arriver
A l’origine membre des Rimeurs à Gage (avec JM Dee, Fouta Barge, Moci et Disiz la Peste), Fdy Phenomen part en solo lorsque le groupe se disloque. Il écume compilations Homecore, Première Classe 1 & 2, BOSS, Mission Suicide, L’univers des lascars, Hexagone 2001, Yamakasi), featurings (« Black Mama » de Lady Laistee, « Hier, aujourd’hui, demain » de 3ème Œil) et mixtapes (notamment celles de Poska, Kost, James, Smoke ou Rimsland). De son côté, il prend le temps de sortir ses propres maxis (Tous du même sexe / Pourquoi je prends le mic, 0 x 0 = 1 / Problème cardiaque, Ma logik / J’gagne tant que j’respire), apportant à chaque fois une touche personnelle, à défaut d’être unanimement appréciée. Signé récemment chez Secteur Ä Miziks, il y sort son premier album, Ça d’vait arriver.
John Boya, responsable de la majeure partie des instrus, semble avoir privilégié les boucles simple tout au long de cet album. Mais le son est assez froid et laisse entrevoir trop distinctement la volonté qui a accompagné la construction de chaque morceau. En dépit des trois perles distillées par Ol’Tenzano (‘Ghett’ Set’, ‘Interlude respect’ et ‘Blacko mobil’), l’album pêche par un manque de profondeur musicale et d’adéquation au flow de Fdy. Cela s’avère doublement nuisant puisque les textes qui, loin d’être subtilement mis en avant par un soutien solide, passent trop rapidement à la trappe. Et c’est d’ailleurs d’autant plus regrettable lorsqu’on aperçoit, par bribes, le potentiel de Fdy. Ainsi, ‘Trop près’ constitue une excellente surprise. Sur des sonorités douces, Fdy entame une complainte humble, brièvement accompagné au refrain par une chorale discrète, pour décrire un avenir perdu d’avance.
De même, ‘Interlude respect’ en dit long sur l’engagement de Fdy et l’importance qu’il attache aux racines et au devoir de mémoire. Au lieu de façonner un hit sur la meilleure instru de l’album, il l’utilise en se contentant de mettre en scène une série de mises à mort : « Présenteeeez armes ! Ibrahim… Feu ! Ousman… Feu ! Amadou… Feu ! Makomé… Feu ! Fela… Feu ! » , dans lesquelles on reconnaîtra Ibrahim Ali, Amadou Diallo, Omar « Ousman » Rabeh, Makomé M’Bowole et Fela Kuti. Or, cette dernière exécution est un hommage aux épreuves subies par Fela Kuti, le chanteur nigérian méconnu du public européen.
Malheureusement, loin de faire honneur à cet icone, Fdy ne convainc pas sur les autres titres. Pour un artiste considérant la revendication comme indissociable de sa musique, le discours peine à atteindre son but, du fait d’une trop grande dispersion, et laisse une légère impression de superficialité. Certaines phases atteignent leur but (« Ici, tout le monde a dit qu’il paierait la baraque à sa mère », « On fait des gosses sans croire à l’avenir, c’est ça l’génocide, à dire vrai », « Longtemps qu’on en parle, longtemps qu’on en perd : l’argent. Toujours, les noirs parlent de maille, personne s’en tire largement, donc autant faire c’qu’on a dit maintenant… Pourquoi baver sur l’autre salement ?« ) mais elles sont noyées dans un océan d’enchaînements difficiles à suivre.
De plus, sur son album, Fdy, comme son ex-acolyte Disiz, multiplie les invitations d’artistes reconnus ou controversés pour son premier album. Mais les combinaisons ne fonctionnent pas. Côté rap, Joey Starr et Lino sortent des couplets à la hauteur de leurs prestations récentes, c’est-à-dire décevants. Ensuite, Gab’1, pourtant réputé pour ses featurings de choc, n’intervient que sur un refrain. Enfin, Crise en thème, groupe antillais du génial collectif Red Zone, affiche une prestation en dessous de leur précédentes apparitions. Côté ragga, Neg’Marrons gâchent un morceau tandis que Djama Keita sauve l’honneur.
Dès lors, il est difficile de parler de réussite, en dépit de la présence de quelques passages remarquables. Fdy a le mérite d’apposer un style personnel tout au long de l’album. Ca d’vait arriver comporte des raisons d’y revenir après plusieurs écoutes, malgré son inégalité. Mais ceux qui avaient été époustouflé par le maxi 0 x 0 = 1 et s’attendaient donc à un album imparable risquent d’être déçus.
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