Chronique

Doom
Born Like This

Lex Records - 2009

Le visage dissimulé derrière un épais masque de fer, avec un goût assumé pour les alias et les personnages fictifs, MF Doom s’est taillé depuis le séminal Operation Doomsday une solide réputation. Figure d’une certaine forme d’alternative, il a su conforter ce statut particulier en enchaînant à un rythme de stakhanoviste les sorties ; notamment le très abouti Take me to your leader en 2003 et le génial Madvillainy confectionné avec Madlib en 2004.

Depuis ces albums marquants, l’icône – souvent un rien idéalisée – accumule les déceptions et le mythe du vengeur masqué a pris du plomb dans l’aile. Il faut dire qu’entre le recyclage à répétition de ses Special Herbs et ses couplets réchauffés, Doom a plus que joué avec la patience de ses adorateurs. Le summum de l’escroquerie restant tout de même ces concerts très officiels à San Francisco et Los Angeles où il a laissé un imposteur derrière un masque interpréter ses morceaux. Une sacrée carotte, forcement indigeste ; et ce n’est pas sa récente explication – franchement foireuse – qui a amélioré quoi que ce soit.

Alors à l’heure de se pencher sur son nouvel album, cinq ans après l’inégal MM…Food, on s’attendait au pire. A ce que Born like this s’apparente à un petit enterrement entre anciens amis. Sauf que Born like this n’a pas la dimension d’une cérémonie mortuaire et que l’auto proclamé « Vaudeville Villain » n’est pas encore tout à fait fini.

Porté par la voix rauque et rocailleuse de MF Doom, ce nouvel épisode s’inscrit dans une dynastie, une lignée cohérente, riche de ses récurrences. Multiples extraits de films et émissions obscures servant de liants entre les séries de courts morceaux, un univers sonore marqué et inspiré par ses « Metal Fingers » et sa garde rapprochée (Madlib, J-Dilla). Le mix est brut, quasi-crade, comme le découpage de ces samples empilés jusqu’aux caisses claires.

Enfermé dans son personnage du rappeur masqué en quête de vengeance et de justice, Doom déroule – quitte à tourner en rond – en laissant l’impression qu’il rappera jusqu’à son dernier souffle. Nouvelles décapitations des wack MCs, références incessantes à l’univers métaphorique des Comics et une dose de provoc’ maitrisée : les ingrédients sont connus. Et si les vieilles ficelles sont usées, une certaine alchimie demeure. Quelques fulgurances (‘Rap Ambush’, ‘Cellz’) se mêlent ainsi à de l’anodin ou du déjà vu (‘Lightworks’ est basé sur la prod’ de Dilla déjà entendu sur Donuts, ‘Angelz’ est un remix de ‘Angeles’ tiré de Natural Selection).

Espéré comme un retour fracassant après des années marquées par un silence assourdissant, Born like this reste une œuvre inachevée dans une discographie déjà surchargée. Avec une quarantaine de minutes au compteur et pas mal de remplissage, il n’a pas la densité et l’éclat des meilleures inspirations de l’ex-KMD. Attendons la suite. Après tout, les super héros sont immortels.

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